Publié : ven. mai 27, 2005 6:14 am
Neuf femmes défient le pape
Nord-Américaines, elle seront ordonnées prêtres ou diacres au Québec
Louise-Maude Rioux Soucy
Édition du vendredi 27 mai 2005
C'est au Québec, à l'abri des eaux internationales du golfe du Saint-Laurent, qu'une poignée de femmes a choisi de défier ouvertement l'autorité du pape Benoît XVI. Le 25 juillet prochain, à l'embouchure du golfe, neuf femmes seront ordonnées -- certaines prêtres, d'autres diacres -- au vu et au su de tous, s'exposant ainsi au jugement de celui qui, alors qu'il n'était encore que le cardinal Joseph Ratzinger, n'avait pas hésité à excommunier les sept femmes à avoir osé commettre pareil outrage sur le Danube, il y a trois ans.
Ces neuf femmes croient profondément en l'Église et à la légitimité de la revendication d'une place en son sein, quitte à pratiquer ce qu'elles appellent une «transgression de conscience» pour y parvenir. Leur but : forcer le débat, explique Aisha S. Taylor, de la Women's Ordination Conference, un organisme international qui soutient l'initiative, sans y prendre part.
L'événement est la suite logique de l'ordination faite en secret par un évêque schismatique en juin 2002 à Passau, tout près du village natal de Benoît XVI. Les neuf femmes en question -- des Canadiennes et des Américaines -- seront en effet ordonnées prêtres ou simples diacres par deux des sept femmes qui avaient alors essuyé le courroux du cardinal Ratzinger. Mais cette fois-ci, les évêques Gisela Forster (Allemagne) et Marie-Christine Mayr-Lumetzberger (Autriche) n'ont pas l'intention de rester dans l'ombre.
Les deux femmes vont procéder devant Dieu et les hommes depuis un bateau qui naviguera dans les eaux internationales, une façon pour elles d'illustrer la précarité de la situation des militantes, qui protestent contre la discrimination sexiste au sein de l'Église catholique. Quitte à ce que leurs nouvelles recrues soient aussitôt excommuniées elles aussi.
«Il y a de fortes chances que les femmes soient excommuniées par la suite, mais nous n'en sommes pas certaines. C'est Ratzinger qui, dans la semaine suivant leur ordination, avait demandé et obtenu l'excommunication des sept femmes du Danube. Nous avons donc très hâte de voir comment il réagira maintenant qu'il a été élu pape», a expliqué Aisha S. Taylor.
Pour ce faire, les évêques Forster et Mayr-Lumetzberger ont fondé un séminaire clandestin afin de former les aspirantes prêtres selon les préceptes, rites et procédures propres au Vatican. Leur but est de ne pas déroger d'un poil de la doctrine catholique romaine afin de conférer une aura de légitimité inattaquable à leur démarche. Le tout dans l'espoir de voir reconnaître leur engagement sans failles par Rome.
Même si les évêques Forster et Mayr-Lumetzberger ont officiellement été excommuniées, elles affirment avoir l'autorité nécessaire pour ordonner à leur tour des femmes prêtres et évêques. «Tout a été vérifié juridiquement. Notre ordination a été entièrement documentée par un notaire autrichien», assure Mgr Forster dans un communiqué à paraître et dont Le Devoir a obtenu copie.
La directrice du séminaire, Patricia Fresen (Afrique du Sud), est ravie de constater à quel point cette initiative a pu toucher les femmes du monde. «La réponse a dépassé nos espérances, à la fois en Europe et en Amérique du Nord», se félicite-t-elle dans ce même document. Les appelées qui gagnent le Mouvement du Danube le font d'abord parce qu'elles veulent demeurer au sein de l'Église, explique Mme Fresen. «Spirituellement coincées entre la tradition catholique qu'elles affectionnent et leur vision prophétique de ce que devrait vraiment être l'Église, plusieurs femmes rejettent l'idée d'une ordination alternative faite sous le parapluie d'une organisation qui ne serait pas catholique romaine.»
