«Il faut cesser d'éduquer les gars comme des filles»
Publié : dim. juin 27, 2010 9:12 am
Témoignage
«Il faut cesser d'éduquer les gars comme des filles»
Sébastien Ménard
27/06/2010 08h02

«Il faut cesser d'éduquer les gars comme des filles», lance Yvan Valence, directeur de l'école Sainte-Marguerite, à Magog.
© Le Journal de Montréal
MAGOG | À quelques jours de la retraite, un directeur d'école qui a dirigé 13 établissements au cours de sa carrière demeure convaincu que le réseau public est «extraordinaire». Mais il croit que le monde de l'éducation devra en faire plus pour réduire le décrochage scolaire et améliorer la réussite des garçons.
«Il faut cesser d'éduquer les gars comme des filles, lance Yvan Valence, directeur de l'école Sainte-Marguerite, à Magog. C'est assez mal vu, à l'école primaire, que deux petits garçons se chamaillent dans la cour d'école», constate-t-il.
«Mais qu'est-ce que deux petits garçons aiment faire dans la vie? Ils aiment se chamailler, dit-il. Ils ne sont pas en guerre, ils aiment seulement le contact physique. Or, on prohibe ce genre de comportement là dans la cour d'école», déplore M. Valence.
Des entreprises à l'école
Après avoir œuvré pendant 35 ans dans le monde de l'éducation, le directeur tirera sa révérence le 30 juin. Cet orthopédagogue de formation, père de trois enfants, a rencontré le Journal afin de faire le point sur cette carrière qu'il a tant aimée.
Selon Yvan Valence, il est temps de se questionner sur la façon dont «les apprentissages sont présentés» aux gars, dans les écoles. «Ça les intéresse rarement», dit-il.
Une des solutions consiste à instaurer une culture «entrepreneuriale» à l'intérieur des établissements, croit M. Valence.
L'école qu'il dirige en est un bon exemple. Les 320 élèves y opèrent une dizaine de petites entreprises, allant de la fabrication de cordes à danser et de calendriers, en passant par une micropulperie et un service de cartes de souhaits.
Le directeur est «très fier» de partir à la retraite sur ce «succès retentissant», qui a complètement changé le visage de son établissement. Aujourd'hui, des parents se bousculent pour faire inscrire leurs enfants à l'école Sainte-Marguerite, jadis considérée comme un établissement peu recommandable, raconte Yvan Valence.
Décrochage alarmant
«Nos écoles doivent renouveler leur approche pour intéresser les garçons, insiste le directeur. Quand ils sont actifs, les gars sont intéressés. C'est pour ça que les entreprises, comme celles de notre école, les captivent. Si on ne place pas les garçons dans des situations plus concrètes, avec un bon accompagnement des enseignants, on n'aura pas plus de succès qu'avant.»
Yvan Valence demeure convaincu que «l'école publique est extraordinaire».
«Nous avons un personnel qui répond aux besoins de tous les enfants, qui ne choisit pas ses élèves et qui supplée vraiment les parents», plaide-t-il.
Mais, comme beaucoup de directeurs, M. Valence trouve que les écoles québécoises ne sont pas assez autonomes.
«Ce qu'il nous manque, pour que l'école publique soit à la hauteur de tout ce qu'on lui demande, c'est davantage de pouvoirs et davantage de moyens», martèle-t-il.
Le directeur juge que le niveau de décrochage est «beaucoup trop» élevé au Québec. «Il va falloir un mouvement social très important pour que ça change», dit-il.
Yvan Valence croit que les parents ont un rôle à jouer pour renverser la vapeur.
«Il y en a qui ont de la difficulté à prendre des décisions de parents pour leurs enfants et ça se reflète dans la décision du jeune de quitter l'école», souligne-t-il.
«Il faut aussi donner aux jeunes, en particulier aux garçons, de la matière intéressante à l'école pour qu'ils se réalisent. Sans une concertation majeure, on n'y arrivera pas», prévient-il.
Q: Est-il vrai que les élèves d'aujourd'hui sont des enfants-rois?
R: C'est exact que les enfants, de nos jours, ignorent le sens de certains mots. Il y a une partie du mot «non» qu'ils ne comprennent pas. Quand on dit «non», pour eux, ça ne veut pas nécessairement dire «non».
Q: Et les parents? Ont-ils changé, depuis 35 ans?
R: Il y en a qui assument moins leur rôle. Je pense qu'ils sont assez débordés. Ils arrivent du travail le soir et ils n'ont pas beaucoup d'énergie. Au début de ma carrière, la cellule familiale était plus stable. Quand l'enseignant disait quelque chose à l'école, l'enfant écoutait ce que le professeur disait. Et, si l'enfant n'écoutait pas et que l'enseignant faisait une remarque à ses parents, l'enfant était blâmé à la maison.
Q: Faut-il éliminer les écoles privées?
R: L'école privée a sa raison d'être. Si on craint l'école privée, je dirais que l'école publique a juste à se rendre plus intéressante.
Récemment, une personne qui est à la direction d'une école privée a fait une demande pour envoyer son enfant à mon école l'an prochain. Cette personne-là a fait le choix du public pour son propre enfant. Ça témoigne de quelque chose.
Q: Que pensez-vous du débat sur l'existence des commissions scolaires?
