Publié : mer. déc. 29, 2004 6:04 pm
Tactique lacrymale
Mario Girard
collaboration spéciale, La Presse
La télévision pleure. Les magazines pleurent. La publicité pleure. Même l'information a les yeux mouillés. La symphonie d'émotions à laquelle nous habituent les médias monte d'un cran pendant le temps des Fêtes. C'est bien connu, quelqu'un d'attendri offre plus facilement son attention et ouvre plus lestement son portefeuille.
Des retrouvailles «clairelamarchedesques» jusqu'aux touchantes publicités de Canadian Tire en passant par les «histoires vécues» sur papier glacé «québécorisant» les caisses de supermarchés, l'émotion fait son oeuvre. Si les manitous des médias n'hésitent pas un instant à parler de divertissement, d'humour ou d'action virile pour capter notre attention, ils deviennent moins loquaces sur la tactique lacrymale abondamment employée. «Jamais on ne se dit chez nous qu'il faut créer des émissions qui vont susciter des émotions, répond, tel un renard flairant le piège, Philippe Lapointe, vice-président de la programmation à TVA. Ce n'est pas comme cela que ça marche. On pense d'abord à être près des gens. Si les émotions doivent venir, elles viendront.»
Un autre goupil de la télé, tout aussi rusé mais à la langue déliée, comprend mal ce silence. «Je ne sais pas pourquoi on a peur de dire qu'on a recours à l'émotion pour faire de la télé, dit Guy Fournier, président de l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision. J'imagine que c'est parce qu'on craint de passer pour un racoleur. La seule façon de vendre, c'est de séduire. Et il n'y a pas de séduction possible sans émotion.»
Publicité
Pour chaque regard embué de téléspectateur, se trouve bien souvent une stratégie savamment orchestrée. Mais attention à ceux qui voudraient tendre la boîte de kleenex trop rapidement. «Ceux qui se disent: Je vais procurer des émotions à mes téléspectateurs se trompent, dit Philippe Lapointe. Souvenez-vous de Michel Chartrand qui avait dit à Bernard Derome: Moi, le human interest, ça me fait chier! Ces choses-là, il ne faut pas les rechercher à tout prix, sinon on passe à côté.»
Jean-Luc Mongrain a été l'un des premiers chez nous à intégrer les émotions au monde de l'information. Si on lui a beaucoup reproché les visées de sa méthode au début, le populaire animateur de TQS dit aujourd'hui ressentir un petit velours en constatant l'influence de son approche. «Pendant l'année où j'ai été hors circuit, j'ai beaucoup regardé la télé et je me suis souvent demandé pourquoi on traitait l'information avec si peu d'émotion. Ça fait partie de la vie. C'est l'industrie qui aseptise l'information. Le public, lui, désire éprouver des émotions. Et malgré ce qu'on peut en dire, il est ensuite tout à fait capable d'analyser les images qui passent sous ses yeux.»
Dans la lucarne des médias, l'émotion est devenue un ingrédient de base dont il faut augmenter le dosage durant la période des Fêtes. «C'est sûr qu'il y a plus d'images émotionnelles durant le temps des Fêtes, dit Patrick Beaudouin, vice-président à la création chez Blitz. Cette période de l'année commande cela. Et comme les médias fonctionnent avec les saisons, on noëllise tout à partir de la fin du mois de novembre.»
Les médias: catalyseurs d'émotions
L'être humain aime éprouver des émotions. Il cherche même des moyens pour connaître cet état d'âme qu'il peut difficilement retrouver au bureau, dans le métro ou chez Walt-Mart. Alors, dans l'intimité de son salon, il s'abandonne et s'en remet à ces animatrices maternelles, ces présentateurs réconfortants et ces psys cathodiques. «Autrefois, on pouvait libérer son émotion dans des cadres bien définis. On allait au cinéma, au théâtre ou à l'opéra notamment pour cela. Aujourd'hui, les médias deviennent cet alibi», dit Pierre Boudreau, professeur de sociologie au département des sciences humaines de l'Université de Chicoutimi.
Sachant que plusieurs émissions de télévision qui exploitent le mécanisme émotif récoltent une impressionnante cote d'écoute (sur les 30 émissions de télévision les plus regardées entre le 25 et le 31 octobre, près de la moitié était des émissions dites d'émotion), on aime nourrir l'idée qu'il y a derrière cela un effet cathartique. Nous nous abandonnons aux coulées lacrymales en sachant que des centaines de milliers de personnes connaissent une émotion semblable en même temps que nous. C'est la foule sentimentale si brillamment dépeinte par Alain Souchon.
