Le Québec face au mur
Publié : lun. nov. 16, 2009 2:10 pm
Le lundi 16 novembre 2009 13:08
Pierre Duhamel
Un journaliste économique depuis 30 ans et un des grands experts en économie au Québec.
Le Québec face au mur
15/11/09 18:36, Pierre Duhamel / Général, 878 mots
Raymond Bachand doit faire de la lutte à l’endettement sa priorité. La récession est terminée et il doit tout de suite s’attaquer au plus grand problème du Québec, sa dette monstrueuse.
Depuis 2007, le gouvernement Charest a engagé des dizaines de milliards de dollars pour atténuer les effets de la récession et relancer l’économie. Juste en 2009 et 2010, il injectera 15,5 milliards de dollars. Cela explique en partie pourquoi l’économie de la province a mieux résisté que celle de ses voisins (recul de 2,2% du PIB contre 3,3 % au Canada) et que les pertes d’emplois ont été moins nombreuses ici qu’ailleurs.
Seulement voilà, cet argent nous l’avons emprunté. La dette brute du Québec passera de 151 milliards de dollars en 2009 à 172 milliards en 2011. Si on tient compte de la dette fédérale, il n’y a que les Japonais et les Italiens qui sont plus endettés que les Québécois dans les pays développés.
Comme si cela n’était pas suffisant, le gouvernement prévoit des déficits cumulés de 13,2 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années et son scénario pour rétablir l’équilibre budgétaire en 2013-2014 est cousu de fils blancs.
Voilà pourquoi le gouvernement Charest doit agir plus rapidement et de façon plus décisive pour arrêter ce cycle infernal. Sinon, nous nous dirigeons dans un mur, et à toute vitesse. Les décisions que nous pourrions alors être forcés de prendre seraient encore plus douloureuses.
Éviter le mur
Pour éviter le mur, il faut d’abord trouver les freins. Dans son plan de retour à l’équilibre budgétaire, le gouvernement prévoit limiter ses dépenses de programmes à 3,2 % au cours des prochaines années. Par dépenses de programmes, on entend tout ce que le gouvernement dépense chaque année pour servir, soigner ou éduquer les Québécois.
Limiter ces dépenses à 3,2 % n’est pas une sinécure. En 2008-2009, la croissance avait été de 6,8 % et depuis 2003-2004, la hausse moyenne a été de 4,6 %. Il faut donc diminuer le rythme de croissance de 30 %.
Le gouvernement a deux choix pour y arriver : soit qu’il coupe dans des services offerts à la population, soit qu’il limite au maximum la croissance de sa masse salariale. En effet, la rémunération de ses 500 000 employés représente 55 % des dépenses de programme.
Si le gouvernement optait pour un gel de la masse salariale pendant une ou deux années du prochain contrat de travail, cela ne signifierait pas nécessairement que le salaire de tous ses employés serait gelé. Par exemple, on pourrait à la fois augmenter la rémunération des infirmières et diminuer le personnel dans d’autres services moins essentiels.
Les employés de l’État méritent-ils mieux ? Sans doute, mais cela n’a rien à voir. Leurs clients, les contribuables québécois, n’ont tout simplement pas les moyens de donner davantage. Si on augmente leurs revenus, ce sont des programmes qu’il faudra couper ou d’autres taxes qu’il faudra lever.
Car même en limitant les dépenses à un niveau inconnu depuis des lustres, il faudra trouver des revenus supplémentaires pour effacer le déficit de 4,7 milliards de dollars. Vous allez bien saisir l’ampleur du gouffre en constatant les efforts qu’il faudra faire pour le faire disparaître.
Le ministre des Finances a déjà évoqué à l’émission Larocque-Lapierre le scénario d’une augmentation de deux points de pourcentage de la TVQ. En faisant passer cette taxe de 7,5 % à 9,5 %, le gouvernement pourrait collecter 2,5 milliards de dollars sur une base annuelle. Cela tient compte du remboursement accordé à certains faibles salariés. Grosso modo, une augmentation de 2 % de la TVQ représente un fardeau supplémentaire de 600 dollars par ménage.
Il manque encore 2,2 milliards de dollars. Cette somme pourrait être obtenue en haussant le coût de l’électricité de 1,6 cent le kilowatt heure. Cela ferait passer le coût de ce qu’on appelle le bloc patrimonial, l’électricité bon marché offert aux Québécois, de 2,79 cents le kwh à 4,36 cents. Là aussi, nous tenons compte des remboursements accordés à ceux qui n’ont pas les moyens de payer davantage. Le ménage moyen devrait payer 300 dollars de plus sur une base annuelle pour son électricité et les plus fortunés environ 400 dollars.
Ces deux mesures représentent environ une facture de 900 dollars par ménages. L’autre solution, c’est de couper avec une scie tronçonneuse dans les dépenses de l’État.
En agissant promptement, le Québec pourra se vanter d’un double exploit, soit d’avoir été le premier à agir contre la récession et le premier à retrouver l’équilibre budgétaire.
S’il tarde trop, il se retrouvera avec des déficits à répétition et une dette encore plus lourde. Sans compter que l’équilibre budgétaire sera encore plus difficile à obtenir dans quelques années, alors que les intérêts à payer sur notre dette devraient passer de 6,1 milliards de dollars cette année à 9,4 milliards en 2013-2014.
