Publié : ven. nov. 11, 2005 5:40 am
Extraits du livre Briser le silence
EXTRAITS DU CHAPITRE 6
Dans la voiture, il écartait parfois ses jambes, la caressait, glissait son doigt. Un peu plus loin. Toujours plus loin. La peur la tenaillait. Elle se taisait, et l’homme ne disait toujours rien.
«C’est arrivé pas longtemps après l’histoire de la voiture», se souvient Nathalie. Elle ne saurait dire s’il s’agissait d’une semaine ou d’un mois. Mais pas longtemps : «Nous habitions toujours à Saint-Lambert...»
«Nous...»
-Elle aura sa chambre, avait expliqué l’impresario à sa mère.
C’était donc devenu son autre chez-soi. Elle y avait ses habitudes. Lui aurait les siennes...
Nathalie Simard était couchée sur le divan, dans le den.
Il devait être tard puisqu’elle dormait déjà d’un profond sommeil. Elle sentit une main l’effleurer. C’était la première fois qu’on venait la tirer de son sommeil en pleine nuit à Saint-Lambert.
Alors, elle l’aperçut, dans sa robe de chambre. Ses mains avaient déjà commencé à courir entre ses jambes. Ce ne fut pas long : le grand corps un peu alourdi par ses quarante ans se glissa sur la peau douce de la fillette de onze ans. Peut-être dix ans ou dix ans et demi. Il glissa le pantalon de son pyjama de flanelle et il essaya...
Nathalie pleurait.
-Non, j’veux pas...
-Chut, murmurait l’homme. Chut..., répétait-il. Laisse-moi aller.
-Non, j’veux pas, j’veux pas, disait l’enfant, chaque fois plus fort.
-Juste un petit peu, juste un petit peu...
Le visage défait, l’homme tremblait. Il lui mit sa grosse main sur la bouche.
-Chut...
C’était inutile. Seules des larmes sortaient maintenant des yeux de la fillette. Son cri était fait de silence : elle avait tellement peur que la femme de l’impresario se réveille. Il dut s’y prendre à plusieurs reprises. Son pénis était trop gros. Cela ne rentrait pas. Il essayait encore, recommençait...
-J’ai mal ! Ça brûle...
-Chut...
L’homme se retira avant de jouir. Il avait apporté avec lui ses mouchoirs de papier, les maudits Kleenex.
Puis il quitta la chambre sans bruit. Sans dire un mot.
Nathalie était seule à présent. Elle s’essuya le visage avec la manche de son pyjama. L’homme l’avait tellement léchée ! Cela sentait l’alcool. Elle était sonnée, saisie, comme si elle venait de recevoir une énorme gifle. Elle se demandait ce qui venait de lui arriver. À vrai dire, elle savait ce qui c’était passé, mais elle n’avait jamais pensé que cela lui arriverait comme ça...
À dix ou onze ans.
Nathalie Simard se coucha sur le côté et pleura de honte.
Quand le couple déménagea au Jardin de l’Archipel, à l’Îles-des-Sœurs, le supplice se poursuivit. Habituellement, Nathalie couchait dans la chambre des filles de l’impresario. Quand elles venaient pour le week-end, elle dormait sans le salon. Toutefois, rien n’arrêtait l’homme.
Comme au chalet de Saint-Adèle. La plupart du temps, il y avait beaucoup d’invités, et beaucoup de vin. La beuverie se terminait tard dans la nuit. Quand tout le monde était couché, l’impresario prenait sa douche et montait au deuxième étage. Il s’était installé une sorte de rite. Tout en haut de l’escalier, sur sa gauche, l’homme se dirigeait d’abord vers la chambre de ses filles qui dormaient dans deux lits jumeaux. Il les embrassait, tirait la couverture sur leurs épaules. Puis il passait dans la pièce à côté...
Nathalie entendait la clenche tourner. Elle savait que c’était lui. Qu’il était monté et avait pénétré dans la chambre de ses filles. Elle n’avaient que quelques années de moins qu’elles, encore des enfants de moins de dix ans. Nathalie en avait onze...
Parfois, l’homme faisait cela sur son petit lit individuel. Parfois au fond d’une immense garde-robe où on rangeait les vêtements d’hiver.