Mais d'un autre côté, les drames émotifs qui défilent sous nos yeux servent bien souvent à faire rejaillir une émotion plus personnelle? «Les gens sont émus devant des histoires vraies et touchantes parce qu'ils se retrouvent là-dedans. Ces histoires deviennent un exutoire à leurs propres histoires», dit Philippe Lapointe.
Il ne faudrait cependant pas croire que l'émotion est uniquement synonyme de tristesse. Sylvie Bourgeault, éditrice chez TVA publications, aime à dire qu'elle compose avec une palette plus riche. «Oui, il y a les histoires tristes, mais il y a aussi les moments de joie qui ont un grand impact auprès de nos lecteurs. Les Québécois aiment leurs vedettes, ils ont de la compassion devant leurs malheurs, mais ils se réjouissent également de leur réussite», affirme celle qui supervise la préparation des magazines 7 Jours, Dernière Heure, Le Lundi et Échos-Vedettes.
Guy Fournier insiste également sur la pluralité des émotions. «Les spectacles d'humour qui remportent le plus de succès actuellement sont ceux qui comportent également des moments d'émotion, lance-t-il. C'est comme cela qu'Yvon Deschamps a bâti tous ses spectacles. Les gens quittent la salle satisfaits, car ils ont vécu les deux pôles.»
L'émotion qui fait vendre
Susciter l'émotion pour un média peut rapporter beaucoup. Demandez aux patrons d'Air Canada s'ils sont heureux des retombées de la nouvelle campagne mettant en vedette Céline Dion. Tout dans ce message a été pensé pour déployer les «aiiiiiiiiiles» de nos émotions. «C'est sûr que l'utilisation de l'émotion a un impact. Il y a là un attrait pour nos lecteurs», dit sans hésiter Sylvie Bourgeault. Pour Patrick Beaudouin, il ne fait aucun doute que cette approche, même si elle est de moins en moins exploitée en publicité, peut être très efficace. «Les gens décodent maintenant tellement bien les rouages de la publicité qu'il est devenu difficile pour les créateurs d'imaginer des concepts basés sur cette approche. Cela dit, ce concept, quand il est bien fait, continue de très bien marcher. Regardez les publicités de Hallmark; elles sont touchantes et fonctionnent très bien. Ça dépend du groupe qui est visé.»
Alors, qu'est-ce qui nous fait craquer? Qu'est-ce qui fait qu'une fois ébranlée, notre fibre émotionnelle fait de nous un consommateur plus mou? «J'ai l'impression que c'est l'enfant en nous qui est touché, dit Pierre Boudreau. Les publicités de Noël sont conçues pour plaire aux enfants d'aujourd'hui mais aussi aux enfants que nous avons été, nous les adultes. Durant cette période, on retourne au monde de l'enfance. Dépenser sans compter, oublier la limite de la carte de crédit, c'est un acte émotif qui fait de nous un enfant.»
Tout en récoltant le succès que procure cette stratégie, les plus fins s'accordent à dire qu'il ne faut non plus trop presser le citron. «Tout est une question d'équilibre. Si on n'avait que des émissions comme celles de Claire Lamarche, on finirait par lasser notre auditoire», dit Philippe Lapointe, qui avoue pleurer en regardant cette émission.
Constatant que l'émotion prend de plus en plus de place dans les médias en général, Jean-Luc Mongrain tient à faire une mise en garde sur un problème que peut poser une telle pratique. «Dans le confort de notre salon, pendant que les patates cuisent doucement, on a l'impression de participer aux événements tragiques qui apparaissent au petit écran. Mais au fond, on ne sait pas vraiment ce qui se passe ailleurs. Tout cela peut entraîner une déresponsabilisation. C'est bien beau s'apitoyer sur le sort des autres, mais il faut pousser la réflexion plus loin.»
Cette émotion qui est renvoyée par les médias, on la désire de plus en plus grande et forte. Certains la préfèrent même à l'état brut. «J'ai l'impression que les gens recherchent de plus en plus l'émotion liée à un fait réel de la part des médias, dit Patrick Beaudouin. L'émotion qui est mise en scène, en publicité par exemple, n'a pas la même force de frappe que dans une situation où elle apparaît réelle, comme dans une émission de téléréalité.»
Pour Guy Fournier, les médias représenteront toujours un voile entre l'émotion montrée par les médias et celle que l'humain peut ressentir dans sa vie. «La différence serait un peu comme un one night stand par rapport à une véritable nuit d'amour», dit-il.
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l'autre jour dans un topic je disais que j'etais sans-coeur!!.. bien sur je ne le suis pas ... bien que des fois ce serait pratique !!.. ....mais ce que l'article raconte .. c,est ca qui me turn-off .. ca me tombe sur les nerfs les émission fait pour faire brailler le monde !!!!..
p.s. : J,ai hésité ..je savais pas trop ou poster l'article ..ici ou dans l'agorame .. alors si il n'est pas a la bonne place je l'effacerai!! ...
