Publié : dim. août 21, 2005 5:52 am
Les Rolling Stones
Sexe, drogues et... politique?
Marc Cassivi
La Presse
Boston
Les Rolling Stones entament demain leur nouvelle tournée mondiale, au Fenway Park de Boston, en prévision de la sortie, le 6 septembre, de leur premier album studio en huit ans, A Bigger Bang. La tournée du même nom, dont l'escale montréalaise est prévue le 10 janvier au Centre Bell, s'arrêtera dans une semaine à Ottawa. Une nouvelle chanson des Stones, Sweet Neo Con, charge en règle contre l'administration Bush, suscite déjà la controverse aux États-Unis. Notre chroniqueur Marc Cassivi, qui assistera au premier spectacle de la tournée, nous en parle aujourd'hui, demain et lundi.
Sexe, drogues et rock'n'roll. Le cliché le plus éculé du rock colle à la peau des Rolling Stones depuis 43 ans. Ce slogan racoleur, longtemps le credo de Mick, Keith et consorts, est pratiquement une marque déposée des anciens rivaux des Beatles. Mais sexe, drogues et politique ? Les enfants terribles de la British Invasion n'ont jamais trop fait dans l'engagement, négligeant les protest songs et laissant aux exégètes le soin de trouver un sens profond aux paroles de Street Fighting Man.
Mais voilà qu'aujourd'hui, malgré leurs 245 ans dûment combinés, les vénérables rockeurs - Sir Mick en particulier - se lancent dans la polémique à saveur politique. À la veille d'une tournée mondiale qui sera lancée demain à Boston, la première à l'appui du successeur de Bridges to Babylon, enregistré en 1997, Mick Jagger et Keith Richards défraient la chronique en raison d'une chanson à paraître sur A Bigger Bang intitulée Sweet Neo Con («Cher néoconservateur»).
Cette charge à fond de train contre l'administration Bush laisse peu de place aux interprétations iniques et ne s'encombre pas de licence poétique. «You call yourself a Christian, I call you a hypocrite/You call yourself a patriot, well I think you're full of shit», chante notamment Jagger («Tu te dis chrétien, je dis que tu es hypocrite/Tu te dis patriote, eh bien, je crois que tu es plein de m...»). Le refrain de Sweet Neo Con n'est pas plus équivoque : «How come you're so wrong ? My sweet neo con/Where's the money gone, in the Pentagon» («Comment as-tu pu autant te tromper ? Mon cher néoconservateur/ Où est parti l'argent, au Pentagone.»)
«Oui, il y a une petite polémique, a reconnu la semaine dernière Mick Jagger, le sourire en coin, à l'antenne de CNN. Mais il ne s'agit pas d'une attaque personnelle contre le président Bush. Sinon, la chanson ne s'appellerait pas Sweet Neo Con. C'est certainement critique de certaines politiques de son administration. Beaucoup de gens ont des critiques à formuler.»
S'il ne nomme aucun néo-conservateur proche du président (Donald Rumsfeld, Condoleezza Rice, Dick Cheney ou Paul Wolfowitz), Jagger fait directement référence à Haliburton, l'entreprise autrefois dirigée par le vice-président, qui a obtenu d'importants contrats avec l'armée américaine en Irak. «C'est la chanson de Mick, s'est défendu en riant Keith Richards à CNN. Je lui ai dit : Bon Mick, tu sais, c'est pas subtil, subtil...»
Le plaidoyer gauchisant des célèbres sexagénaires millionnaires - la fortune personnelle de Jagger est évaluée à 390 millions - a soulevé l'ire de quelques chro-niqueurs américains chatouilleux, mais surtout attisé les sarcasmes de plusieurs, qui y ont vu l'ènième tentative des Stones de rajeunir leur image.
On n'a rien à prouver
La controverse ne risque pas de nuire aux ventes de A Bigger Bang. Depuis longtemps, les spectacles des Rolling Stones suscitent beau-coup plus d'enthousiasme que leurs disques. Bridges to Babylon, paru en 1997, s'est écoulé à 3,5 millions d'exemplaires, un résultat honorable, sans plus. Les recettes des tournées des Stones, quant à elles, ont généré depuis 1989 - l'année où le groupe s'est associé au promoteur torontois Michael Cohl et a révolutionné le genre grâce à la tournée Steel Wheels - des recettes de 2,6 milliards.
