Publié : mar. avr. 24, 2007 6:51 am
Le plaisir de bitcher
Plus besoin d’engloutir un sac de chips pour assouvir sa rage de croustillant. Il suffit de s’alimenter en histoires salées, de colporter des rumeurs bien graisseuses et de «bitcher» joyeusement son prochain. Analyse d’une tendance pas toujours… politically correct! Par Julie ChampagneParution
Mai 2007
Le «bitchage» comme méga-industrie
Un peu comme les petits pains chauds, le «bitchage» se vend bien. Selon le Publishers Information Bureau, les déboires capillaires de Britney et les anecdotes futiles de Paris (Paris perd son chihuahua, Paris se casse un ongle, Paris regarde un nuage, etc.) ont augmenté significativement les ventes les magazines à potins américains au cours des dernières années.
Envie de punir cet imbécile qui vous a larguée par messagerie texte? On se lance dans le «bitchage» virtuel sur le site www.dontdatehimgirl.com. Plus de 17 000 «écœurants» aux tares insurmontables figurent sur la liste noire. Le site www.darwindating.com exploite aussi le phénomène en proposant des services de rencontre exclusivement pour les méchants pétards. Pour s’inscrire, on soumet notre joli minois au jugement acerbe des internautes qui nous qualifient de fantasme sur deux pattes… ou de vieux débris aussi sexy qu’un sandwich avarié.
En télévision, rien de tel qu’une bonne chicane de plateau pour attirer l’attention des médias et booster les cotes d’écoute. Depuis les débuts de l’empoignade entre Rosie O’Donnell et Donald Trump, l’émission matinale The View atteint de nouveaux scores pour le plus grand plaisir de l’animatrice de ses comparses. Idem pour la téléréalité où les revirements angoissants et la quantité d’alcool ingurgité nous assurent que la moindre peccadille se transformera en une session de crêpage de chignon extrême. Rien de mieux pour river les téléspectateurs à leur écran.
Le «bitchage» comme arme fatale en politique
«Le "bitchage" est le mode de communication par excellence en politique, affirme Brigitte Hénault, psychologue. Les politiciens médisent tellement les uns sur les autres qu’ils en finissent par oublier de vanter leur propre programme. Au final, les électeurs finissent par choisir le meilleur "bitcheur"...»
Mais pourquoi se lancent-ils des insultes comme des ados dans la cour de récréation? «Lorsqu’une campagne comporte plusieurs enjeux au lieu d’un seul thème précis, le débat tend à porter non pas sur les idées, mais sur les personnalités, explique Christian Bourque, vice-président recherche chez Léger Marketing. De plus, il arrive que les chefs soient moins forts que leur parti. Les candidats tentent donc d’attaquer le talon d’Achille de leurs adversaires: leur leadership.»
Conclusion, on se retrouve avec des campagnes où les candidats jurent que leurs vis-à-vis sont aussi fiables et intègres que les membres de la famille Bougon. Conscients que le «bitchage» électoral influence les votes, les chefs osent maintenant transgresser la frontière entre la vie publique et la sphère privée. «Jean Charest ne peut se permettre de citer directement les anciens problèmes de toxicomanie d’André Boisclair, poursuit Christian Bourque. Il se rabat plutôt sur son manque de jugement et son irresponsabilité. C’est un assaut indirect, mais les électeurs comprennent le message...» Aïe!
Le «bitchage» comme stratégie marketing
Exit, les guerres de tranchée. Que ce soit Pepsi contre Coke ou McDonald’s contre Burger King, les grandes institutions sortent l’artillerie lourde et passent aux attaques frontales.
En Europe, le parfum Kookaï a lancé une campagne irrévérencieuse où des femmes sauvent des hommes lilliputiens du drain de douche et les utilisent comme de vulgaires accessoires. «Le ton audacieux rejoint les jeunes adultes», commente Anne-Marie Leclerc, planificatrice stratégique pour l’agence TAXI Montréal.
