Publié : ven. oct. 08, 2004 4:16 am
Montréal en taxi
Patrick Lagacé - Journal de Montréal 08/10/2004 09h18
Au volant je suis un vrai boy scout : le genre à freiner d’urgence sur les feux jaunes.
Mais depuis un mois, sur la route, je ne me reconnais plus.
Je dépasse par la droite.
Je brûle les rouges.
Je vire à gauche là où les virages à gauche sont clairement interdits.
Et (tss, tss) je suis même monté sur un trottoir, une fois, pour contourner un embouteillage, sur René-Lévesque (un moment d’égarement qui n’avait rien de fortuit).
Depuis un mois, je conduis un taxi.
(N’allez pas croire que les chauffeurs de taxi conduisent mal. C’est juste que depuis que je fais du taxi, je conduis comme tout le monde : en fou…)
Cette affaire-là a commencé il y a un an, à peu près. Les Légendes urbaines commençaient et le boss, qui n’en est pas à une idée de fou près, a accouché de celle-ci :
«Hey… Essaie donc de te faire embaucher comme chauffeur de taxi.»
Bon, on venait de déguiser un journaliste en Noir, si vous vous souvenez… J’imagine qu’en déguiser un autre en chauffeur de taxi n’était pas si débile…
La vérité ?
J’avais autant envie de devenir chauffeur de taxi que de me soumettre à une injection de Botox (c’est Brigitte McCann qui a hérité de cette idée de fou-là).
Mais renseignements pris, ça prend un cours de cinq semaines pour devenir chauffeur de taxi. Cinq semaines ! À temps plein, comme à la petite école : cinq jours par semaine. De 8 h à 15 h.
Apprenant cela, j’ai eu deux réactions :
1) Tiens, c’est plus dur devenir chauffeur de taxi que journaliste.
2) JE SUIS SAUVÉ ! Jamais les patrons ne voudront priver les lecteurs du Journal de Montréal des Légendes urbaines pendant cinq longues semaines, voyons donc… Retour dans le bureau du boss :
«Écoute, oublie ça, ça prend cinq semaines de formation… à temps plein.»
Réponse du boss, qui ne lève même pas les yeux de sa paperasse :
«Go.»
Dans mon estomac : la même boule que lorsqu’un gars apprend le décès de sa perruche. Ou qu’il entend le son des pas de sa mère dans l’escalier du sous-sol quand il regarde Bleu nuit à TQS. Dans ma tête : un mot flashait comme un néon rose : Shit.
«Oui, mais patron, ça coûte 1000 $…»
Réponse :
«Go.»
Phoque.
Voilà comment je suis devenu le 30570, au mois de mai. C’est mon numéro de pocket, comme on dit dans le métier, de Montréal à New York.
Évidemment, depuis février, quand j’ai commencé la formation, mes chums du bureau, ces salauds, me niaisent quand je marche dans la salle de rédaction :
«Taxi ! Taxi !» (Les plus baveux imitent Vanessa Paradis et chantent Joe le Taxi…)
Bref, j’ai donc fait du taxi pendant trois semaines, dans les rues de Montréal, en septembre. Surtout les soirs et la nuit.
De ces aventures nocturnes, je reviens avec des tas d’histoires à vous raconter. Mes boss voulaient que ça goûte Montréal. Je sais pas pour Montréal, mais ça va goûter la nature humaine, c’est sûr…
Il y a les confessions du pusher gelé comme une balle…
Il y a le couple qui aurait bien voulu, je crois, essayer-ça-en-arrière-d’un-taxi…
Il y a gagner sa vie à coups de 10 $.
Il y a la paumée qui m’a payé avec un chèque (que j’essaie encore d’encaisser)…
Y a aussi la faune des chauffeurs de taxi de Montréal. Peut-être les plus grands individualistes en ville. Sûrement les gars les plus travaillants, aussi.
À travers tout ça, il y aura moi, derrière le volant. Le plus souvent complètement perdu. Il y aura mon ego épouvantablement maltraité. Comme quand je me suis trompé de chemin pour aller à l’Hôpital général et que le client a tapé sur mon épaule, inquiet :
«Are you from Montreal, man ? !»
Ouch !
Ça commence demain.
Qui n'a jamais pris le taxi...vous rappellez-vous d'une anecdote qui concernait ce genre de service de transport...!?