R: Elles peuvent jouer un rôle très utile, mais probablement différent de celui qu'elles jouent à l'heure actuelle. Si les décisions se prenaient vraiment à l'école et qu'on avait une commission scolaire qui était en soutien et qui offrait de l'expertise à certains moments, la cohabitation serait fort intéressante et les résultats des élèves sensiblement meilleurs, à mon avis.
http://fr.canoe.ca/infos/societe/archiv ... 80200.html" onclick="window.open(this.href);return false;
«Il faut cesser d'éduquer les gars comme des filles»
Sébastien Ménard
27/06/2010 08h02

«Il faut cesser d'éduquer les gars comme des filles», lance Yvan Valence, directeur de l'école Sainte-Marguerite, à Magog.
© Le Journal de Montréal
MAGOG | À quelques jours de la retraite, un directeur d'école qui a dirigé 13 établissements au cours de sa carrière demeure convaincu que le réseau public est «extraordinaire». Mais il croit que le monde de l'éducation devra en faire plus pour réduire le décrochage scolaire et améliorer la réussite des garçons.
«Il faut cesser d'éduquer les gars comme des filles, lance Yvan Valence, directeur de l'école Sainte-Marguerite, à Magog. C'est assez mal vu, à l'école primaire, que deux petits garçons se chamaillent dans la cour d'école», constate-t-il.
«Mais qu'est-ce que deux petits garçons aiment faire dans la vie? Ils aiment se chamailler, dit-il. Ils ne sont pas en guerre, ils aiment seulement le contact physique. Or, on prohibe ce genre de comportement là dans la cour d'école», déplore M. Valence.
Des entreprises à l'école
Après avoir œuvré pendant 35 ans dans le monde de l'éducation, le directeur tirera sa révérence le 30 juin. Cet orthopédagogue de formation, père de trois enfants, a rencontré le Journal afin de faire le point sur cette carrière qu'il a tant aimée.
Selon Yvan Valence, il est temps de se questionner sur la façon dont «les apprentissages sont présentés» aux gars, dans les écoles. «Ça les intéresse rarement», dit-il.
Une des solutions consiste à instaurer une culture «entrepreneuriale» à l'intérieur des établissements, croit M. Valence.
L'école qu'il dirige en est un bon exemple. Les 320 élèves y opèrent une dizaine de petites entreprises, allant de la fabrication de cordes à danser et de calendriers, en passant par une micropulperie et un service de cartes de souhaits.
Le directeur est «très fier» de partir à la retraite sur ce «succès retentissant», qui a complètement changé le visage de son établissement. Aujourd'hui, des parents se bousculent pour faire inscrire leurs enfants à l'école Sainte-Marguerite, jadis considérée comme un établissement peu recommandable, raconte Yvan Valence.
Décrochage alarmant
«Nos écoles doivent renouveler leur approche pour intéresser les garçons, insiste le directeur. Quand ils sont actifs, les gars sont intéressés. C'est pour ça que les entreprises, comme celles de notre école, les captivent. Si on ne place pas les garçons dans des situations plus concrètes, avec un bon accompagnement des enseignants, on n'aura pas plus de succès qu'avant.»
Yvan Valence demeure convaincu que «l'école publique est extraordinaire».
«Nous avons un personnel qui répond aux besoins de tous les enfants, qui ne choisit pas ses élèves et qui supplée vraiment les parents», plaide-t-il.
Mais, comme beaucoup de directeurs, M. Valence trouve que les écoles québécoises ne sont pas assez autonomes.
«Ce qu'il nous manque, pour que l'école publique soit à la hauteur de tout ce qu'on lui demande, c'est davantage de pouvoirs et davantage de moyens», martèle-t-il.
Le directeur juge que le niveau de décrochage est «beaucoup trop» élevé au Québec. «Il va falloir un mouvement social très important pour que ça change», dit-il.
Yvan Valence croit que les parents ont un rôle à jouer pour renverser la vapeur.
«Il y en a qui ont de la difficulté à prendre des décisions de parents pour leurs enfants et ça se reflète dans la décision du jeune de quitter l'école», souligne-t-il.
«Il faut aussi donner aux jeunes, en particulier aux garçons, de la matière intéressante à l'école pour qu'ils se réalisent. Sans une concertation majeure, on n'y arrivera pas», prévient-il.
Q: Est-il vrai que les élèves d'aujourd'hui sont des enfants-rois?
R: C'est exact que les enfants, de nos jours, ignorent le sens de certains mots. Il y a une partie du mot «non» qu'ils ne comprennent pas. Quand on dit «non», pour eux, ça ne veut pas nécessairement dire «non».
Q: Et les parents? Ont-ils changé, depuis 35 ans?
R: Il y en a qui assument moins leur rôle. Je pense qu'ils sont assez débordés. Ils arrivent du travail le soir et ils n'ont pas beaucoup d'énergie. Au début de ma carrière, la cellule familiale était plus stable. Quand l'enseignant disait quelque chose à l'école, l'enfant écoutait ce que le professeur disait. Et, si l'enfant n'écoutait pas et que l'enseignant faisait une remarque à ses parents, l'enfant était blâmé à la maison.
Q: Faut-il éliminer les écoles privées?
R: L'école privée a sa raison d'être. Si on craint l'école privée, je dirais que l'école publique a juste à se rendre plus intéressante.
Récemment, une personne qui est à la direction d'une école privée a fait une demande pour envoyer son enfant à mon école l'an prochain. Cette personne-là a fait le choix du public pour son propre enfant. Ça témoigne de quelque chose.
Q: Que pensez-vous du débat sur l'existence des commissions scolaires?
R: Elles peuvent jouer un rôle très utile, mais probablement différent de celui qu'elles jouent à l'heure actuelle. Si les décisions se prenaient vraiment à l'école et qu'on avait une commission scolaire qui était en soutien et qui offrait de l'expertise à certains moments, la cohabitation serait fort intéressante et les résultats des élèves sensiblement meilleurs, à mon avis.
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