Publié : mer. juil. 28, 2004 10:13 pm
GRÈCE La puissance du dispositif sécuritaire qui fait appel aux forces de l'Alliance atlantique irrite de plus en plus la population
La sécurité aux Jeux olympiques réveille l'antiaméricanisme grec
Athènes : Nicolas Jury
[29 juillet 2004]
«Non à l'Otan !» Jeudi dernier, anarchistes, altermondialistes, écologistes ou simples citoyens opposés aux Jeux olympiques défilaient ensemble sous la même banderole. Trente ans jour pour jour après le rétablissement de la démocratie, ce millier de personnes manifestait son mécontentement à Athènes face à la «dérive sécuritaire» des Jeux.
Dans le cadre de l'impressionnant dispositif mis en place pour assurer la sécurité de l'événement, les autorités ont notamment fait appel aux forces de l'Otan. La mesure n'est pas nouvelle. Elle date du 12 mars, au lendemain des attentats de Madrid. Mais elle passe de plus en plus mal auprès des Grecs, et pas seulement dans les milieux de l'extrême gauche. Aujourd'hui encore, cette organisation militaire reste l'un des symboles de l'influence étrangère durant les années noires de la dictature des colonels (1967-1974). La première mesure forte prise par le leader de droite Constantin Caramanlis à son retour aux affaires, en 1974, fut d'ailleurs de retirer la Grèce du traité de l'Atlantique Nord.
Et en 1999, alors que les militaires grecs avaient réintégré le quartier général de Bruxelles, la population de la ville portuaire de Thessalonique s'était violemment opposée au débarquement de troupes de l'organisation en route vers le Kosovo. «Le port est à nous», scandaient alors les manifestants, affichant aussi bien pacifisme que soutien à la Serbie bombardée. «En trente ans, nous sommes devenus une nation indépendante des grandes puissances», insiste Costas Caramanlis, neveu du restaurateur de la démocratie et actuel premier ministre.
Le gouvernement a beau rappeler qu'il continuera d'assurer la direction de toutes les opérations de sécurité durant les Jeux, guère sont ceux qui y croient. Si les navires de la flotte de l'Otan chargés de patrouiller au large du pays seront placés sous la responsabilité de l'amirauté hellénique, des équipages américains seront bien aux commandes des Awacs patrouillant l'espace aérien grec. La population continue de voir l'Otan comme le bras armé des Etats-Unis. Le soutien de la CIA à la junte militaire dans les années 70 continue ici de nourrir un antiaméricanisme profond.
«On dépense des sommes folles pour la sécurité des Jeux, mais les vrais terroristes se sont les Américains : regardez ce qu'ils ont fait en Irak !» s'exclame Petros Constantinos, porte-parole grec des altermondialistes de «Gênes 2001». Premier pays à organiser les Jeux d'été depuis les attentats du 11 septembre 2001, la Grèce a déployé des moyens sans précédent : 70 000 hommes mobilisés et un budget de 1,2 milliard d'euros (quatre fois plus qu'à Sydney). Le dispositif paraît pourtant prendre une ampleur nouvelle. Actuellement, il ne se passe pas un jour sans que les médias grecs ne dévoilent une nouvelle partie du dispositif de sécurité : dirigeable de surveillance helvético-américain équipé de caméras capables de lire un journal à 1 500 pieds d'altitude, scanners géants fournis par le Pentagone et chargés de passer aux rayons X les containers dans le port du Pirée, missiles Patriot de l'armée de l'air grecque pointés vers d'éventuels avions suicides, agents armés du FBI ou de la CIA armés chargés d'assurer la surveillance des athlètes...
Et vendredi, on attend les premiers éléments d'un bataillon tchèque de l'Otan spécialisé dans la guerre bactériologique, qui devait pourtant rester prépositionné hors des frontières. Après avoir assuré pendant des mois que le pays était en mesure d'assurer seul sa sécurité, les autorités paraissent avoir cédé au chantage de Washington. Outre-Atlantique, médias et responsables politiques n'ont pourtant cessé de pointer les failles du système. Un paradoxe, quand on sait que les Américains sont largement impliqués dans la sécurité des Jeux. Au même titre que la France, la Grande-Bretagne et Israël, les Etats-Unis font partie du groupe de sept pays chargés de conseiller, former et renseigner les forces grecques. En outre, le consortium international Saic, dirigé par les Américains, a été chargé de mettre en place le système central de communication des unités de sécurité.
Mais depuis la résurgence du terrorisme d'extrême gauche grec, la tension n'a cessé de monter. Certains athlètes américains préconisant carrément de boycotter les Jeux. Récemment encore, le porte-parole du Pentagone, Lawrence DiRita, rappelait que les Etats-Unis étaient «toujours prêts à intervenir dans le monde entier pour défendre leurs intérêts nationaux et les citoyens américains». L'éventualité d'un déploiement d'environ 200 membres de la CIA, du FBI et du Pentagone pendant les Jeux passe en tout cas très mal au sein de la population.