Au Québec, Vidéotron attaque directement Bell en comparant la performance de sa tronçonneuse toute-puissante à celle du pauvre castor, emblème de son principal compétiteur. «Comme il s’agit d’un clin d’œil et que le message est enrobé d’humour, la campagne passe bien», affirme Christian Bourque. Mais Anne-Marie Leclerc de TAXI n’est pas convaincue de la pertinence de cette pratique. «Le "bitchage" publicitaire fonctionne bien aux États-Unis, mais des études confirment que les Québécois détestent les attaques trop arrogantes. Le "pétage de bretelles", c’est un couteau à double tranchant…»
L’ingrédient secret qui rend le marketing corrosif aussi innocent qu’un caneton flottant dans la baignoire? L’humour. «Au Québec, c’est le petit plus qui fait la différence», assure Christian Bourque.
Le «bitchage» comme punch line
Pub.
Comme des bulldozers, les disciples du "bitchage" humoristique balaient tout sur leur passage. Zéro tabou, zéro culpabilité. Les remarques de bas étage sont non seulement permises, mais fortement encouragées.
À preuve, l’émission Les grandes gueules demeure toujours la plus écoutée au pays, toutes catégories confondues. Le tandem d’humoristes est reconnu pour ses caricatures cinglantes de personnalités publiques. Par exemple, Jacques Demers qui se passionne pour la lecture de livres à colorier; Myriam Bédard qui n’est pas folle, mais jure avoir croisé Elvis Presley dans la rue; Pierre Lapointe qui renie ses honteuses origines saguenéennes avec un lourd accent français.
Et tant pis pour les âmes sensibles! Si les personnalités publiques ne peuvent supporter quelques quolibets, mieux vaut pour elles considérer une réorientation de carrière, un peu comme un boucher qui souffrirait d’une allergie chronique au steak haché. Il suffit simplement de trouver le juste équilibre entre la "bitcherie" bien envoyée et l’insulte offensante.
Plus besoin d’engloutir un sac de chips pour assouvir sa rage de croustillant. Il suffit de s’alimenter en histoires salées, de colporter des rumeurs bien graisseuses et de «bitcher» joyeusement son prochain. Analyse d’une tendance pas toujours… politically correct! Par Julie ChampagneParution
Mai 2007
Le «bitchage» comme méga-industrie
Un peu comme les petits pains chauds, le «bitchage» se vend bien. Selon le Publishers Information Bureau, les déboires capillaires de Britney et les anecdotes futiles de Paris (Paris perd son chihuahua, Paris se casse un ongle, Paris regarde un nuage, etc.) ont augmenté significativement les ventes les magazines à potins américains au cours des dernières années.
Envie de punir cet imbécile qui vous a larguée par messagerie texte? On se lance dans le «bitchage» virtuel sur le site www.dontdatehimgirl.com. Plus de 17 000 «écœurants» aux tares insurmontables figurent sur la liste noire. Le site www.darwindating.com exploite aussi le phénomène en proposant des services de rencontre exclusivement pour les méchants pétards. Pour s’inscrire, on soumet notre joli minois au jugement acerbe des internautes qui nous qualifient de fantasme sur deux pattes… ou de vieux débris aussi sexy qu’un sandwich avarié.
En télévision, rien de tel qu’une bonne chicane de plateau pour attirer l’attention des médias et booster les cotes d’écoute. Depuis les débuts de l’empoignade entre Rosie O’Donnell et Donald Trump, l’émission matinale The View atteint de nouveaux scores pour le plus grand plaisir de l’animatrice de ses comparses. Idem pour la téléréalité où les revirements angoissants et la quantité d’alcool ingurgité nous assurent que la moindre peccadille se transformera en une session de crêpage de chignon extrême. Rien de mieux pour river les téléspectateurs à leur écran.