Pas question pour ces femmes, donc, de créer une nouvelle Église parallèle. Elles veulent simplement «ouvrir une porte à une nouvelle vague de femmes qui désirent être ordonnées selon la tradition catholique romaine», explique la coordonnatrice de l'ordination qui aura lieu sur le Saint-Laurent cet été, Judith A. Johnson, dans ce même communiqué.
Les neuf femmes qui seront ordonnées à cette occasion constituent la première vague de «filles» du Mouvement du Danube à déferler sur l'Amérique du Nord. En Europe, aux États-Unis et au Canada, une cinquantaine de femmes seraient prêtes à emboîter le pas aux doyennes du Danube.
Geneviève Beney, 56 ans, résidant à Gard, en France, ouvrira le bal le 2 juillet prochain à Lyon dans un geste symbolique destiné à «faire évoluer l'Église catholique romaine .Il ne s'agit pas d'un acte de rupture par rapport à l'Église mais simplement d'une volonté de dire qu'il faut que notre Église soit plus en phase avec son temps», a-t-elle expliqué hier à l'Associated Press.
Mariée et sans enfant, Geneviève Beney a été ordonnée diacre l'an dernier par les deux artisanes du Mouvement du Danube en compagnie de six autres femmes. Et elle est bien déterminée aujourd'hui à aller plus loin en étant ordonnée prêtre, malgré les risques d'une excommunication, tout à fait réels. «Depuis Vatican II, le débat sur l'ordination des femmes existe, mais il n'a jamais abouti, a-t-elle raconté. Nous avons donc décidé de faire un acte symbolique et non violent pour essayer de faire avancer les choses.»
Pour Judith Johnson, il est clair qu'il s'agit d'une stratégie porteuse. «La première étape consistait à préserver notre héritage et notre tradition catholiques sans quitter l'Église mais en amorçant son renouveau. Ce parcours nous appartient à toutes. En Amérique du Nord, il commencera en juillet 2005, sur la voie maritime du Saint-Laurent.» L'arrivée prochaine de ce mouvement en sol nord-américain n'avait pas été portée à la connaissance de l'archevêché de Montréal. Hier, personne n'a été en mesure de commenter cette nouvelle, qui place le Québec au centre d'un débat qui s'annonce pour le moins houleux.
Nord-Américaines, elle seront ordonnées prêtres ou diacres au Québec
Louise-Maude Rioux Soucy
Édition du vendredi 27 mai 2005
C'est au Québec, à l'abri des eaux internationales du golfe du Saint-Laurent, qu'une poignée de femmes a choisi de défier ouvertement l'autorité du pape Benoît XVI. Le 25 juillet prochain, à l'embouchure du golfe, neuf femmes seront ordonnées -- certaines prêtres, d'autres diacres -- au vu et au su de tous, s'exposant ainsi au jugement de celui qui, alors qu'il n'était encore que le cardinal Joseph Ratzinger, n'avait pas hésité à excommunier les sept femmes à avoir osé commettre pareil outrage sur le Danube, il y a trois ans.
Ces neuf femmes croient profondément en l'Église et à la légitimité de la revendication d'une place en son sein, quitte à pratiquer ce qu'elles appellent une «transgression de conscience» pour y parvenir. Leur but : forcer le débat, explique Aisha S. Taylor, de la Women's Ordination Conference, un organisme international qui soutient l'initiative, sans y prendre part.
L'événement est la suite logique de l'ordination faite en secret par un évêque schismatique en juin 2002 à Passau, tout près du village natal de Benoît XVI. Les neuf femmes en question -- des Canadiennes et des Américaines -- seront en effet ordonnées prêtres ou simples diacres par deux des sept femmes qui avaient alors essuyé le courroux du cardinal Ratzinger. Mais cette fois-ci, les évêques Gisela Forster (Allemagne) et Marie-Christine Mayr-Lumetzberger (Autriche) n'ont pas l'intention de rester dans l'ombre.
Les deux femmes vont procéder devant Dieu et les hommes depuis un bateau qui naviguera dans les eaux internationales, une façon pour elles d'illustrer la précarité de la situation des militantes, qui protestent contre la discrimination sexiste au sein de l'Église catholique. Quitte à ce que leurs nouvelles recrues soient aussitôt excommuniées elles aussi.
