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Publié : sam. janv. 19, 2008 5:58 am
par nick11f
Le samedi 19 janvier 2008


L'homosexualité à la télévision: ils sont gais? Oui, et alors?





Benoît McGinnis et Éric Bernier dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin. L’auteur de la série, Richard Blaimert, a créé plusieurs personnages homosexuels. «J’ai envie de montrer des gars autonomes, qui ont une vie rangée, plutôt que de montrer des gais en position de victimes, ou en situation de crise. Je n’ai plus envie de faire des épisodes de coming out. Il me semble qu’on est rendus ailleurs.»


Ils s’appellent Éliot dans Providence, Denis dans Annie et ses hommes, Jean-Charles dans Les Boys, Hugo dans Virginie et Martin dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin. Alors qu’avant, on les aurait intégrés à l’intrigue des séries parce qu’ils étaient gais, aujourd’hui, leur orientation sexuelle est devenue presque accessoire. Avec la société, la télé a évolué.

 

Avant, on les caricaturait la plupart du temps, souvent pour faire rire, comme Christian Lalancette dans Chez Denise et Jean-Lou dans La petite vie. Aujourd’hui, ils mènent des carrières enviables et ne sont plus seulement des faire-valoir, ils influencent l’histoire.

Auteur de la série Les hauts et les bas de Sophie Paquin à Radio-Canada et ouvertement gai, Richard Blaimert a créé plusieurs personnages homosexuels, dont celui de Martin Brodeur, le meil-leur ami de Sophie, joué par Éric Bernier. Il avoue qu’en 15 ans de métier, sa façon d’aborder la chose a beaucoup évolué. «J’ai envie de montrer des gars autonomes, qui ont une vie rangée, plutôt que de montrer des gais en position de victimes, ou en situation de crise. Je n’ai plus envie de faire des épisodes de coming out. Il me semble qu’on est rendus ailleurs.»

Richard Blaimert croit qu’en cette matière, la télévision québécoise détient une longueur d’avance sur les États-Unis, et depuis longtemps. Quand il a abordé l’homosexualité d’un adolescent joué par Serge Postigo dans Watatatow dans les années 90, Radio-Canada a déplacé l’épisode en soirée. Non seulement le diffuseur n’a-t-il pas reçu de plaintes, mais un grand-père a remercié l’auteur de lui avoir fait comprendre la situation de son petit-fils homosexuel.

«On va beaucoup plus loin que ce que font les Américains aux grands réseaux. Par contre, vu le plus grand bassin d’auditoire aux États-Unis, les chaînes câblées américaines peuvent être plus audacieuses, avec des séries purement gaies comme Queer As Folk et The L Word.»

Même s’il n’inclut pas automatiquement des personnages gais dans ses histoires, l’auteur se fait une mission de montrer une image saine des gais. «J’ai tellement souffert quand j’étais jeune parce que j’étais différent, je priais pour ne plus être gai.»

L’HOMOSEXUALITÉ DES ADOS

Hétérosexuelle et maman, l’auteure du téléroman Providence à Radio-Canada, Chantal Cadieux, a la même préoccupation, elle qui est entourée d’amis gais et lesbiennes. «Nous avons une part de responsabilité comme auteurs, une mission éducative. Pour la même raison, j’ai voulu aborder la question de la fibrose kystique, une maladie que les gens connaissent mal.»

Un de ses fils, Émile, a joué le personnage de Zach, de six à huit ans, dans le film C.R.A.Z.Y., qui abordait l’homosexualité. Pour les besoins du personnage, le petit Émile devait se déguiser en fille. «Il ne s’est pas fait taquiner. S’il avait eu 12 ou 13 ans, c’aurait été plus problématique», croit sa mère.

Quand elle a eu l’idée d’aborder la question de l’orientation sexuelle au début de l’adolescence avec le personnage de Napoléon, le fils de Solange et Pierre dans Providence, elle a dû prendre certaines précautions. «C’est très délicat. Au départ, le texte spécifiait que Napoléon devait regarder Samuel amoureusement. J’ai changé ça pour de l’admiration.»