Le «bitchage» comme arme fatale en politique
«Le "bitchage" est le mode de communication par excellence en politique, affirme Brigitte Hénault, psychologue. Les politiciens médisent tellement les uns sur les autres qu’ils en finissent par oublier de vanter leur propre programme. Au final, les électeurs finissent par choisir le meilleur "bitcheur"...»
Mais pourquoi se lancent-ils des insultes comme des ados dans la cour de récréation? «Lorsqu’une campagne comporte plusieurs enjeux au lieu d’un seul thème précis, le débat tend à porter non pas sur les idées, mais sur les personnalités, explique Christian Bourque, vice-président recherche chez Léger Marketing. De plus, il arrive que les chefs soient moins forts que leur parti. Les candidats tentent donc d’attaquer le talon d’Achille de leurs adversaires: leur leadership.»
Conclusion, on se retrouve avec des campagnes où les candidats jurent que leurs vis-à-vis sont aussi fiables et intègres que les membres de la famille Bougon. Conscients que le «bitchage» électoral influence les votes, les chefs osent maintenant transgresser la frontière entre la vie publique et la sphère privée. «Jean Charest ne peut se permettre de citer directement les anciens problèmes de toxicomanie d’André Boisclair, poursuit Christian Bourque. Il se rabat plutôt sur son manque de jugement et son irresponsabilité. C’est un assaut indirect, mais les électeurs comprennent le message...» Aïe!
Le «bitchage» comme stratégie marketing
Exit, les guerres de tranchée. Que ce soit Pepsi contre Coke ou McDonald’s contre Burger King, les grandes institutions sortent l’artillerie lourde et passent aux attaques frontales.
En Europe, le parfum Kookaï a lancé une campagne irrévérencieuse où des femmes sauvent des hommes lilliputiens du drain de douche et les utilisent comme de vulgaires accessoires. «Le ton audacieux rejoint les jeunes adultes», commente Anne-Marie Leclerc, planificatrice stratégique pour l’agence TAXI Montréal.
Au Québec, Vidéotron attaque directement Bell en comparant la performance de sa tronçonneuse toute-puissante à celle du pauvre castor, emblème de son principal compétiteur. «Comme il s’agit d’un clin d’œil et que le message est enrobé d’humour, la campagne passe bien», affirme Christian Bourque. Mais Anne-Marie Leclerc de TAXI n’est pas convaincue de la pertinence de cette pratique. «Le "bitchage" publicitaire fonctionne bien aux États-Unis, mais des études confirment que les Québécois détestent les attaques trop arrogantes. Le "pétage de bretelles", c’est un couteau à double tranchant…»
L’ingrédient secret qui rend le marketing corrosif aussi innocent qu’un caneton flottant dans la baignoire? L’humour. «Au Québec, c’est le petit plus qui fait la différence», assure Christian Bourque.
Le «bitchage» comme punch line
Pub.
Comme des bulldozers, les disciples du "bitchage" humoristique balaient tout sur leur passage. Zéro tabou, zéro culpabilité. Les remarques de bas étage sont non seulement permises, mais fortement encouragées.
À preuve, l’émission Les grandes gueules demeure toujours la plus écoutée au pays, toutes catégories confondues. Le tandem d’humoristes est reconnu pour ses caricatures cinglantes de personnalités publiques. Par exemple, Jacques Demers qui se passionne pour la lecture de livres à colorier; Myriam Bédard qui n’est pas folle, mais jure avoir croisé Elvis Presley dans la rue; Pierre Lapointe qui renie ses honteuses origines saguenéennes avec un lourd accent français.
Et tant pis pour les âmes sensibles! Si les personnalités publiques ne peuvent supporter quelques quolibets, mieux vaut pour elles considérer une réorientation de carrière, un peu comme un boucher qui souffrirait d’une allergie chronique au steak haché. Il suffit simplement de trouver le juste équilibre entre la "bitcherie" bien envoyée et l’insulte offensante.