Publié : ven. déc. 09, 2005 2:02 pm
Le vendredi 09 décembre 2005
«CLIMAT DE TERREUR»
MétéoMédia a espionné ses employés
Richard Therrien
Le Soleil
Wal-Mart n'est pas le seul employeur à espionner ses employés en instance de syndicalisation. En guerre avec ses patrons depuis quatre ans, le personnel de la chaîne de télévision MétéoMédia à Montréal aurait aussi goûté à cette pratique illégale.
LE SOLEIL a appris que l'entreprise ontarienne Pelmorex Communications, propriétaire de MétéoMédia, a fait épier ses employés et leur fait toujours subir un régime d'intimidation semblable à celui imposé aux employés de Wal-Mart à Jonquière.
Il y a trois semaines, après une longue bataille avec le syndicat et sous des prétextes économiques, l'employeur réussissait à effacer d'un coup de vent l'exécutif du syndicat des travailleuses et travailleurs de MétéoMédia en congédiant une dizaine d'employés, parmi lesquels figurent le président du syndicat, Louis de Belleval, son vice-président et le chef de la mobilisation.
Sans emploi depuis le 17 novembre, Louis de Belleval venait trois jours plus tôt d'obtenir un congé de maladie pour soigner un burn-out, épuisé par la bataille qu'il a dû mener de front ces dernières années. Le présentateur météo licencié a accepté de répondre ouvertement à nos questions.
Selon lui, les employés de MétéoMédia, où Sophie Chiasson a fait ses débuts, vivent dans un véritable «climat de terreur» depuis maintenant quatre ans. Les autres employés interrogés au hasard par LE SOLEIL ont tous requis l'anonymat, mais ont corroboré les propos de leur président de syndicat.
«Tout ce que les gens ont lu dernièrement sur Wal-Mart, nous l'avons vécu à MétéoMédia, soutient Louis de Belleval. Le même mode d'emploi existe dans tous les cabinets d'avocats qui sont chargés de représenter des employeurs.»
Comme au Wal-Mart de Jonquière, MétéoMédia aurait engagé des agents d'une firme privée pour espionner les employés à l'origine de la syndicalisation. Un officier syndical de MétéoMédia en a eu la confirmation au cours d'une conversation avec un des enquêteurs privés.
«Ils étaient là pour filer nos officiers syndicaux et filmer l'entrée et la sortie de nos assemblées générales pour évaluer notre membership. Nous avons des noms», révèle Louis de Belleval. Les employeurs auraient aussi dissimulé des caméras dans l'entreprise pour épier les manoeuvres syndicales, une méthode illégale. Sans toutefois détenir de preuves, d'autres employés soupçonnent des collègues d'avoir agi comme agents doubles auprès de l'employeur.
MétéoMédia compte une centaine d'employés. Mais selon Louis de Belleval, «il y a eu un roulement de personnel de 100 % depuis la syndicalisation», au rythme des mises à pied et des congés de maladie.
LE SOLEIL a tenté à plusieurs reprises de joindre Pierre L. Morrissette, président et chef de la direction de Pelmorex Communications à Toronto, qui n'a jamais rappelé. Même mutisme à Montréal, où la directrice des programmes, Monique Lessard, nous a référé à la directrice des ressources humaines, Chantal Fortin, qui n'a répondu à aucun de nos nombreux messages.
Les démarches de syndicalisation chez MétéoMédia remontent à 2001 et ont donné lieu à d'interminables bagarres entre la direction et ses employés. Quand le Conseil canadien des relations industrielles a fini par accorder l'accréditation en décembre 2001, l'employeur a demandé une révision de la décision.
«Le dossier a traîné durant 18 mois sur les bureaux du Conseil, raconte Louis de Belleval. Ça a été très long. (...) On s'est fait massacrer, il y a eu des congédiements, du harcèlement, des menaces physiques et verbales, des avis disciplinaires, des suspensions. Nous avons dénoncé ces incidents auprès de l'employeur sans qu'il lève le petit doigt.» Le président du syndicat a même vu sa voiture vandalisée à deux reprises.
Les négociations entre l'employeur et le syndicat n'ont pu finalement reprendre qu'en juillet 2003. Il faudra une quarantaine de rencontres de négociation et de conciliation pour en arriver à la ratification d'une première convention collective en septembre dernier. Moins de deux mois plus tard, Pelmorex procédait au renvoi d'une dizaine d'employés, dont les têtes dirigeantes du syndicat. «L'objectif de l'employeur est de tuer le syndicat en nous brisant moralement. C'est comme ça depuis la première journée.»
Louis de Belleval n'est pas le seul à souffrir d'un burn-out. D'après lui, au moins trois personnes sont en congé de maladie, et sept autres auraient démissionné sous la pression de l'employeur. «Par exemple, une réalisatrice qui travaille le jour depuis une dizaine d'années, et qui est mère de deux jeunes enfants, s'est vu imposer un nouvel horaire qui commence à 2 h du matin !», raconte M. de Belleval.
Le président du syndicat compte poursuivre la bataille et souhaite que cette sortie publique éveillera la population aux pratiques illégales des employeurs, qui ne sont pas propres aux multinationales américaines. «Nous allons continuer à nous battre avec l'énergie qui nous reste. Ce n'est pas parce que l'exécutif syndical est mis temporairement K.-O. que le syndicat n'existe plus. Au contraire, nous allons aller jusqu'au bout.»
Basée à Mississauga, Pelmorex Communications est aussi propriétaire de la station The Weather Network en Ontario. L'entreprise d'environ 300 employés, dont une centaine à Montréal, a racheté MétéoMédia du groupe Lavalin en 1993 et s'était associée à TVA pour l'obtention d'une licence de chaîne d'information continue, qui a finalement été accordée à Radio-Canada (RDI).