La sécurité aux Jeux olympiques réveille l'antiaméricanisme grec
Athènes : Nicolas Jury
[29 juillet 2004]
«Non à l'Otan !» Jeudi dernier, anarchistes, altermondialistes, écologistes ou simples citoyens opposés aux Jeux olympiques défilaient ensemble sous la même banderole. Trente ans jour pour jour après le rétablissement de la démocratie, ce millier de personnes manifestait son mécontentement à Athènes face à la «dérive sécuritaire» des Jeux.
Dans le cadre de l'impressionnant dispositif mis en place pour assurer la sécurité de l'événement, les autorités ont notamment fait appel aux forces de l'Otan. La mesure n'est pas nouvelle. Elle date du 12 mars, au lendemain des attentats de Madrid. Mais elle passe de plus en plus mal auprès des Grecs, et pas seulement dans les milieux de l'extrême gauche. Aujourd'hui encore, cette organisation militaire reste l'un des symboles de l'influence étrangère durant les années noires de la dictature des colonels (1967-1974). La première mesure forte prise par le leader de droite Constantin Caramanlis à son retour aux affaires, en 1974, fut d'ailleurs de retirer la Grèce du traité de l'Atlantique Nord.
Et en 1999, alors que les militaires grecs avaient réintégré le quartier général de Bruxelles, la population de la ville portuaire de Thessalonique s'était violemment opposée au débarquement de troupes de l'organisation en route vers le Kosovo. «Le port est à nous», scandaient alors les manifestants, affichant aussi bien pacifisme que soutien à la Serbie bombardée. «En trente ans, nous sommes devenus une nation indépendante des grandes puissances», insiste Costas Caramanlis, neveu du restaurateur de la démocratie et actuel premier ministre.
Le gouvernement a beau rappeler qu'il continuera d'assurer la direction de toutes les opérations de sécurité durant les Jeux, guère sont ceux qui y croient. Si les navires de la flotte de l'Otan chargés de patrouiller au large du pays seront placés sous la responsabilité de l'amirauté hellénique, des équipages américains seront bien aux commandes des Awacs patrouillant l'espace aérien grec. La population continue de voir l'Otan comme le bras armé des Etats-Unis. Le soutien de la CIA à la junte militaire dans les années 70 continue ici de nourrir un antiaméricanisme profond.
«On dépense des sommes folles pour la sécurité des Jeux, mais les vrais terroristes se sont les Américains : regardez ce qu'ils ont fait en Irak !» s'exclame Petros Constantinos, porte-parole grec des altermondialistes de «Gênes 2001». Premier pays à organiser les Jeux d'été depuis les attentats du 11 septembre 2001, la Grèce a déployé des moyens sans précédent : 70 000 hommes mobilisés et un budget de 1,2 milliard d'euros (quatre fois plus qu'à Sydney). Le dispositif paraît pourtant prendre une ampleur nouvelle. Actuellement, il ne se passe pas un jour sans que les médias grecs ne dévoilent une nouvelle partie du dispositif de sécurité : dirigeable de surveillance helvético-américain équipé de caméras capables de lire un journal à 1 500 pieds d'altitude, scanners géants fournis par le Pentagone et chargés de passer aux rayons X les containers dans le port du Pirée, missiles Patriot de l'armée de l'air grecque pointés vers d'éventuels avions suicides, agents armés du FBI ou de la CIA armés chargés d'assurer la surveillance des athlètes...
Et vendredi, on attend les premiers éléments d'un bataillon tchèque de l'Otan spécialisé dans la guerre bactériologique, qui devait pourtant rester prépositionné hors des frontières. Après avoir assuré pendant des mois que le pays était en mesure d'assurer seul sa sécurité, les autorités paraissent avoir cédé au chantage de Washington. Outre-Atlantique, médias et responsables politiques n'ont pourtant cessé de pointer les failles du système. Un paradoxe, quand on sait que les Américains sont largement impliqués dans la sécurité des Jeux. Au même titre que la France, la Grande-Bretagne et Israël, les Etats-Unis font partie du groupe de sept pays chargés de conseiller, former et renseigner les forces grecques. En outre, le consortium international Saic, dirigé par les Américains, a été chargé de mettre en place le système central de communication des unités de sécurité.
Mais depuis la résurgence du terrorisme d'extrême gauche grec, la tension n'a cessé de monter. Certains athlètes américains préconisant carrément de boycotter les Jeux. Récemment encore, le porte-parole du Pentagone, Lawrence DiRita, rappelait que les Etats-Unis étaient «toujours prêts à intervenir dans le monde entier pour défendre leurs intérêts nationaux et les citoyens américains». L'éventualité d'un déploiement d'environ 200 membres de la CIA, du FBI et du Pentagone pendant les Jeux passe en tout cas très mal au sein de la population.