Patrick Lagacé - Journal de Montréal 08/10/2004 09h18
Au volant je suis un vrai boy scout : le genre à freiner d’urgence sur les feux jaunes.
Mais depuis un mois, sur la route, je ne me reconnais plus.
Je dépasse par la droite.
Je brûle les rouges.
Je vire à gauche là où les virages à gauche sont clairement interdits.
Et (tss, tss) je suis même monté sur un trottoir, une fois, pour contourner un embouteillage, sur René-Lévesque (un moment d’égarement qui n’avait rien de fortuit).
Depuis un mois, je conduis un taxi.
(N’allez pas croire que les chauffeurs de taxi conduisent mal. C’est juste que depuis que je fais du taxi, je conduis comme tout le monde : en fou…)
Cette affaire-là a commencé il y a un an, à peu près. Les Légendes urbaines commençaient et le boss, qui n’en est pas à une idée de fou près, a accouché de celle-ci :
«Hey… Essaie donc de te faire embaucher comme chauffeur de taxi.»
Bon, on venait de déguiser un journaliste en Noir, si vous vous souvenez… J’imagine qu’en déguiser un autre en chauffeur de taxi n’était pas si débile…
La vérité ?
J’avais autant envie de devenir chauffeur de taxi que de me soumettre à une injection de Botox (c’est Brigitte McCann qui a hérité de cette idée de fou-là).
Mais renseignements pris, ça prend un cours de cinq semaines pour devenir chauffeur de taxi. Cinq semaines ! À temps plein, comme à la petite école : cinq jours par semaine. De 8 h à 15 h.
Apprenant cela, j’ai eu deux réactions :
1) Tiens, c’est plus dur devenir chauffeur de taxi que journaliste.
2) JE SUIS SAUVÉ ! Jamais les patrons ne voudront priver les lecteurs du Journal de Montréal des Légendes urbaines pendant cinq longues semaines, voyons donc… Retour dans le bureau du boss :
«Écoute, oublie ça, ça prend cinq semaines de formation… à temps plein.»
Réponse du boss, qui ne lève même pas les yeux de sa paperasse :
«Go.»
Dans mon estomac : la même boule que lorsqu’un gars apprend le décès de sa perruche. Ou qu’il entend le son des pas de sa mère dans l’escalier du sous-sol quand il regarde Bleu nuit à TQS. Dans ma tête : un mot flashait comme un néon rose : Shit.
«Oui, mais patron, ça coûte 1000 $…»
Réponse :
«Go.»
Phoque.
Voilà comment je suis devenu le 30570, au mois de mai. C’est mon numéro de pocket, comme on dit dans le métier, de Montréal à New York.
Évidemment, depuis février, quand j’ai commencé la formation, mes chums du bureau, ces salauds, me niaisent quand je marche dans la salle de rédaction :
«Taxi ! Taxi !» (Les plus baveux imitent Vanessa Paradis et chantent Joe le Taxi…)
Bref, j’ai donc fait du taxi pendant trois semaines, dans les rues de Montréal, en septembre. Surtout les soirs et la nuit.
De ces aventures nocturnes, je reviens avec des tas d’histoires à vous raconter. Mes boss voulaient que ça goûte Montréal. Je sais pas pour Montréal, mais ça va goûter la nature humaine, c’est sûr…
Il y a les confessions du pusher gelé comme une balle…
Il y a le couple qui aurait bien voulu, je crois, essayer-ça-en-arrière-d’un-taxi…
Il y a gagner sa vie à coups de 10 $.
Il y a la paumée qui m’a payé avec un chèque (que j’essaie encore d’encaisser)…
Y a aussi la faune des chauffeurs de taxi de Montréal. Peut-être les plus grands individualistes en ville. Sûrement les gars les plus travaillants, aussi.
À travers tout ça, il y aura moi, derrière le volant. Le plus souvent complètement perdu. Il y aura mon ego épouvantablement maltraité. Comme quand je me suis trompé de chemin pour aller à l’Hôpital général et que le client a tapé sur mon épaule, inquiet :
«Are you from Montreal, man ? !»
Ouch !
Ça commence demain.
Qui n'a jamais pris le taxi...vous rappellez-vous d'une anecdote qui concernait ce genre de service de transport...!?