Publié : lun. août 01, 2005 6:18 am
D'où vient l'agressivité?
Mario Girard
La Presse
Dans un ouvrage rassemblant les travaux d'une trentaine de chercheurs du monde entier, la nature de l'agressivité fait enfin l'objet d'une méticuleuse analyse. Bravant les clichés qui abondent dans ce domaine, les spécialistes jettent un nouvel éclairage sur cet aspect trouble du comportement humain. D'emblée, ils affirment que l'agressivité est essentielle à notre survie.
«On a longtemps cru que l'agressivité prenait forme assez tardivement dans la vie d'un être humain. On a maintenant la certitude que ce comportement se dessine entre l'âge de 2 et 4 ans. En fait, l'agressivité atteint des sommets vers l'âge de 20 mois, explique Richard Tremblay.»
Cela faisait au moins 30 ans que des chercheurs n'avaient pas réuni le fruit de leur savoir sur l'origine et le l'évolution du comportement agressif. Ce vide est maintenant comblé avec le livre Developmental Origins of Aggression, rédigé par un groupe de chercheurs des États-Unis, de l'Angleterre, de l'Italie et du Canada.
«L'agressivité est un sujet régulièrement fouillé, mais on s'intéresse rarement à son origine», dit le professeur du département de psychologie de l'Université de Montréal, Richard Tremblay, qui a codirigé ce collectif.
Selon ce spécialiste du développement de l'enfant, il faut d'abord savoir comment naît l'agressivité et dans quels contextes elle peut progresser si on désire la combattre. Après tout, de l'agressivité peut découler un geste qui fera toute la différence entre la vie et la mort.
Il faut également, selon lui, cesser de croire que l'agressivité est entièrement néfaste. «Il est impossible pour une espèce de survivre sans agressivité. On doit se débattre pour manger. Cet instinct se retrouve chez toutes les espèces.»
Deux sources possibles
On a longtemps cru que l'agressivité prenait forme assez tardivement dans la vie d'un être humain. On a maintenant la certitude que ce comportement se dessine entre l'âge de 2 et 4 ans. En fait, l'agressivité atteint des sommets vers l'âge de 20 mois.
«L'idée que les humains apprenaient la violence a longtemps prévalu, dit Richard Tremblay. Or, on sait maintenant que, dès la naissance, certains la portent en eux ou la reçoivent de l'environnement dans lequel ils baignent. On ne peut envisager aujourd'hui le concept de la violence sans tenir compte de ces deux éléments.»
De plus en plus de travaux démontrent que l'agressivité a une origine génétique. Ces gènes peuvent, par ailleurs, être assez forts chez certains enfants. «On pense que de 4 à 5 % des enfants sont porteurs des gènes de la violence», explique M. Tremblay.
Mais outre l'aspect génétique, les effets environnementaux sont capitaux. Un enfant qui grandit dans une famille où règne la violence a beaucoup plus de risques d'acquérir des comportements agressifs. «À cet égard, il faut savoir que l'agressivité naît de la frustration», ajoute-t-il.
Le cocktail fatal se produirait-il quand ces deux éléments sont réunis? «Tout à fait. D'ailleurs, la plupart des criminels ont ce parcours.»
Faut-il craindre les jeux vidéo violents?
Plusieurs parents s'inquiètent de la relation qu'entretient leur enfant avec l'univers des jeux vidéo et du cinéma. Ont-ils raison de craindre cette source de violence fictive? «Absolument pas, répond M. Tremblay. Ça devient problématique quand un jeune, qui a déjà les gènes en lui, s'adonne à cette forme de violence-spectacle. L'alcool, c'est dangereux quand tu es alcoolique. C'est la même chose avec la violence.»
Le lauréat du prix Jacques-Rousseau de l'Association francophone pour le savoir ne connaît pas de cas d'adolescents qui seraient subitement devenus agressifs à cause des effets de l'écran cathodique. «Un adolescent non violent qui finit par devenir violent à cause des jeux vidéo, ça n'existe pas», tranche-t-il.