Mario Girard
collaboration spéciale, La Presse
La télévision pleure. Les magazines pleurent. La publicité pleure. Même l'information a les yeux mouillés. La symphonie d'émotions à laquelle nous habituent les médias monte d'un cran pendant le temps des Fêtes. C'est bien connu, quelqu'un d'attendri offre plus facilement son attention et ouvre plus lestement son portefeuille.
Des retrouvailles «clairelamarchedesques» jusqu'aux touchantes publicités de Canadian Tire en passant par les «histoires vécues» sur papier glacé «québécorisant» les caisses de supermarchés, l'émotion fait son oeuvre. Si les manitous des médias n'hésitent pas un instant à parler de divertissement, d'humour ou d'action virile pour capter notre attention, ils deviennent moins loquaces sur la tactique lacrymale abondamment employée. «Jamais on ne se dit chez nous qu'il faut créer des émissions qui vont susciter des émotions, répond, tel un renard flairant le piège, Philippe Lapointe, vice-président de la programmation à TVA. Ce n'est pas comme cela que ça marche. On pense d'abord à être près des gens. Si les émotions doivent venir, elles viendront.»
Un autre goupil de la télé, tout aussi rusé mais à la langue déliée, comprend mal ce silence. «Je ne sais pas pourquoi on a peur de dire qu'on a recours à l'émotion pour faire de la télé, dit Guy Fournier, président de l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision. J'imagine que c'est parce qu'on craint de passer pour un racoleur. La seule façon de vendre, c'est de séduire. Et il n'y a pas de séduction possible sans émotion.»
Publicité
Pour chaque regard embué de téléspectateur, se trouve bien souvent une stratégie savamment orchestrée. Mais attention à ceux qui voudraient tendre la boîte de kleenex trop rapidement. «Ceux qui se disent: Je vais procurer des émotions à mes téléspectateurs se trompent, dit Philippe Lapointe. Souvenez-vous de Michel Chartrand qui avait dit à Bernard Derome: Moi, le human interest, ça me fait chier! Ces choses-là, il ne faut pas les rechercher à tout prix, sinon on passe à côté.»
Jean-Luc Mongrain a été l'un des premiers chez nous à intégrer les émotions au monde de l'information. Si on lui a beaucoup reproché les visées de sa méthode au début, le populaire animateur de TQS dit aujourd'hui ressentir un petit velours en constatant l'influence de son approche. «Pendant l'année où j'ai été hors circuit, j'ai beaucoup regardé la télé et je me suis souvent demandé pourquoi on traitait l'information avec si peu d'émotion. Ça fait partie de la vie. C'est l'industrie qui aseptise l'information. Le public, lui, désire éprouver des émotions. Et malgré ce qu'on peut en dire, il est ensuite tout à fait capable d'analyser les images qui passent sous ses yeux.»
Dans la lucarne des médias, l'émotion est devenue un ingrédient de base dont il faut augmenter le dosage durant la période des Fêtes. «C'est sûr qu'il y a plus d'images émotionnelles durant le temps des Fêtes, dit Patrick Beaudouin, vice-président à la création chez Blitz. Cette période de l'année commande cela. Et comme les médias fonctionnent avec les saisons, on noëllise tout à partir de la fin du mois de novembre.»
Les médias: catalyseurs d'émotions
L'être humain aime éprouver des émotions. Il cherche même des moyens pour connaître cet état d'âme qu'il peut difficilement retrouver au bureau, dans le métro ou chez Walt-Mart. Alors, dans l'intimité de son salon, il s'abandonne et s'en remet à ces animatrices maternelles, ces présentateurs réconfortants et ces psys cathodiques. «Autrefois, on pouvait libérer son émotion dans des cadres bien définis. On allait au cinéma, au théâtre ou à l'opéra notamment pour cela. Aujourd'hui, les médias deviennent cet alibi», dit Pierre Boudreau, professeur de sociologie au département des sciences humaines de l'Université de Chicoutimi.
Sachant que plusieurs émissions de télévision qui exploitent le mécanisme émotif récoltent une impressionnante cote d'écoute (sur les 30 émissions de télévision les plus regardées entre le 25 et le 31 octobre, près de la moitié était des émissions dites d'émotion), on aime nourrir l'idée qu'il y a derrière cela un effet cathartique. Nous nous abandonnons aux coulées lacrymales en sachant que des centaines de milliers de personnes connaissent une émotion semblable en même temps que nous. C'est la foule sentimentale si brillamment dépeinte par Alain Souchon.
Mais d'un autre côté, les drames émotifs qui défilent sous nos yeux servent bien souvent à faire rejaillir une émotion plus personnelle? «Les gens sont émus devant des histoires vraies et touchantes parce qu'ils se retrouvent là-dedans. Ces histoires deviennent un exutoire à leurs propres histoires», dit Philippe Lapointe.