Nous ne sommes donc pas au bout de nos peines, raison de plus d’agir immédiatement.
Pierre Duhamel
Un journaliste économique depuis 30 ans et un des grands experts en économie au Québec.
Le Québec face au mur
15/11/09 18:36, Pierre Duhamel / Général, 878 mots
Raymond Bachand doit faire de la lutte à l’endettement sa priorité. La récession est terminée et il doit tout de suite s’attaquer au plus grand problème du Québec, sa dette monstrueuse.
Depuis 2007, le gouvernement Charest a engagé des dizaines de milliards de dollars pour atténuer les effets de la récession et relancer l’économie. Juste en 2009 et 2010, il injectera 15,5 milliards de dollars. Cela explique en partie pourquoi l’économie de la province a mieux résisté que celle de ses voisins (recul de 2,2% du PIB contre 3,3 % au Canada) et que les pertes d’emplois ont été moins nombreuses ici qu’ailleurs.
Seulement voilà, cet argent nous l’avons emprunté. La dette brute du Québec passera de 151 milliards de dollars en 2009 à 172 milliards en 2011. Si on tient compte de la dette fédérale, il n’y a que les Japonais et les Italiens qui sont plus endettés que les Québécois dans les pays développés.
Comme si cela n’était pas suffisant, le gouvernement prévoit des déficits cumulés de 13,2 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années et son scénario pour rétablir l’équilibre budgétaire en 2013-2014 est cousu de fils blancs.
Voilà pourquoi le gouvernement Charest doit agir plus rapidement et de façon plus décisive pour arrêter ce cycle infernal. Sinon, nous nous dirigeons dans un mur, et à toute vitesse. Les décisions que nous pourrions alors être forcés de prendre seraient encore plus douloureuses.
Éviter le mur
Pour éviter le mur, il faut d’abord trouver les freins. Dans son plan de retour à l’équilibre budgétaire, le gouvernement prévoit limiter ses dépenses de programmes à 3,2 % au cours des prochaines années. Par dépenses de programmes, on entend tout ce que le gouvernement dépense chaque année pour servir, soigner ou éduquer les Québécois.
Limiter ces dépenses à 3,2 % n’est pas une sinécure. En 2008-2009, la croissance avait été de 6,8 % et depuis 2003-2004, la hausse moyenne a été de 4,6 %. Il faut donc diminuer le rythme de croissance de 30 %.
Le gouvernement a deux choix pour y arriver : soit qu’il coupe dans des services offerts à la population, soit qu’il limite au maximum la croissance de sa masse salariale. En effet, la rémunération de ses 500 000 employés représente 55 % des dépenses de programme.
Si le gouvernement optait pour un gel de la masse salariale pendant une ou deux années du prochain contrat de travail, cela ne signifierait pas nécessairement que le salaire de tous ses employés serait gelé. Par exemple, on pourrait à la fois augmenter la rémunération des infirmières et diminuer le personnel dans d’autres services moins essentiels.
Les employés de l’État méritent-ils mieux ? Sans doute, mais cela n’a rien à voir. Leurs clients, les contribuables québécois, n’ont tout simplement pas les moyens de donner davantage. Si on augmente leurs revenus, ce sont des programmes qu’il faudra couper ou d’autres taxes qu’il faudra lever.
Car même en limitant les dépenses à un niveau inconnu depuis des lustres, il faudra trouver des revenus supplémentaires pour effacer le déficit de 4,7 milliards de dollars. Vous allez bien saisir l’ampleur du gouffre en constatant les efforts qu’il faudra faire pour le faire disparaître.
Le ministre des Finances a déjà évoqué à l’émission Larocque-Lapierre le scénario d’une augmentation de deux points de pourcentage de la TVQ. En faisant passer cette taxe de 7,5 % à 9,5 %, le gouvernement pourrait collecter 2,5 milliards de dollars sur une base annuelle. Cela tient compte du remboursement accordé à certains faibles salariés. Grosso modo, une augmentation de 2 % de la TVQ représente un fardeau supplémentaire de 600 dollars par ménage.
Il manque encore 2,2 milliards de dollars. Cette somme pourrait être obtenue en haussant le coût de l’électricité de 1,6 cent le kilowatt heure. Cela ferait passer le coût de ce qu’on appelle le bloc patrimonial, l’électricité bon marché offert aux Québécois, de 2,79 cents le kwh à 4,36 cents. Là aussi, nous tenons compte des remboursements accordés à ceux qui n’ont pas les moyens de payer davantage. Le ménage moyen devrait payer 300 dollars de plus sur une base annuelle pour son électricité et les plus fortunés environ 400 dollars.
Ces deux mesures représentent environ une facture de 900 dollars par ménages. L’autre solution, c’est de couper avec une scie tronçonneuse dans les dépenses de l’État.
En agissant promptement, le Québec pourra se vanter d’un double exploit, soit d’avoir été le premier à agir contre la récession et le premier à retrouver l’équilibre budgétaire.
S’il tarde trop, il se retrouvera avec des déficits à répétition et une dette encore plus lourde. Sans compter que l’équilibre budgétaire sera encore plus difficile à obtenir dans quelques années, alors que les intérêts à payer sur notre dette devraient passer de 6,1 milliards de dollars cette année à 9,4 milliards en 2013-2014.
Nous ne sommes donc pas au bout de nos peines, raison de plus d’agir immédiatement.