C’était toujours pareil, un pattern diraient des spécialistes. L’homme prenait son plaisir, vite, seul, brutal. Puis il s’en allait, abandonnant la petite fille là où il l’avait trouvée, tel un objet qu’on laisse derrière soi, sachant qu’on le retrouvera à la même place la prochaine fois...
Plus tard, Nathalie résumera ce rite à des policiers : «Il me pognait les seins, même si j’en avais pas. Il m’a montré comment le sucer, ça, c’était dans l’auto...À l’appartement, il m’a pénétrée avec ses doigts et plus tard, ce fut une relation complète avec son pénis. Ça faisait mal. J’avais peur que sa femme nous surprenne...»
Avec le temps, l’homme devenait jaloux. Un employé de la production du Village avait offert à Nathalie une robe de chambre. L’impresario avait obligé la jeune fille à la rendre. La pire crise de jalousie était survenue à Sainte-Foy, à l’Auberge des Gouverneurs du boulevard Laurier. L’impresario louait toujours deux chambres, une pour lui et une pour son artiste, afin de ne pas éveiller les soupçons. Quand il la rejoignit ce soir-là, l’homme était fou de rage. Il lui serra les poignets brutalement, la prit par le cou, la secoua. Elle avait très peur, pleurait de douleur. Elle lui demandait d’arrêter, mais il la secouait encore plus fort en lui demandant d’arrêter de crier pour ne pas éveiller la curiosité des clients de la chambre voisine.
-Tu es à moi, tu m’appartiens, dit l’impresario.
Sans doute pour se venger, ou l’humilier, ou lui prouver qu’elle lui appartenait vraiment, l’agent, selon l’acte d’accusation, «a commis une agression sexuelle alors qu’il utilisait une arme ou imitation d’arme, à savoir : une télécommande (de télévision)». Pensait-il au puissant symbole que cela pouvait représenter ? Elle, une vedette, agressée avec une télécommande ! «Dans le cadre du règlement du dossier», la représentante du procureur général du Québec décida de retirer le chef d’accusation et de ne pas présenter de preuve sur cet incident. Ni sur ce qui suivit d’encore plus horrible et dégradant...
On dit que je juge Sansfaçon fut particulièrement outré par ce détail...
«À Saint-Lambert, district de Longueuil, à Sainte-Adèle, district de Terrebonne, à l’Île-des-sœurs et Montréal, district de Montréal, à Sherbrooke, district de Bedford, à Québec, district de Québec, à Granby, district de Bedford...» L’acte d’accusation présenté au juge ressemblait à une liste de lieux à visiter, une sorte d’itinéraire de l’horreur.
«Et ailleurs au Québec», ajouta le juge. Il aurait pu se rendre jusqu’au Mexique, si la juridiction de la justice du Canada s’était étendue aussi loin. Car l’homme avait tenté de l’agresser là aussi, dans une piscine !
L’impresario était en quelque sorte le chauffeur attitré de Nathalie dans ses tournées. «Ailleurs au Québec», c’était au hasard des routes et des autoroutes du Québec. «Dès qu’on était seuls, il en profitait», dit la chanteuse. Et il ne prenait pas toujours le temps de stationner la Mercedes comme la première fois. Un fois, tout en roulant, il lui avait demandé de s’asseoir sur lui. La voiture avait zigzagué et il avait crié : «Tabarnak, faut que je regarde en avant, moi là !»
Incontrôlable, l’homme fonctionnait par impulsions, comme un automate. Il possédait tellement sa jeune artiste qu’il s’en servait en tout temps, en toute occasion.
Il avait aussi l’obsession de la propreté et de l’odeur. En plus de ses boîtes de Kleenex qu’il traînait avec lui, il gardait toujours à portée de main une bouteille d’eau de toilette Aqua Velva. Pour que sa femme, sa deuxième femme, avec qui il venait d’entamer une vie commune, ne s’aperçoive de rien.
D’ailleurs, les propos qu’il tenait sur cette personne étaient d’une terrible méchanceté. Comme pour se justifier auprès de sa jeune chanteuse, l’impresario lui racontait que sa conjointe était responsable de tous ses malheurs. Elle ne lui donnait pas satisfaction, prétendait-il, tout en ajoutant quelques détails grossiers. Il parlait ainsi d’une femme qu’il avait chargée d’accompagner Nathalie dans ses tournées ! Avec lui, c’était toujours la faute des autres.