Il ne faudrait cependant pas croire que l'émotion est uniquement synonyme de tristesse. Sylvie Bourgeault, éditrice chez TVA publications, aime à dire qu'elle compose avec une palette plus riche. «Oui, il y a les histoires tristes, mais il y a aussi les moments de joie qui ont un grand impact auprès de nos lecteurs. Les Québécois aiment leurs vedettes, ils ont de la compassion devant leurs malheurs, mais ils se réjouissent également de leur réussite», affirme celle qui supervise la préparation des magazines 7 Jours, Dernière Heure, Le Lundi et Échos-Vedettes.
Guy Fournier insiste également sur la pluralité des émotions. «Les spectacles d'humour qui remportent le plus de succès actuellement sont ceux qui comportent également des moments d'émotion, lance-t-il. C'est comme cela qu'Yvon Deschamps a bâti tous ses spectacles. Les gens quittent la salle satisfaits, car ils ont vécu les deux pôles.»
L'émotion qui fait vendre
Susciter l'émotion pour un média peut rapporter beaucoup. Demandez aux patrons d'Air Canada s'ils sont heureux des retombées de la nouvelle campagne mettant en vedette Céline Dion. Tout dans ce message a été pensé pour déployer les «aiiiiiiiiiles» de nos émotions. «C'est sûr que l'utilisation de l'émotion a un impact. Il y a là un attrait pour nos lecteurs», dit sans hésiter Sylvie Bourgeault. Pour Patrick Beaudouin, il ne fait aucun doute que cette approche, même si elle est de moins en moins exploitée en publicité, peut être très efficace. «Les gens décodent maintenant tellement bien les rouages de la publicité qu'il est devenu difficile pour les créateurs d'imaginer des concepts basés sur cette approche. Cela dit, ce concept, quand il est bien fait, continue de très bien marcher. Regardez les publicités de Hallmark; elles sont touchantes et fonctionnent très bien. Ça dépend du groupe qui est visé.»
Alors, qu'est-ce qui nous fait craquer? Qu'est-ce qui fait qu'une fois ébranlée, notre fibre émotionnelle fait de nous un consommateur plus mou? «J'ai l'impression que c'est l'enfant en nous qui est touché, dit Pierre Boudreau. Les publicités de Noël sont conçues pour plaire aux enfants d'aujourd'hui mais aussi aux enfants que nous avons été, nous les adultes. Durant cette période, on retourne au monde de l'enfance. Dépenser sans compter, oublier la limite de la carte de crédit, c'est un acte émotif qui fait de nous un enfant.»
Tout en récoltant le succès que procure cette stratégie, les plus fins s'accordent à dire qu'il ne faut non plus trop presser le citron. «Tout est une question d'équilibre. Si on n'avait que des émissions comme celles de Claire Lamarche, on finirait par lasser notre auditoire», dit Philippe Lapointe, qui avoue pleurer en regardant cette émission.
Constatant que l'émotion prend de plus en plus de place dans les médias en général, Jean-Luc Mongrain tient à faire une mise en garde sur un problème que peut poser une telle pratique. «Dans le confort de notre salon, pendant que les patates cuisent doucement, on a l'impression de participer aux événements tragiques qui apparaissent au petit écran. Mais au fond, on ne sait pas vraiment ce qui se passe ailleurs. Tout cela peut entraîner une déresponsabilisation. C'est bien beau s'apitoyer sur le sort des autres, mais il faut pousser la réflexion plus loin.»
Cette émotion qui est renvoyée par les médias, on la désire de plus en plus grande et forte. Certains la préfèrent même à l'état brut. «J'ai l'impression que les gens recherchent de plus en plus l'émotion liée à un fait réel de la part des médias, dit Patrick Beaudouin. L'émotion qui est mise en scène, en publicité par exemple, n'a pas la même force de frappe que dans une situation où elle apparaît réelle, comme dans une émission de téléréalité.»
Pour Guy Fournier, les médias représenteront toujours un voile entre l'émotion montrée par les médias et celle que l'humain peut ressentir dans sa vie. «La différence serait un peu comme un one night stand par rapport à une véritable nuit d'amour», dit-il.
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l'autre jour dans un topic je disais que j'etais sans-coeur!!.. bien sur je ne le suis pas ... bien que des fois ce serait pratique !!.. ....mais ce que l'article raconte .. c,est ca qui me turn-off .. ca me tombe sur les nerfs les émission fait pour faire brailler le monde !!!!..
p.s. : J,ai hésité ..je savais pas trop ou poster l'article ..ici ou dans l'agorame .. alors si il n'est pas a la bonne place je l'effacerai!! ...