Le comédien qui incarne Napoléon, Jeremy Gaudet, a vite compris qu’il s’agissait d’un personnage. «Il faut en parler pour voir jusqu’où l’enfant est prêt à jouer ça. Les parents auraient pu montrer des réticences, de peur que leur fils se fasse ridiculiser, mais ce n’est pas arrivé avec le père de Jeremy.» Pourtant, la question
du questionnement d’orientation chez les jeunes semblait fondamentale pour l’auteure. «Les hommes gais me disent souvent, une fois adultes, qu’ils ont su très jeunes qu’ils étaient homosexuels. Mais quand ils étaient à cet âge-là, ils ne le reconnaissaient pas.»

Avec le personnage de François, le mari de Solange, Chantal Cadieux a aussi eu envie de traiter de l’ambivalence sexuelle. «J’ai toujours trouvé courageux ces gars qui font des expériences sexuelles pour savoir ce qu’ils veulent vraiment. Ce n’est pas clair pour tout le monde et j’aime explorer ces zones grises. François est allé voir, pour s’apercevoir que ce n’est pas ce qu’il voulait.»

ENCORE DU CHEMIN

Chantal Cadieux a régulièrement des preuves qu’il y a encore du chemin à parcourir. «Des gens plus âgés vont nous dire qu’ils sont surpris de savoir qu’Untel est gai, parce qu’il n’arrive pas avec une perruque sur la tête, et qu’il est ordinaire!»

Elle souhaite néanmoins con-trer les préjugés selon lesquels les aînés et les gens des régions sont souvent déphasés. «J’aime montrer des personnes plus âgées, comme Édith (Monique Mercure), qui ne se surprennent pas qu’une personne soit gaie. Ce n’est pas parce qu’on est vieille qu’on n’a jamais vu ça. Même chose pour les gens des régions, qui ont vu neiger, même s’ils ne vivent pas en ville. Ils ont le 9-1-1 et Internet aussi!»

L’interprète d’Éliot, le frère gai de Diane, Claude Gagnon, n’a jamais eu peur d’être identifié à des personnages gais pour le reste de sa carrière en acceptant de tels rôles. Il a joué des homosexuels dans Pure laine et Tout sur moi, mais aussi un coureur de filles dans Virginie et un père de trois enfants dans Hommes en quarantaine. «Pour moi, un personnage est un personnage, qu’il soit gai, hétéro, qu’il ait des enfants, qu’il soit pédophile ou joueur compulsif au casino», dit-il.

Le comédien croit que la télévision joue un rôle majeur dans l’évolution des mentalités. «Les Québécois se disent ouverts à l’homosexualité pour avoir bonne conscience, mais ils ne le sont pas tant que ça. Il y a encore beaucoup de tabous.» Pour lui, il est anormal qu’on ne voit pas plus souvent des scènes d’intimité homosexuelles à la télévision. «Il est temps de montrer que ça existe et qu’on ne se choque plus de voir des gars s’embrasser. On est rendus ailleurs.»



Un premier baiser quasi inaperçu chez les Américains



Le 17 août dernier, les fans de As the World Turns, une production du réseau CBS et de la compagnie Procter & Gamble qui a débuté en 1956, ont assisté à une grande première : le personnage de Luke (incarné par Van Hansis) a échangé son premier baiser avec Noah (Jake Silberman), son amoureux.

Il n’y a pas là de quoi fouetter un chat, vous direz-vous… Or, c’était la première fois qu’à la télé américaine, un soap opera d’après-midi osait montrer un baiser entre deux hommes.

Les soap operas attirent généralement un auditoire passablement conservateur. En outre, ce feuilleton est diffusé le jour, soit à un moment où il peut y avoir des jeunes téléspectateurs à l’écoute.