«CLIMAT DE TERREUR»
MétéoMédia a espionné ses employés
Richard Therrien
Le Soleil
Wal-Mart n'est pas le seul employeur à espionner ses employés en instance de syndicalisation. En guerre avec ses patrons depuis quatre ans, le personnel de la chaîne de télévision MétéoMédia à Montréal aurait aussi goûté à cette pratique illégale.
LE SOLEIL a appris que l'entreprise ontarienne Pelmorex Communications, propriétaire de MétéoMédia, a fait épier ses employés et leur fait toujours subir un régime d'intimidation semblable à celui imposé aux employés de Wal-Mart à Jonquière.
Il y a trois semaines, après une longue bataille avec le syndicat et sous des prétextes économiques, l'employeur réussissait à effacer d'un coup de vent l'exécutif du syndicat des travailleuses et travailleurs de MétéoMédia en congédiant une dizaine d'employés, parmi lesquels figurent le président du syndicat, Louis de Belleval, son vice-président et le chef de la mobilisation.
Sans emploi depuis le 17 novembre, Louis de Belleval venait trois jours plus tôt d'obtenir un congé de maladie pour soigner un burn-out, épuisé par la bataille qu'il a dû mener de front ces dernières années. Le présentateur météo licencié a accepté de répondre ouvertement à nos questions.
Selon lui, les employés de MétéoMédia, où Sophie Chiasson a fait ses débuts, vivent dans un véritable «climat de terreur» depuis maintenant quatre ans. Les autres employés interrogés au hasard par LE SOLEIL ont tous requis l'anonymat, mais ont corroboré les propos de leur président de syndicat.
«Tout ce que les gens ont lu dernièrement sur Wal-Mart, nous l'avons vécu à MétéoMédia, soutient Louis de Belleval. Le même mode d'emploi existe dans tous les cabinets d'avocats qui sont chargés de représenter des employeurs.»
Comme au Wal-Mart de Jonquière, MétéoMédia aurait engagé des agents d'une firme privée pour espionner les employés à l'origine de la syndicalisation. Un officier syndical de MétéoMédia en a eu la confirmation au cours d'une conversation avec un des enquêteurs privés.
«Ils étaient là pour filer nos officiers syndicaux et filmer l'entrée et la sortie de nos assemblées générales pour évaluer notre membership. Nous avons des noms», révèle Louis de Belleval. Les employeurs auraient aussi dissimulé des caméras dans l'entreprise pour épier les manoeuvres syndicales, une méthode illégale. Sans toutefois détenir de preuves, d'autres employés soupçonnent des collègues d'avoir agi comme agents doubles auprès de l'employeur.
MétéoMédia compte une centaine d'employés. Mais selon Louis de Belleval, «il y a eu un roulement de personnel de 100 % depuis la syndicalisation», au rythme des mises à pied et des congés de maladie.
LE SOLEIL a tenté à plusieurs reprises de joindre Pierre L. Morrissette, président et chef de la direction de Pelmorex Communications à Toronto, qui n'a jamais rappelé. Même mutisme à Montréal, où la directrice des programmes, Monique Lessard, nous a référé à la directrice des ressources humaines, Chantal Fortin, qui n'a répondu à aucun de nos nombreux messages.
Les démarches de syndicalisation chez MétéoMédia remontent à 2001 et ont donné lieu à d'interminables bagarres entre la direction et ses employés. Quand le Conseil canadien des relations industrielles a fini par accorder l'accréditation en décembre 2001, l'employeur a demandé une révision de la décision.
«Le dossier a traîné durant 18 mois sur les bureaux du Conseil, raconte Louis de Belleval. Ça a été très long. (...) On s'est fait massacrer, il y a eu des congédiements, du harcèlement, des menaces physiques et verbales, des avis disciplinaires, des suspensions. Nous avons dénoncé ces incidents auprès de l'employeur sans qu'il lève le petit doigt.» Le président du syndicat a même vu sa voiture vandalisée à deux reprises.
Les négociations entre l'employeur et le syndicat n'ont pu finalement reprendre qu'en juillet 2003. Il faudra une quarantaine de rencontres de négociation et de conciliation pour en arriver à la ratification d'une première convention collective en septembre dernier. Moins de deux mois plus tard, Pelmorex procédait au renvoi d'une dizaine d'employés, dont les têtes dirigeantes du syndicat. «L'objectif de l'employeur est de tuer le syndicat en nous brisant moralement. C'est comme ça depuis la première journée.»
Louis de Belleval n'est pas le seul à souffrir d'un burn-out. D'après lui, au moins trois personnes sont en congé de maladie, et sept autres auraient démissionné sous la pression de l'employeur. «Par exemple, une réalisatrice qui travaille le jour depuis une dizaine d'années, et qui est mère de deux jeunes enfants, s'est vu imposer un nouvel horaire qui commence à 2 h du matin !», raconte M. de Belleval.
Le président du syndicat compte poursuivre la bataille et souhaite que cette sortie publique éveillera la population aux pratiques illégales des employeurs, qui ne sont pas propres aux multinationales américaines. «Nous allons continuer à nous battre avec l'énergie qui nous reste. Ce n'est pas parce que l'exécutif syndical est mis temporairement K.-O. que le syndicat n'existe plus. Au contraire, nous allons aller jusqu'au bout.»
Basée à Mississauga, Pelmorex Communications est aussi propriétaire de la station The Weather Network en Ontario. L'entreprise d'environ 300 employés, dont une centaine à Montréal, a racheté MétéoMédia du groupe Lavalin en 1993 et s'était associée à TVA pour l'obtention d'une licence de chaîne d'information continue, qui a finalement été accordée à Radio-Canada (RDI).