Il s’amusait aussi à faire peur à Nathalie, inventant des scénarios lubriques :
J’inviterais mes chums, pis on te mettrait un sac de papier sur la tête, disait-il. Personne ne te reconnaîtrait, pis ils pourraient tous te f... l’un après l’autre. C’est moi qui déciderais quand ça commence, pis quand ça finit...Parce que moi, j’sus le boss, pas vrai?
L’impresario a-t-il seulement, comme il l’avait fait à propos d’autres femmes et d’autres artistes, lancé des blagues sur sa chanteuse avec ses copains de restaurant et de beuverie ?
A-t-il raconté ? Pendant vingt-cinq ans -un quart de siècle ! -, Nathalie n’a jamais parlé, même pas à sa meilleure amie. Mais lui, vantard comme il l’était, a-t-il gardé le silence ? Quelqu’un d’autre, de son cercle d’amis ou de son entourage, a-t-il été complice ?
Quand il commença à abuser de Nathalie, l’impresario promit qu’il allait «tout lui montrer». Tout ce qu’elle connaîtrait du sexe viendrait de lui... Comme dans le show-business en somme. Orgueilleux, il lui demandait :
-C’était bon ? As-tu aimé ça ?
Vantard, il imaginait :
-Les hommes qui te connaîtront après moi seront bien chanceux...
Depuis l’âge de neuf ans, Nathalie avait un seul souci : «performer» pour que l’impresario soit content d’elle. Chaque soir, après un spectacle, elle se demandait, angoissée : «Va-t-il être satisfait, au moins ?» Elle cherchait son regard, attendait un compliment. Elle ne voulait surtout pas se tromper, de peur de lui déplaire. Lui devait s’imaginer que Nathalie recherchait la même perfection dans ses rapports intimes avec lui...
Sur la scène comme au lit, l’impresario était le patron, décidait si «c’était bon», critiquait quand cela ne lui convenait pas.
EXTRAITS DU CHAPITRE 6
Dans la voiture, il écartait parfois ses jambes, la caressait, glissait son doigt. Un peu plus loin. Toujours plus loin. La peur la tenaillait. Elle se taisait, et l’homme ne disait toujours rien.
«C’est arrivé pas longtemps après l’histoire de la voiture», se souvient Nathalie. Elle ne saurait dire s’il s’agissait d’une semaine ou d’un mois. Mais pas longtemps : «Nous habitions toujours à Saint-Lambert...»
«Nous...»
-Elle aura sa chambre, avait expliqué l’impresario à sa mère.
C’était donc devenu son autre chez-soi. Elle y avait ses habitudes. Lui aurait les siennes...
Nathalie Simard était couchée sur le divan, dans le den.
Il devait être tard puisqu’elle dormait déjà d’un profond sommeil. Elle sentit une main l’effleurer. C’était la première fois qu’on venait la tirer de son sommeil en pleine nuit à Saint-Lambert.
Alors, elle l’aperçut, dans sa robe de chambre. Ses mains avaient déjà commencé à courir entre ses jambes. Ce ne fut pas long : le grand corps un peu alourdi par ses quarante ans se glissa sur la peau douce de la fillette de onze ans. Peut-être dix ans ou dix ans et demi. Il glissa le pantalon de son pyjama de flanelle et il essaya...
Nathalie pleurait.
-Non, j’veux pas...
-Chut, murmurait l’homme. Chut..., répétait-il. Laisse-moi aller.
-Non, j’veux pas, j’veux pas, disait l’enfant, chaque fois plus fort.
-Juste un petit peu, juste un petit peu...
Le visage défait, l’homme tremblait. Il lui mit sa grosse main sur la bouche.
-Chut...
C’était inutile. Seules des larmes sortaient maintenant des yeux de la fillette. Son cri était fait de silence : elle avait tellement peur que la femme de l’impresario se réveille. Il dut s’y prendre à plusieurs reprises. Son pénis était trop gros. Cela ne rentrait pas. Il essayait encore, recommençait...