La nature de l'agressivité
C'est vers l'âge de 16 ou 17 ans que l'être humain commet le plus grand nombre de gestes violents. Les garçons ont, plus que les filles, recours aux agressions physiques. En revanche, les filles utilisent une forme d'agression indirecte pour exprimer leur rage ou leur frustration (voir encadré).
Certains chercheurs s'intéressent aux cas de violence des jeunes provenant de milieux défavorisés. Autant on a autrefois prétendu que la pauvreté engendrait la violence, autant on pense aujourd'hui le contraire, à savoir que la violence mène plutôt à la pauvreté. Richard Tremblay fait partie de ceux-là. «Il est cependant encourageant de savoir que les jeunes défavorisés deviennent moins violents au fur et à mesure qu'ils vieillissent», dit le chercheur.
Traitement ou prévention?
Les parents dont l'enfant a un comportement agressif doivent être attentifs à la fréquence des actes. «Si l'enfant utilise très souvent l'agression physique ou qu'il a du mal à faire preuve de gentillesse à l'égard des autres, il faut alors se poser des questions», dit-il.
Si le traitement intervient au moment où l'on détecte le problème, rien n'empêche une approche préventive. L'une des mesures préconisées par Richard Tremblay est de travailler sur les familles. «Il faut les soutenir et il faut soutenir les enfants qui grandissent dans des climats violents, surtout s'ils sont porteurs des gènes.»
De leur côté, les parents doivent enseigner les nuances qui existent autour de l'agressivité. Il faut, selon certains experts, que l'enfant apprenne la différence entre agresser, qui est un désir de détruire l'autre, et jouer agressivement.
Et l'enfant qui porte les gènes de la violence et a la chance de grandir dans un contexte non violent, que peut-il retirer de tout cela? «Cet environnement aura une influence très positive sur lui et contribuera à tempérer son agressivité», conclut M. Tremblay.
Developmental Origins of Aggression, Richard Tremblay, Willard W. Hartup, John Archer, Guilford Press.
Mario Girard
La Presse
Dans un ouvrage rassemblant les travaux d'une trentaine de chercheurs du monde entier, la nature de l'agressivité fait enfin l'objet d'une méticuleuse analyse. Bravant les clichés qui abondent dans ce domaine, les spécialistes jettent un nouvel éclairage sur cet aspect trouble du comportement humain. D'emblée, ils affirment que l'agressivité est essentielle à notre survie.
«On a longtemps cru que l'agressivité prenait forme assez tardivement dans la vie d'un être humain. On a maintenant la certitude que ce comportement se dessine entre l'âge de 2 et 4 ans. En fait, l'agressivité atteint des sommets vers l'âge de 20 mois, explique Richard Tremblay.»
Cela faisait au moins 30 ans que des chercheurs n'avaient pas réuni le fruit de leur savoir sur l'origine et le l'évolution du comportement agressif. Ce vide est maintenant comblé avec le livre Developmental Origins of Aggression, rédigé par un groupe de chercheurs des États-Unis, de l'Angleterre, de l'Italie et du Canada.
«L'agressivité est un sujet régulièrement fouillé, mais on s'intéresse rarement à son origine», dit le professeur du département de psychologie de l'Université de Montréal, Richard Tremblay, qui a codirigé ce collectif.
Selon ce spécialiste du développement de l'enfant, il faut d'abord savoir comment naît l'agressivité et dans quels contextes elle peut progresser si on désire la combattre. Après tout, de l'agressivité peut découler un geste qui fera toute la différence entre la vie et la mort.
Il faut également, selon lui, cesser de croire que l'agressivité est entièrement néfaste. «Il est impossible pour une espèce de survivre sans agressivité. On doit se débattre pour manger. Cet instinct se retrouve chez toutes les espèces.»
Deux sources possibles
On a longtemps cru que l'agressivité prenait forme assez tardivement dans la vie d'un être humain. On a maintenant la certitude que ce comportement se dessine entre l'âge de 2 et 4 ans. En fait, l'agressivité atteint des sommets vers l'âge de 20 mois.
