Aussi léger qu'un grain de maïs éclaté
Par Véronique Juneau
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King Arthur |
(vf: Roi Arthur, Le )
Le spectacle plait, et ce, même si la légende a été largement déformée. M’enfin, il fallait s’y attendre. De Jerry Bruckheimer, on ne pouvait présumer autre chose qu’un divertissement béton. C’est connu, l’homme est réputé pour son sens aigu du blockbuster. Et depuis THE ROCK, GONE IN 60 SECONDS et PIRATES OF THE CARIBBEAN, on ne peut lui prêter autre chose qu’une recette efficace, faite de ralentis, de coups d’archets et de discours patriotiques digne des produits de masses les plus courus.
Et connaissant Bruckheimer, principal artisan de KING ATRHUR, on ne pouvait non plus espérer une lecture juste et fidèle des exploits des Chevaliers de la Table Ronde. Bruckheimer n’est pas John Boorman. KING ARTHUR n’a pas le souffle, ni la prestance d’EXCALIBUR. Le résultat est un produit d’action gonflé à la testostérone, et bourré d’élans de bravoure principalement conçu pour ratisser large. Mais heureusement, dans son genre, on peut dire qu’il a fière allure.
S’il prend de grandes libertés par rapport aux légendes arthuriennes, KING ARTHUR profite néanmoins d’une approche historique valable, principalement lors de scènes d’affrontements. Plus que FIRST KNIGHT avec Richard Gere, par exemple, le film d’Antoine Fuqua relève le défi d’illustrer convenablement la barbarie de l’époque médiévale sur les champs de batailles. Deux passages en particulier, l’un sur une surface glacée, et l’autre derrière les fortifications d’une ville assiégée, témoignent bien du souci accordé à la reconstitution historique. Ces deux passages prennent forme avec un doigté et une maîtrise du tonnerre. En ces temps-là, le spectacle est à couper le souffle. Et de KING ARTHUR, c’est justement cela qu’il faut retenir : sa mise en images lors de séquences d’action. Le résultat est alors surprenant.
Et parce qu’il profite des talents d’interprètes remarquables (lire : Clive Owen, Keira Knightley, Ioan Gruffudd, Ray Winstone et Stellan Skarsgard), et qu’il donne à chacun suffisamment de temps de glace, KING ARTHUR offre une lecture distrayante – bien que trop simplifiée - de certains exploits de quelques-uns des personnages issus d’un mythe fascinant.
Même en étant maniérée, l’approche de Fuqua, ici au service de Jerry Bruckheimer, apparaît vivante et pleine d’âme. L’exercice est aéré, assez bien mené techniquement, son rythme y est soutenu, sa direction photo est impeccable et l’ensemble des décors s’avère suffisamment crédible. Sans oublier que les interprètes semblent tous à leur place.
Illustrant la situation politique du 5e siècle sur l’île de la Grande-Bretagne, KING ARTHUR s’ouvre sur le retrait imminent des forces romaines, alors au pouvoir, et sur la menace bien réelle du peuple Saxon, lui déterminé à s’emparer du territoire. Artorius, grand guerrier de Cornouailles, déjà à la tête d’un groupe de chevaliers redoutables, est alors appelé à défendre l’ensemble des peuples de la Grande-Bretagne contre un ennemi barbare.
Si l’on se fit aux romans arthuriens, lesquels sont nombreux, la douce Guenièvre (Keira Knightley), de qui Arthur s’entiche, et pour qui le cœur de Lancelot du Lac bat aussi, n’a rien de la guerrière dépeinte ici. On peut d’ailleurs se demander si Bruckheimer n’a pas eu le béguin pour Knightley, qu’il a révélée au grand public dans PIRATES OF THE CARIBBEAN, puisqu’il lui offre un rôle d’héroïne moderne de premier plan à des kilomètres du portrait traditionnel de damoiselle en détresse de Guenièvre. En plus de prendre les armes, Guenièvre combat ici d’égal à égal avec la crème des mercenaires. Autre fausseté : On laisse sous-entendre que Arthur s’est emparé d’Excalibur en pleine tragédie familiale, alors que selon la légende, l’épée fut extraite de son socle dans un tout autre contexte, sous le regard approbateur de Ygerne, sa mère. Idem pour la Table Ronde, offerte par Merlin lors du mariage de Arthur avec Guenièvre.
Sur le plan chronologique, KING ARTHUR s’accorde aussi des libertés. Le sacre de Arthur, par exemple, aurait eu lieu alors que ce dernier n'avait que 15 ans. Et ses exploits aux côtés des chevaliers de la Table Ronde dateraient d’une époque ultérieure. Quant au sort de Lancelot du Lac, on l’a aussi trafiqué pour appuyer une montée dramatique. Il y a donc fort à parier que les fanas du monde celtique crieront au scandale. Pourtant, ce produit de masse ne leur est pas destiné. Et qu’importe le flot de remontrances, celles-ci n’auront aucune influence sur l’accueil d’un plus vaste auditoire habitué, lui, à consommer du divertissement léger.