Le baiser d’une dizaine de secondes entre Luke et Noah a-t-il provoqué une panique dans les chaumières? A-t-on vu des centaines de ménagères outrées du Midwest lancer leur téléviseur par la fenêtre? Que nenni. En fait l’événement a suscité bien peu d’intérêt sinon au sein des groupes de défense des droits des homosexuels, qui y ont vu une grande victoire. «Incroyable non? confie Damon Romine, le directeur du volet variétés de GLAAD (Gay and Lesbian Alliance Against Defamation). Nous avons été très étonnés que les groupes de droite ne réagissent pas à ce qui s’est passé dans As the World Turns. Pour nous, ça indique clairement que les mentalités ont changé et que nous avons vécu un moment historique.»

Les premières en cette matière n’ont pas toutes été aussi calmes. Au Royaume-Uni, le feuilleton Eastenders avait tenté l’expérience en 1987, en montrant un baiser sur le front, entre deux personnages masculins. La BBC, qui diffuse le feuilleton, avait alors fait l’objet de nombreuses critiques dans la presse et avait dû faire face à des centaines de plaintes de téléspectateurs outragés. Il aura donc fallu attendre plus de 20 ans avant que la télé américaine ose imiter sa cousine britannique.

Mieux intégrés

En examinant de près les 87 séries de fiction présentées en 2007-2008 par les grands réseaux américains en heure de grande écoute, l’organisme américain GLAAD a constaté que parmi les 650 personnages principaux et secondaires qu’on y trouve, seulement sept sont gais, lesbiennes, bisexuels ou transgenres. Ce qui représente seulement 1,1 % du total, une légère diminution par rapport aux saisons précédentes. Par contre, du côté des fictions produites par les chaînes spécialisées (HBO, Showtime, FX, Spike, etc.), on a remarqué une augmentation de 60 % des personnages non hétérosexuels. Les séries de ces réseaux qui en comptaient 35 en 2006-2007, en présentent cette année pas moins de 57!

D’Andrew, le jeune fils bisexuel à l’esprit rebelle de Bree dans Desperate Housewives (Beautés désespérées), à Oscar, le comptable gai de The Office, en passant par Caitlin, la v.p. d’une importante compagnie de cosmétiques qui se révèle avoir des penchants lesbiens dans Cashmere Mafia, le portait général de la représentation des personnages homosexuels a bien changé aux U.S.A. Ils sont non seulement globalement plus nombreux, mais surtout beaucoup mieux inclus aux intrigues des séries de fiction.

Il y a quelques années seulement, lorsqu’on présentait un personnage homosexuel ou bisexuel, comme c’était le cas d’Abby dans L.A. Law (La loi de Los Angeles), de Kerry Weaver, la chef de l’urgence d’E.R., ou encore plus récemment de Doug dans Dawson’s Creek, la plupart des intrigues dans lesquelles le personnage était impliqué abordaient l’acceptation de son orientation sexuelle par son entourage, sa famille ou encore ses collègues.

Désormais, les personnages présentés dans les séries américaines sont tout simplement partie prenante de l’histoire sans qu’on fasse grand cas de leur orientation sexuelle. En fait s’il y a une nouveauté dans le paysage, c’est sans doute l’avènement de deux personnages transgenres dans les séries des grands réseaux, du jamais vu à la télé américaine. Dans Ugly Betty, l’une des comédies phares de la grille d’ABC, on retrouve le personnage d’Alexis Meade (jouée par la magnifique Rebecca Romijn), jadis Alex, qui dirige le magazine de mode qui constitue l’univers de l’émission. Et dans Dirty Sexy Money, aussi sur ABC, celui de Carmelita, la maîtresse de Patrick, le fils de la riche famille Darling qui est aussi accessoirement le district attorney de New York. C’est d’ailleurs Candis Cayne, une actrice transexuelle, qui campe Carmelita. Alors, puritains les Américains? Visiblement, de moins en moins…



Images taboues



Un long baiser entre deux hommes? Malgré l’évolution, on hésite toujours à montrer des homosexuels qui s’enlacent, se caressent et s’embrassent, alors qu’on le fait largement avec des personnages hétéros. La preuve : pour ce dossier, on a cherché longtemps, et en vain, des photos de baisers entre deux hommes dans les téléromans récents.

