Publié : lun. sept. 19, 2005 4:13 am
Les députés fédéraux vont se prononcer sur le suicide assisté
Joël-Denis Bellavance
La Presse
Ottawa
Que cela plaise au non au gouvernement Martin, les députés débattront en novembre d'une autre question qui divise la population canadienne: le suicide assisté.
Après la vive controverse qu'a provoquée l'adoption en juin d'un projet de loi reconnaissant les mariages entre conjoints de même sexe, les libéraux se passeraient volontiers d'aborder tout sujet qui risque de faire des vagues avant les prochaines élections, maintenant prévues au printemps prochain.
Mais la députée bloquiste Francine Lalonde a déposé le 15 juin un projet de loi privé qui propose d'amender le Code criminel afin de permettre «le droit de mourir dignement».
Il sera débattu aux Communes au début du mois de novembre.
Au terme de ce débat, les députés devront voter en deuxième lecture. S'il franchit cette étape, le projet de loi sur le suicide assisté sera renvoyé au comité permanent de la justice.
«Le moment est venu de débattre de cette question malgré les émotions que cela peut susciter. Nous avons l'obligation morale de le faire en tant que parlementaires», a déclaré Mme Lalonde.
«Chaque personne lucide qui fait face à une fin de vie très pénible, souffrante, qu'elle considère indigne de ce qu'elle est, de la vie qu'elle a vécue, de sa condition de personne libre, doit pouvoir décider des conditions dans lesquelles elle veut mourir, y compris si elle veut être aidée à mourir», a ajouté la députée.
Question complexe
Le ministre de la Justice, Irwin Cotler, a indiqué à La Presse que le gouvernement Martin n'a pas l'intention de parrainer quelque projet de loi que ce soit pour baliser le suicide assisté. Après les passions soulevées par le mariage gai, le ministre estime que la société canadienne a besoin d'un certain répit.
Toutefois, si le Parlement désire aborder le sujet, il participera au débat. «Je trouve cette question très complexe, très difficile et très chargée d'émotions. Il y a des ramifications médicales, juridiques, religieuses et éthiques. Mais je respecte la démocratie et le Parlement. Si le Parlement décide qu'il y aura un débat, alors il y aura un débat.»
Le ministre est d'ailleurs aux prises avec cette difficile situation dans sa vie personnelle. Sa mère de 95 ans, qui est sourde et aveugle, reçoit des soins palliatifs dans un centre hospitalier de Montréal depuis quelques années. Les médecins lui ont déjà laissé entendre qu'il serait préférable de mettre fin aux traitements.
«Elle veut continuer à lutter. Mais la question m'est posée de temps en temps. Des médecins m'ont déjà fait des recommandations parce qu'elle endure beaucoup de douleurs. Mais elle m'a signalé qu'elle veut continuer», a dit le ministre, qui est fils unique.
Cela dit, M. Cotler affirme être en mesure de faire la part des choses entre ses fonctions de ministre et les émotions qu'il peut vivre en raison de l'état de santé de sa mère.
Mais les autorités religieuses, qui se sont pour la plupart farouchement opposées au mariage gai, ont déjà invité le ministre à ne pas aborder cette délicate question.
Selon le projet de loi de Mme Lalonde, une personne gravement malade pourrait obtenir de l'aide pour mettre fin à ses jours. Mais certaines conditions s'appliqueraient. La personne devrait avoir au moins 18 ans, être atteinte d'une maladie en phase terminale ou éprouver des douleurs aiguës sans perspective de soulagement.
Avant de passer aux actes, la personne devrait avoir signifié par écrit à au moins deux reprises «son désir libre et éclairé de mourir». Seul un médecin pourrait accomplir le geste ultime après que le diagnostic eut été confirmé par deux autres médecins. À l'heure actuelle, le Code criminel interdit d'aider une personne à mettre fin à ses jours.
Le projet de loi fera l'objet d'un vote libre en raison des questions de conscience que cela soulève.
À l'heure actuelle, les Pays-Bas et la Belgique sont les deux seuls pays à permettre le suicide assisté sous certaines conditions. Aux États-Unis, il est également permis dans l'État de l'Oregon. Mme Lalonde croit qu'il est possible de tenir un débat responsable en examinant ce qui s'est passé dans ces pays.
Le débat entourant le suicide assisté et l'euthanasie a été relancé cet été au Québec après qu'un homme de la région de Sherbrooke eut tenté d'asphyxier sa conjointe, atteinte de l'ataxie de Friedreich.
En 1998, les députés avaient rejeté une motion de l'ancien député néo-démocrate Svend Robinson visant à créer une commission pour examiner cette question. Le vote avait été assez clair: 169 députés étaient contre et 66 étaient favorables.
Même la Cour suprême du Canada s'est mêlée de ce débat en 1993. Le plus haut tribunal du pays avait alors entendu et rejeté à cinq voix contre quatre la demande de Sue Rodriguez, une femme de la Colombie-Britannique, qui souhaitait qu'on l'aide à mettre fin à ses jours. Elle l'a finalement fait quelques mois plus tard avec l'aide d'un médecin. D'autres motions ont aussi été déposées au début des années 90, mais elles ont toutes été rejetées ou n'ont pas été débattues.