Les Rolling Stones ont bouclé depuis les deux tournées nord-américaines les plus lucratives de tous les temps. À Bigger Bang, qui prend son envol au mythique Fenway Park de Boston demain, ne devrait pas faire exception à la règle : 97 % des billets mis en vente ont déjà été écoulés. Après les États-Unis et le Canada, le cirque roulant doit se déplacer au Mexique, en Amérique du Sud, en Asie, en Nouvelle-Zélande et en Australie avant de s'arrêter en Europe, à l'été 2006.
« Parfois, on peut se sentir cyniques et se dire : Pas encore une tournée », confiait récemment Mick Jagger, 62 ans, au magazine Newsweek. Mais une fois sur scène, la musique prend le dessus. « « Je comprends que certains puissent penser que c'est devenu routinier pour nous «, ajoute Keith Richards, 61 ans, qui, comme Jagger et le batteur Charlie Watts, 63 ans, compte parmi les membres originaux du groupe (le guitariste Ron Wood, 59 ans, quatrième Stone « officiel «, a grossi les rangs en 1976 et le bassiste Darryl Jones a remplacé Bill Wyman en 1993). « Mais grâce au genre de musique que l'on fait et le genre de gars que nous sommes, Jumpin' Jack Flash peut être une nouvelle chanson chaque soir.
On ne le fait pas pour nourrir nos familles. On n'a rien à prouver à personne. «
Un album « stonesien »
Sur le site officiel des Stones (www.rollingstones.com), on qualifie déjà A Bigger Bang de « chef-d'oeuvre ». « Le plus grand groupe rock au monde »- appellation contrôlée depuis la fin des années 60- n'a jamais fait dans la demi-mesure. La circonspection (et une fâcheuse tendance au scepticisme) nous commande pourtant « d'attendre pour entendre ». L'album, après tout, ne sera en magasin que le 6 septembre.
Les happy few qui l'ont déjà parcouru parlent d'une collection de chansons classiquement « stonesiennes «. C'est du reste ce qu'inspirent les trois pièces offertes en avant-première, la semaine dernière, par le service numérique iTunes : Rough Justice, un hymne rock du type Brown Sugar avec des métaphores animalières salaces («Once upon a time I was your little rooster, but am I just one of your cocks? »); Back of My Hand, un vibrant blues sans âge à la Little Red Rooster (tiens, tiens), sur lequel Jagger joue de la basse et de l'harmonica; et Streets of Love, une ballade entraînée par la voix maniérée de Mick Jagger.
Rien de particulièrement transcendant, mais du bon vieux rock & roll comme les Stones en sont capables. Toutes les pièces ont été composées en tandem par Jagger et Richards à l'été 2004, dans la maison du chanteur, dans le sud de la France, pendant que Charlie Watts soignait un cancer de la gorge. « Cette histoire nous a soudés en musique «, a confié Richards à Newsweek.
Les 16 chansons de A Bigger Bang constituent le plus long disque des Rolling Stones depuis Exile on Main Street, il y a 33 ans. Streets of Love en sera le premier extrait radio. Deux titres, This Place Is Empty et Infamy, sont chantés par Keith Richards. L'album, sous étiquette Virgin, a été réalisé par The Glimmer Twins et Don Was, à la barre de tous les disques du groupe depuis Voodoo Lounge en 1994. (Was joue également de l'orgue et du piano, comme le claviériste de tournée Chuck Leavell, sur cet album qui ne compte aucun autre musicien invité.)
Les Stones seraient à ce point ravis du résultat qu'ils ont répété une douzaine de chansons de A Bigger Bang pour les besoins de la tournée, eux qui nous ont habitués à pas plus de deux ou trois nouvelles pièces lors de leurs spectacles précédents. « Beaucoup de nos enregistrements sont surproduits, avouait cette semaine Charlie Watts au magazine Rolling Stone. Cet album est beaucoup plus dépouillé. C'est un retour aux sources. J'espère que les gens l'aimeront... parce que ça nous poussera à en faire un autre ! »
Il reste à savoir si l'étiquette « classique Stones » poussera les fans d'antan à acheter A Bigger Bang? Le dernier album des Rolling Stones à avoir atteint le sommet du palmarès Billboard reste Tatoo You. C'était en 1981...