-J’ai mal ! Ça brûle...
-Chut...
L’homme se retira avant de jouir. Il avait apporté avec lui ses mouchoirs de papier, les maudits Kleenex.
Puis il quitta la chambre sans bruit. Sans dire un mot.
Nathalie était seule à présent. Elle s’essuya le visage avec la manche de son pyjama. L’homme l’avait tellement léchée ! Cela sentait l’alcool. Elle était sonnée, saisie, comme si elle venait de recevoir une énorme gifle. Elle se demandait ce qui venait de lui arriver. À vrai dire, elle savait ce qui c’était passé, mais elle n’avait jamais pensé que cela lui arriverait comme ça...
À dix ou onze ans.
Nathalie Simard se coucha sur le côté et pleura de honte.
Quand le couple déménagea au Jardin de l’Archipel, à l’Îles-des-Sœurs, le supplice se poursuivit. Habituellement, Nathalie couchait dans la chambre des filles de l’impresario. Quand elles venaient pour le week-end, elle dormait sans le salon. Toutefois, rien n’arrêtait l’homme.
Comme au chalet de Saint-Adèle. La plupart du temps, il y avait beaucoup d’invités, et beaucoup de vin. La beuverie se terminait tard dans la nuit. Quand tout le monde était couché, l’impresario prenait sa douche et montait au deuxième étage. Il s’était installé une sorte de rite. Tout en haut de l’escalier, sur sa gauche, l’homme se dirigeait d’abord vers la chambre de ses filles qui dormaient dans deux lits jumeaux. Il les embrassait, tirait la couverture sur leurs épaules. Puis il passait dans la pièce à côté...
Nathalie entendait la clenche tourner. Elle savait que c’était lui. Qu’il était monté et avait pénétré dans la chambre de ses filles. Elle n’avaient que quelques années de moins qu’elles, encore des enfants de moins de dix ans. Nathalie en avait onze...
Parfois, l’homme faisait cela sur son petit lit individuel. Parfois au fond d’une immense garde-robe où on rangeait les vêtements d’hiver.
C’était toujours pareil, un pattern diraient des spécialistes. L’homme prenait son plaisir, vite, seul, brutal. Puis il s’en allait, abandonnant la petite fille là où il l’avait trouvée, tel un objet qu’on laisse derrière soi, sachant qu’on le retrouvera à la même place la prochaine fois...
Plus tard, Nathalie résumera ce rite à des policiers : «Il me pognait les seins, même si j’en avais pas. Il m’a montré comment le sucer, ça, c’était dans l’auto...À l’appartement, il m’a pénétrée avec ses doigts et plus tard, ce fut une relation complète avec son pénis. Ça faisait mal. J’avais peur que sa femme nous surprenne...»
Avec le temps, l’homme devenait jaloux. Un employé de la production du Village avait offert à Nathalie une robe de chambre. L’impresario avait obligé la jeune fille à la rendre. La pire crise de jalousie était survenue à Sainte-Foy, à l’Auberge des Gouverneurs du boulevard Laurier. L’impresario louait toujours deux chambres, une pour lui et une pour son artiste, afin de ne pas éveiller les soupçons. Quand il la rejoignit ce soir-là, l’homme était fou de rage. Il lui serra les poignets brutalement, la prit par le cou, la secoua. Elle avait très peur, pleurait de douleur. Elle lui demandait d’arrêter, mais il la secouait encore plus fort en lui demandant d’arrêter de crier pour ne pas éveiller la curiosité des clients de la chambre voisine.
-Tu es à moi, tu m’appartiens, dit l’impresario.
Sans doute pour se venger, ou l’humilier, ou lui prouver qu’elle lui appartenait vraiment, l’agent, selon l’acte d’accusation, «a commis une agression sexuelle alors qu’il utilisait une arme ou imitation d’arme, à savoir : une télécommande (de télévision)». Pensait-il au puissant symbole que cela pouvait représenter ? Elle, une vedette, agressée avec une télécommande ! «Dans le cadre du règlement du dossier», la représentante du procureur général du Québec décida de retirer le chef d’accusation et de ne pas présenter de preuve sur cet incident. Ni sur ce qui suivit d’encore plus horrible et dégradant...