«L'idée que les humains apprenaient la violence a longtemps prévalu, dit Richard Tremblay. Or, on sait maintenant que, dès la naissance, certains la portent en eux ou la reçoivent de l'environnement dans lequel ils baignent. On ne peut envisager aujourd'hui le concept de la violence sans tenir compte de ces deux éléments.»
De plus en plus de travaux démontrent que l'agressivité a une origine génétique. Ces gènes peuvent, par ailleurs, être assez forts chez certains enfants. «On pense que de 4 à 5 % des enfants sont porteurs des gènes de la violence», explique M. Tremblay.
Mais outre l'aspect génétique, les effets environnementaux sont capitaux. Un enfant qui grandit dans une famille où règne la violence a beaucoup plus de risques d'acquérir des comportements agressifs. «À cet égard, il faut savoir que l'agressivité naît de la frustration», ajoute-t-il.
Le cocktail fatal se produirait-il quand ces deux éléments sont réunis? «Tout à fait. D'ailleurs, la plupart des criminels ont ce parcours.»
Faut-il craindre les jeux vidéo violents?
Plusieurs parents s'inquiètent de la relation qu'entretient leur enfant avec l'univers des jeux vidéo et du cinéma. Ont-ils raison de craindre cette source de violence fictive? «Absolument pas, répond M. Tremblay. Ça devient problématique quand un jeune, qui a déjà les gènes en lui, s'adonne à cette forme de violence-spectacle. L'alcool, c'est dangereux quand tu es alcoolique. C'est la même chose avec la violence.»
Le lauréat du prix Jacques-Rousseau de l'Association francophone pour le savoir ne connaît pas de cas d'adolescents qui seraient subitement devenus agressifs à cause des effets de l'écran cathodique. «Un adolescent non violent qui finit par devenir violent à cause des jeux vidéo, ça n'existe pas», tranche-t-il.
La nature de l'agressivité
C'est vers l'âge de 16 ou 17 ans que l'être humain commet le plus grand nombre de gestes violents. Les garçons ont, plus que les filles, recours aux agressions physiques. En revanche, les filles utilisent une forme d'agression indirecte pour exprimer leur rage ou leur frustration (voir encadré).
Certains chercheurs s'intéressent aux cas de violence des jeunes provenant de milieux défavorisés. Autant on a autrefois prétendu que la pauvreté engendrait la violence, autant on pense aujourd'hui le contraire, à savoir que la violence mène plutôt à la pauvreté. Richard Tremblay fait partie de ceux-là. «Il est cependant encourageant de savoir que les jeunes défavorisés deviennent moins violents au fur et à mesure qu'ils vieillissent», dit le chercheur.
Traitement ou prévention?
Les parents dont l'enfant a un comportement agressif doivent être attentifs à la fréquence des actes. «Si l'enfant utilise très souvent l'agression physique ou qu'il a du mal à faire preuve de gentillesse à l'égard des autres, il faut alors se poser des questions», dit-il.
Si le traitement intervient au moment où l'on détecte le problème, rien n'empêche une approche préventive. L'une des mesures préconisées par Richard Tremblay est de travailler sur les familles. «Il faut les soutenir et il faut soutenir les enfants qui grandissent dans des climats violents, surtout s'ils sont porteurs des gènes.»
De leur côté, les parents doivent enseigner les nuances qui existent autour de l'agressivité. Il faut, selon certains experts, que l'enfant apprenne la différence entre agresser, qui est un désir de détruire l'autre, et jouer agressivement.
Et l'enfant qui porte les gènes de la violence et a la chance de grandir dans un contexte non violent, que peut-il retirer de tout cela? «Cet environnement aura une influence très positive sur lui et contribuera à tempérer son agressivité», conclut M. Tremblay.
Developmental Origins of Aggression, Richard Tremblay, Willard W. Hartup, John Archer, Guilford Press.