Sexe, drogues et... politique?
Marc Cassivi
La Presse
Boston
Les Rolling Stones entament demain leur nouvelle tournée mondiale, au Fenway Park de Boston, en prévision de la sortie, le 6 septembre, de leur premier album studio en huit ans, A Bigger Bang. La tournée du même nom, dont l'escale montréalaise est prévue le 10 janvier au Centre Bell, s'arrêtera dans une semaine à Ottawa. Une nouvelle chanson des Stones, Sweet Neo Con, charge en règle contre l'administration Bush, suscite déjà la controverse aux États-Unis. Notre chroniqueur Marc Cassivi, qui assistera au premier spectacle de la tournée, nous en parle aujourd'hui, demain et lundi.
Sexe, drogues et rock'n'roll. Le cliché le plus éculé du rock colle à la peau des Rolling Stones depuis 43 ans. Ce slogan racoleur, longtemps le credo de Mick, Keith et consorts, est pratiquement une marque déposée des anciens rivaux des Beatles. Mais sexe, drogues et politique ? Les enfants terribles de la British Invasion n'ont jamais trop fait dans l'engagement, négligeant les protest songs et laissant aux exégètes le soin de trouver un sens profond aux paroles de Street Fighting Man.
Mais voilà qu'aujourd'hui, malgré leurs 245 ans dûment combinés, les vénérables rockeurs - Sir Mick en particulier - se lancent dans la polémique à saveur politique. À la veille d'une tournée mondiale qui sera lancée demain à Boston, la première à l'appui du successeur de Bridges to Babylon, enregistré en 1997, Mick Jagger et Keith Richards défraient la chronique en raison d'une chanson à paraître sur A Bigger Bang intitulée Sweet Neo Con («Cher néoconservateur»).
Cette charge à fond de train contre l'administration Bush laisse peu de place aux interprétations iniques et ne s'encombre pas de licence poétique. «You call yourself a Christian, I call you a hypocrite/You call yourself a patriot, well I think you're full of shit», chante notamment Jagger («Tu te dis chrétien, je dis que tu es hypocrite/Tu te dis patriote, eh bien, je crois que tu es plein de m...»). Le refrain de Sweet Neo Con n'est pas plus équivoque : «How come you're so wrong ? My sweet neo con/Where's the money gone, in the Pentagon» («Comment as-tu pu autant te tromper ? Mon cher néoconservateur/ Où est parti l'argent, au Pentagone.»)
«Oui, il y a une petite polémique, a reconnu la semaine dernière Mick Jagger, le sourire en coin, à l'antenne de CNN. Mais il ne s'agit pas d'une attaque personnelle contre le président Bush. Sinon, la chanson ne s'appellerait pas Sweet Neo Con. C'est certainement critique de certaines politiques de son administration. Beaucoup de gens ont des critiques à formuler.»
S'il ne nomme aucun néo-conservateur proche du président (Donald Rumsfeld, Condoleezza Rice, Dick Cheney ou Paul Wolfowitz), Jagger fait directement référence à Haliburton, l'entreprise autrefois dirigée par le vice-président, qui a obtenu d'importants contrats avec l'armée américaine en Irak. «C'est la chanson de Mick, s'est défendu en riant Keith Richards à CNN. Je lui ai dit : Bon Mick, tu sais, c'est pas subtil, subtil...»
Le plaidoyer gauchisant des célèbres sexagénaires millionnaires - la fortune personnelle de Jagger est évaluée à 390 millions - a soulevé l'ire de quelques chro-niqueurs américains chatouilleux, mais surtout attisé les sarcasmes de plusieurs, qui y ont vu l'ènième tentative des Stones de rajeunir leur image.
On n'a rien à prouver
La controverse ne risque pas de nuire aux ventes de A Bigger Bang. Depuis longtemps, les spectacles des Rolling Stones suscitent beau-coup plus d'enthousiasme que leurs disques. Bridges to Babylon, paru en 1997, s'est écoulé à 3,5 millions d'exemplaires, un résultat honorable, sans plus. Les recettes des tournées des Stones, quant à elles, ont généré depuis 1989 - l'année où le groupe s'est associé au promoteur torontois Michael Cohl et a révolutionné le genre grâce à la tournée Steel Wheels - des recettes de 2,6 milliards.