«Il y a de fortes chances que les femmes soient excommuniées par la suite, mais nous n'en sommes pas certaines. C'est Ratzinger qui, dans la semaine suivant leur ordination, avait demandé et obtenu l'excommunication des sept femmes du Danube. Nous avons donc très hâte de voir comment il réagira maintenant qu'il a été élu pape», a expliqué Aisha S. Taylor.
Pour ce faire, les évêques Forster et Mayr-Lumetzberger ont fondé un séminaire clandestin afin de former les aspirantes prêtres selon les préceptes, rites et procédures propres au Vatican. Leur but est de ne pas déroger d'un poil de la doctrine catholique romaine afin de conférer une aura de légitimité inattaquable à leur démarche. Le tout dans l'espoir de voir reconnaître leur engagement sans failles par Rome.
Même si les évêques Forster et Mayr-Lumetzberger ont officiellement été excommuniées, elles affirment avoir l'autorité nécessaire pour ordonner à leur tour des femmes prêtres et évêques. «Tout a été vérifié juridiquement. Notre ordination a été entièrement documentée par un notaire autrichien», assure Mgr Forster dans un communiqué à paraître et dont Le Devoir a obtenu copie.
La directrice du séminaire, Patricia Fresen (Afrique du Sud), est ravie de constater à quel point cette initiative a pu toucher les femmes du monde. «La réponse a dépassé nos espérances, à la fois en Europe et en Amérique du Nord», se félicite-t-elle dans ce même document. Les appelées qui gagnent le Mouvement du Danube le font d'abord parce qu'elles veulent demeurer au sein de l'Église, explique Mme Fresen. «Spirituellement coincées entre la tradition catholique qu'elles affectionnent et leur vision prophétique de ce que devrait vraiment être l'Église, plusieurs femmes rejettent l'idée d'une ordination alternative faite sous le parapluie d'une organisation qui ne serait pas catholique romaine.»
Pas question pour ces femmes, donc, de créer une nouvelle Église parallèle. Elles veulent simplement «ouvrir une porte à une nouvelle vague de femmes qui désirent être ordonnées selon la tradition catholique romaine», explique la coordonnatrice de l'ordination qui aura lieu sur le Saint-Laurent cet été, Judith A. Johnson, dans ce même communiqué.
Les neuf femmes qui seront ordonnées à cette occasion constituent la première vague de «filles» du Mouvement du Danube à déferler sur l'Amérique du Nord. En Europe, aux États-Unis et au Canada, une cinquantaine de femmes seraient prêtes à emboîter le pas aux doyennes du Danube.
Geneviève Beney, 56 ans, résidant à Gard, en France, ouvrira le bal le 2 juillet prochain à Lyon dans un geste symbolique destiné à «faire évoluer l'Église catholique romaine .Il ne s'agit pas d'un acte de rupture par rapport à l'Église mais simplement d'une volonté de dire qu'il faut que notre Église soit plus en phase avec son temps», a-t-elle expliqué hier à l'Associated Press.
Mariée et sans enfant, Geneviève Beney a été ordonnée diacre l'an dernier par les deux artisanes du Mouvement du Danube en compagnie de six autres femmes. Et elle est bien déterminée aujourd'hui à aller plus loin en étant ordonnée prêtre, malgré les risques d'une excommunication, tout à fait réels. «Depuis Vatican II, le débat sur l'ordination des femmes existe, mais il n'a jamais abouti, a-t-elle raconté. Nous avons donc décidé de faire un acte symbolique et non violent pour essayer de faire avancer les choses.»
Pour Judith Johnson, il est clair qu'il s'agit d'une stratégie porteuse. «La première étape consistait à préserver notre héritage et notre tradition catholiques sans quitter l'Église mais en amorçant son renouveau. Ce parcours nous appartient à toutes. En Amérique du Nord, il commencera en juillet 2005, sur la voie maritime du Saint-Laurent.» L'arrivée prochaine de ce mouvement en sol nord-américain n'avait pas été portée à la connaissance de l'archevêché de Montréal. Hier, personne n'a été en mesure de commenter cette nouvelle, qui place le Québec au centre d'un débat qui s'annonce pour le moins houleux.