Dans Les Boys, lundi dernier, on a évité de montrer Jean-Charles (Yvan Ponton) embrassant son conjoint (Jean Petitclerc) à un moment où un homme et une femme l’auraient fait naturellement. «Les gais s’embrassent, mais pas aussi intensément que les hétéros!», fait remarquer Richard Blaimert, auteur de la série Les hauts et les bas de Sophie Paquin.

Il ne croit pas que les scènes d’intimité entre gais deviendront bientôt habituelles à la télé. «Il ne faut pas se le cacher : voir deux gars qui s’embrassent rend encore des gens inconfortables. Ma meilleure arme, c’est d’essayer de peindre les gais comme des gens comme tout le monde. Doucement, on fait évoluer les choses.»

Il ne s’est pourtant pas empêché de présenter Martin au sauna gai dans Sophie Paquin. Et on ne lui a jamais demandé de retirer une scène de baiser entre deux hommes récemment. «Ce qui a changé, c’est qu’avant, quand j’avais abordé une intrigue gaie, on me disait : “Maintenant qu’on l’a fait, on passe à autre chose, on n’en parle plus.” Pourtant, on parlait d’amour hétéro tout le temps dans les séries. Maintenant, on ne me dit plus ça. C’est la preuve qu’on a évolué.»

Dans Tout sur moi, où on le verra en grand cuisinier dans deux épisodes cette saison, Claude Gagnon a lui-même suggéré au réalisateur de conclure une scène par un baiser avec Éric Bernier. «Ça me semblait évident que les deux gars allaient finir par s’embrasser, et le réalisateur a accepté l’idée.»

OÙ SONT LES FEMMES?

Florent Tanlet est animateur d’une émission sur la diversité sexuelle à CKIA, Homologue, et administrateur et bénévole au GRIS Québec, un organisme de lutte contre l’homophobie et de soutien aux jeunes homosexuels. Il se réjouit de la présence de personnages gais dans les téléromans. «C’est bien qu’on en montre autrement qu’en folles ou atteints du sida. Mais il ne faudrait pas non plus qu’il y en ait absolument tout le temps.»

Il a particulièrement apprécié le remake américain de la série Queer As Folk, qui entrait franchement dans l’univers gai, présentée sur Showcase de 2000 à 2005. «C’est ce genre de séries qu’il faut montrer aux hétéros. On y montrait toutes les réalités de la diversité sexuelle. Le gai extraverti, les deux lesbiennes avec un enfant, un gai qui couche avec plein de mecs, un autre qui ne veut pas trop s’avouer, et les homophobes qui en prennent plein la figure. C’est une façon positive d’éduquer les gens. J’ai adoré.»

Ayant lui-même fait son coming out en 2003, il souligne à quel point un geste comme celui de Dany Turcotte à Tout le monde en parle peut faire avancer la cause. «Le fait de voir quelqu’un qu’on aime avouer sans gêne son homosexualité peut faire changer d’avis un homophobe. C’est comme ça qu’on va faire changer les mentalités, plus qu’avec les parades gaies.»

Florent Tanlet a été surpris dernièrement par un fou rire qui a fait beaucoup jaser sur la chaîne française M6. «Il y a trois semaines, les animateurs très connus Marc-Olivier Fogiel et Laurent Ruquier se sont ouverts sur leur homosexualité en blaguant. Il y a quelques années, ils auraient sûrement été virés.»

Si on parle beaucoup des hommes gais à la télé, on y fait presque abstraction des lesbiennes, même si le thème a été effleuré dans Virginie et Le petit monde de Laura Cadieux. Ce silence est-il à l’image des lesbiennes elles-mêmes, beaucoup plus discrètes en société? «C’est vrai que les lesbiennes sont plus silencieuses. Mais elle ne sont pas moins intéressantes», croit Richard Blaimert, qui a créé deux personnages de lesbiennes dans Le monde de Charlotte et Cover Girl, la première série gaie québécoise, coécrite avec Pierre Samson.







Source:




http://www.cyberpresse.ca/article/20080 ... 7/CPSOLEIL

Publié : sam. janv. 19, 2008 6:20 am
par babychoux
merci nick!

c'est très intéressant ce texte

Publié : sam. janv. 19, 2008 1:50 pm
par nick11f
up