Les Rolling Stones ont bouclé depuis les deux tournées nord-américaines les plus lucratives de tous les temps. À Bigger Bang, qui prend son envol au mythique Fenway Park de Boston demain, ne devrait pas faire exception à la règle : 97 % des billets mis en vente ont déjà été écoulés. Après les États-Unis et le Canada, le cirque roulant doit se déplacer au Mexique, en Amérique du Sud, en Asie, en Nouvelle-Zélande et en Australie avant de s'arrêter en Europe, à l'été 2006.
« Parfois, on peut se sentir cyniques et se dire : Pas encore une tournée », confiait récemment Mick Jagger, 62 ans, au magazine Newsweek. Mais une fois sur scène, la musique prend le dessus. « « Je comprends que certains puissent penser que c'est devenu routinier pour nous «, ajoute Keith Richards, 61 ans, qui, comme Jagger et le batteur Charlie Watts, 63 ans, compte parmi les membres originaux du groupe (le guitariste Ron Wood, 59 ans, quatrième Stone « officiel «, a grossi les rangs en 1976 et le bassiste Darryl Jones a remplacé Bill Wyman en 1993). « Mais grâce au genre de musique que l'on fait et le genre de gars que nous sommes, Jumpin' Jack Flash peut être une nouvelle chanson chaque soir.
On ne le fait pas pour nourrir nos familles. On n'a rien à prouver à personne. «
Un album « stonesien »
Sur le site officiel des Stones (www.rollingstones.com), on qualifie déjà A Bigger Bang de « chef-d'oeuvre ». « Le plus grand groupe rock au monde »- appellation contrôlée depuis la fin des années 60- n'a jamais fait dans la demi-mesure. La circonspection (et une fâcheuse tendance au scepticisme) nous commande pourtant « d'attendre pour entendre ». L'album, après tout, ne sera en magasin que le 6 septembre.
Les happy few qui l'ont déjà parcouru parlent d'une collection de chansons classiquement « stonesiennes «. C'est du reste ce qu'inspirent les trois pièces offertes en avant-première, la semaine dernière, par le service numérique iTunes : Rough Justice, un hymne rock du type Brown Sugar avec des métaphores animalières salaces («Once upon a time I was your little rooster, but am I just one of your cocks? »); Back of My Hand, un vibrant blues sans âge à la Little Red Rooster (tiens, tiens), sur lequel Jagger joue de la basse et de l'harmonica; et Streets of Love, une ballade entraînée par la voix maniérée de Mick Jagger.
Rien de particulièrement transcendant, mais du bon vieux rock & roll comme les Stones en sont capables. Toutes les pièces ont été composées en tandem par Jagger et Richards à l'été 2004, dans la maison du chanteur, dans le sud de la France, pendant que Charlie Watts soignait un cancer de la gorge. « Cette histoire nous a soudés en musique «, a confié Richards à Newsweek.
Les 16 chansons de A Bigger Bang constituent le plus long disque des Rolling Stones depuis Exile on Main Street, il y a 33 ans. Streets of Love en sera le premier extrait radio. Deux titres, This Place Is Empty et Infamy, sont chantés par Keith Richards. L'album, sous étiquette Virgin, a été réalisé par The Glimmer Twins et Don Was, à la barre de tous les disques du groupe depuis Voodoo Lounge en 1994. (Was joue également de l'orgue et du piano, comme le claviériste de tournée Chuck Leavell, sur cet album qui ne compte aucun autre musicien invité.)
Les Stones seraient à ce point ravis du résultat qu'ils ont répété une douzaine de chansons de A Bigger Bang pour les besoins de la tournée, eux qui nous ont habitués à pas plus de deux ou trois nouvelles pièces lors de leurs spectacles précédents. « Beaucoup de nos enregistrements sont surproduits, avouait cette semaine Charlie Watts au magazine Rolling Stone. Cet album est beaucoup plus dépouillé. C'est un retour aux sources. J'espère que les gens l'aimeront... parce que ça nous poussera à en faire un autre ! »
Il reste à savoir si l'étiquette « classique Stones » poussera les fans d'antan à acheter A Bigger Bang? Le dernier album des Rolling Stones à avoir atteint le sommet du palmarès Billboard reste Tatoo You. C'était en 1981...