Joël-Denis Bellavance
La Presse
Ottawa
Que cela plaise au non au gouvernement Martin, les députés débattront en novembre d'une autre question qui divise la population canadienne: le suicide assisté.
Après la vive controverse qu'a provoquée l'adoption en juin d'un projet de loi reconnaissant les mariages entre conjoints de même sexe, les libéraux se passeraient volontiers d'aborder tout sujet qui risque de faire des vagues avant les prochaines élections, maintenant prévues au printemps prochain.
Mais la députée bloquiste Francine Lalonde a déposé le 15 juin un projet de loi privé qui propose d'amender le Code criminel afin de permettre «le droit de mourir dignement».
Il sera débattu aux Communes au début du mois de novembre.
Au terme de ce débat, les députés devront voter en deuxième lecture. S'il franchit cette étape, le projet de loi sur le suicide assisté sera renvoyé au comité permanent de la justice.
«Le moment est venu de débattre de cette question malgré les émotions que cela peut susciter. Nous avons l'obligation morale de le faire en tant que parlementaires», a déclaré Mme Lalonde.
«Chaque personne lucide qui fait face à une fin de vie très pénible, souffrante, qu'elle considère indigne de ce qu'elle est, de la vie qu'elle a vécue, de sa condition de personne libre, doit pouvoir décider des conditions dans lesquelles elle veut mourir, y compris si elle veut être aidée à mourir», a ajouté la députée.
Question complexe
Le ministre de la Justice, Irwin Cotler, a indiqué à La Presse que le gouvernement Martin n'a pas l'intention de parrainer quelque projet de loi que ce soit pour baliser le suicide assisté. Après les passions soulevées par le mariage gai, le ministre estime que la société canadienne a besoin d'un certain répit.
Toutefois, si le Parlement désire aborder le sujet, il participera au débat. «Je trouve cette question très complexe, très difficile et très chargée d'émotions. Il y a des ramifications médicales, juridiques, religieuses et éthiques. Mais je respecte la démocratie et le Parlement. Si le Parlement décide qu'il y aura un débat, alors il y aura un débat.»
Le ministre est d'ailleurs aux prises avec cette difficile situation dans sa vie personnelle. Sa mère de 95 ans, qui est sourde et aveugle, reçoit des soins palliatifs dans un centre hospitalier de Montréal depuis quelques années. Les médecins lui ont déjà laissé entendre qu'il serait préférable de mettre fin aux traitements.
«Elle veut continuer à lutter. Mais la question m'est posée de temps en temps. Des médecins m'ont déjà fait des recommandations parce qu'elle endure beaucoup de douleurs. Mais elle m'a signalé qu'elle veut continuer», a dit le ministre, qui est fils unique.
Cela dit, M. Cotler affirme être en mesure de faire la part des choses entre ses fonctions de ministre et les émotions qu'il peut vivre en raison de l'état de santé de sa mère.
Mais les autorités religieuses, qui se sont pour la plupart farouchement opposées au mariage gai, ont déjà invité le ministre à ne pas aborder cette délicate question.
Selon le projet de loi de Mme Lalonde, une personne gravement malade pourrait obtenir de l'aide pour mettre fin à ses jours. Mais certaines conditions s'appliqueraient. La personne devrait avoir au moins 18 ans, être atteinte d'une maladie en phase terminale ou éprouver des douleurs aiguës sans perspective de soulagement.
Avant de passer aux actes, la personne devrait avoir signifié par écrit à au moins deux reprises «son désir libre et éclairé de mourir». Seul un médecin pourrait accomplir le geste ultime après que le diagnostic eut été confirmé par deux autres médecins. À l'heure actuelle, le Code criminel interdit d'aider une personne à mettre fin à ses jours.
Le projet de loi fera l'objet d'un vote libre en raison des questions de conscience que cela soulève.
À l'heure actuelle, les Pays-Bas et la Belgique sont les deux seuls pays à permettre le suicide assisté sous certaines conditions. Aux États-Unis, il est également permis dans l'État de l'Oregon. Mme Lalonde croit qu'il est possible de tenir un débat responsable en examinant ce qui s'est passé dans ces pays.
Le débat entourant le suicide assisté et l'euthanasie a été relancé cet été au Québec après qu'un homme de la région de Sherbrooke eut tenté d'asphyxier sa conjointe, atteinte de l'ataxie de Friedreich.
En 1998, les députés avaient rejeté une motion de l'ancien député néo-démocrate Svend Robinson visant à créer une commission pour examiner cette question. Le vote avait été assez clair: 169 députés étaient contre et 66 étaient favorables.
Même la Cour suprême du Canada s'est mêlée de ce débat en 1993. Le plus haut tribunal du pays avait alors entendu et rejeté à cinq voix contre quatre la demande de Sue Rodriguez, une femme de la Colombie-Britannique, qui souhaitait qu'on l'aide à mettre fin à ses jours. Elle l'a finalement fait quelques mois plus tard avec l'aide d'un médecin. D'autres motions ont aussi été déposées au début des années 90, mais elles ont toutes été rejetées ou n'ont pas été débattues.