On dit que je juge Sansfaçon fut particulièrement outré par ce détail...
«À Saint-Lambert, district de Longueuil, à Sainte-Adèle, district de Terrebonne, à l’Île-des-sœurs et Montréal, district de Montréal, à Sherbrooke, district de Bedford, à Québec, district de Québec, à Granby, district de Bedford...» L’acte d’accusation présenté au juge ressemblait à une liste de lieux à visiter, une sorte d’itinéraire de l’horreur.
«Et ailleurs au Québec», ajouta le juge. Il aurait pu se rendre jusqu’au Mexique, si la juridiction de la justice du Canada s’était étendue aussi loin. Car l’homme avait tenté de l’agresser là aussi, dans une piscine !
L’impresario était en quelque sorte le chauffeur attitré de Nathalie dans ses tournées. «Ailleurs au Québec», c’était au hasard des routes et des autoroutes du Québec. «Dès qu’on était seuls, il en profitait», dit la chanteuse. Et il ne prenait pas toujours le temps de stationner la Mercedes comme la première fois. Un fois, tout en roulant, il lui avait demandé de s’asseoir sur lui. La voiture avait zigzagué et il avait crié : «Tabarnak, faut que je regarde en avant, moi là !»
Incontrôlable, l’homme fonctionnait par impulsions, comme un automate. Il possédait tellement sa jeune artiste qu’il s’en servait en tout temps, en toute occasion.
Il avait aussi l’obsession de la propreté et de l’odeur. En plus de ses boîtes de Kleenex qu’il traînait avec lui, il gardait toujours à portée de main une bouteille d’eau de toilette Aqua Velva. Pour que sa femme, sa deuxième femme, avec qui il venait d’entamer une vie commune, ne s’aperçoive de rien.
D’ailleurs, les propos qu’il tenait sur cette personne étaient d’une terrible méchanceté. Comme pour se justifier auprès de sa jeune chanteuse, l’impresario lui racontait que sa conjointe était responsable de tous ses malheurs. Elle ne lui donnait pas satisfaction, prétendait-il, tout en ajoutant quelques détails grossiers. Il parlait ainsi d’une femme qu’il avait chargée d’accompagner Nathalie dans ses tournées ! Avec lui, c’était toujours la faute des autres.
Il s’amusait aussi à faire peur à Nathalie, inventant des scénarios lubriques :
J’inviterais mes chums, pis on te mettrait un sac de papier sur la tête, disait-il. Personne ne te reconnaîtrait, pis ils pourraient tous te f... l’un après l’autre. C’est moi qui déciderais quand ça commence, pis quand ça finit...Parce que moi, j’sus le boss, pas vrai?
L’impresario a-t-il seulement, comme il l’avait fait à propos d’autres femmes et d’autres artistes, lancé des blagues sur sa chanteuse avec ses copains de restaurant et de beuverie ?
A-t-il raconté ? Pendant vingt-cinq ans -un quart de siècle ! -, Nathalie n’a jamais parlé, même pas à sa meilleure amie. Mais lui, vantard comme il l’était, a-t-il gardé le silence ? Quelqu’un d’autre, de son cercle d’amis ou de son entourage, a-t-il été complice ?
Quand il commença à abuser de Nathalie, l’impresario promit qu’il allait «tout lui montrer». Tout ce qu’elle connaîtrait du sexe viendrait de lui... Comme dans le show-business en somme. Orgueilleux, il lui demandait :
-C’était bon ? As-tu aimé ça ?
Vantard, il imaginait :
-Les hommes qui te connaîtront après moi seront bien chanceux...
Depuis l’âge de neuf ans, Nathalie avait un seul souci : «performer» pour que l’impresario soit content d’elle. Chaque soir, après un spectacle, elle se demandait, angoissée : «Va-t-il être satisfait, au moins ?» Elle cherchait son regard, attendait un compliment. Elle ne voulait surtout pas se tromper, de peur de lui déplaire. Lui devait s’imaginer que Nathalie recherchait la même perfection dans ses rapports intimes avec lui...
Sur la scène comme au lit, l’impresario était le patron, décidait si «c’était bon», critiquait quand cela ne lui convenait pas.