Diffamation : 234 000$ pour avoir trop parlé.
Publié : lun. août 16, 2010 8:53 am
Diffamation
234 000$ pour avoir trop parlé
Marc Pigeon
Journal de Montréal
16/08/2010 04h07
Un couple qui poursuivait l'enseignante de leur fils devant le tribunal devra payer cher d'avoir été trop bavard devant les médias, malgré une entente de confidentialité pourtant intervenue quelques minutes plus tôt. Un tribunal vient de les condamner à payer 234 000 $ à l'enseignante.
La juge Danielle Richer n'a pas été tendre en-vers les parents qu'elle accuse de s'être livrés à une «attaque malicieuse», une «atteinte grave à la réputation» de l'enseignante, de s'être fait justice eux-mêmes avec arrogance et mauvaise foi.
La saga a débuté en 2005, à l'école primaire Roslyn de Westmount, alors que l'enseignante, Mary Kanavaros, donnait des cours en immersion française à leur fils de neuf ans.
Le différend est survenu alors que l'enseignante a fait recommencer un devoir à l'enfant puisqu'il avait été fait par sa mère.
Les parents, Hagop Artinian et Kathryn Rosenstein, ne l'ont pas pris et en ont fait tout un plat : ils ont entrepris une poursuite de 155 000 $ contre l'enseignante, son directeur et la commission scolaire English Montréal, pour avoir humilié l'enfant.
Il voulait «la détruire»
Le père en a même rajouté l'année suivante, en allant intimider l'enseignante dans sa propre classe, lors d'une réunion de parents, l'assurant qu'il allait «la détruire», indique le jugement.
La poursuite a cheminé, occasionnant son lot de stress à l'enseignante. Celle-ci avait bien l'intention de faire sa preuve et de démontrer que les allégations du couple étaient fausses.
Mais au procès, les parents ont offert un arrangement à l'amiable, pour éviter de poursuivre la procédure. À contrecoeur, l'enseignante a accepté l'entente. Selon celle-ci, une somme de 5 000 $ devait être versée aux parents. L'entente prévoyait aussi l'absence de faute de la part des trois défendeurs, dont l'enseignante, et la confidentialité de l'entente.
Y penser deux fois avant d'agir
Dans les minutes suivantes, les parents se sont permis des commentaires lapidaires contre l'enseignante devant deux journalistes présents au palais de justice, comme s'ils avaient gagné leur cause. Or, ils s'en étaient plutôt désistés.
Ils indiquaient notamment que l'enseignante était maintenant bien «étiquetée» et qu'elle «devra y penser deux fois avant d'agir à nouveau de façon non professionnelle».
L'enseignante l'a pris très difficilement. Elle y a vu sa réputation détruite. En arrêt de travail pour cause de dépression, elle ne voit plus d'amis, néglige son hygiène et ses vêtements, ne sort plus à la banque, à l'épicerie ou au garage, n'a plus d'énergie, ne retourne plus ses appels, souffre de tachycardie quand vient le temps de circuler sur la rue de l'école.
Elle entreprend alors à son tour un recours en justice contre le couple pour 576 567 $. Le procès s'instruit devant la juge Danielle Richer, au printemps dernier. Celle-ci est lapidaire à l'endroit des parents, dans un jugement qu'elle a rendu ces derniers jours (voir encadré ci-contre).
Elle condamne les parents à payer 234 011 $ à Mme Kanavaros, incluant notamment 25 000 $ en dommages punitifs et 50 000 $ pour atteinte à la réputation et à la dignité.
Ce que la juge a dit...
* «Ils se font justice eux-mêmes, en évitant soigneusement de confronter leurs allégations à celles de la partie adverse qui avait une défense à faire valoir devant le tribunal. C'est là un comportement choquant et outrageant.»
* «Le Tribunal est d'avis que, lorsque les parents disent »we made our point«, etc., ils affirment devant les médias avoir prouvé leurs affirmations ; or, rien n'est plus faux.»
* «Nous sommes ici en présence d'une faute délictuelle, malicieuse et de mauvaise foi. On ne peut être à ce point inconscient : proposer un désistement, accepter les conditions de la partie adverse (absence de responsabilité des défendeurs et confidentialité des termes de l'entente) et trahir cet engagement dans les minutes qui suivent, en présence des médias.»
* «Les parents ont-ils créé un drame de toutes pièces et tenté d'en imputer la responsabilité à la professeure ? Le témoignage de la mère, à lui seul, nous permet à tout le moins de nous poser la question sérieusement.»
* «La demanderesse a démontré une force exceptionnelle malgré l'arrogance incroyable des défendeurs à son endroit».
Source : décision de la juge Danielle Richer.
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234 000$ pour avoir trop parlé
Marc Pigeon
Journal de Montréal
16/08/2010 04h07
Un couple qui poursuivait l'enseignante de leur fils devant le tribunal devra payer cher d'avoir été trop bavard devant les médias, malgré une entente de confidentialité pourtant intervenue quelques minutes plus tôt. Un tribunal vient de les condamner à payer 234 000 $ à l'enseignante.
La juge Danielle Richer n'a pas été tendre en-vers les parents qu'elle accuse de s'être livrés à une «attaque malicieuse», une «atteinte grave à la réputation» de l'enseignante, de s'être fait justice eux-mêmes avec arrogance et mauvaise foi.
La saga a débuté en 2005, à l'école primaire Roslyn de Westmount, alors que l'enseignante, Mary Kanavaros, donnait des cours en immersion française à leur fils de neuf ans.
Le différend est survenu alors que l'enseignante a fait recommencer un devoir à l'enfant puisqu'il avait été fait par sa mère.
Les parents, Hagop Artinian et Kathryn Rosenstein, ne l'ont pas pris et en ont fait tout un plat : ils ont entrepris une poursuite de 155 000 $ contre l'enseignante, son directeur et la commission scolaire English Montréal, pour avoir humilié l'enfant.
Il voulait «la détruire»
Le père en a même rajouté l'année suivante, en allant intimider l'enseignante dans sa propre classe, lors d'une réunion de parents, l'assurant qu'il allait «la détruire», indique le jugement.
La poursuite a cheminé, occasionnant son lot de stress à l'enseignante. Celle-ci avait bien l'intention de faire sa preuve et de démontrer que les allégations du couple étaient fausses.
Mais au procès, les parents ont offert un arrangement à l'amiable, pour éviter de poursuivre la procédure. À contrecoeur, l'enseignante a accepté l'entente. Selon celle-ci, une somme de 5 000 $ devait être versée aux parents. L'entente prévoyait aussi l'absence de faute de la part des trois défendeurs, dont l'enseignante, et la confidentialité de l'entente.
Y penser deux fois avant d'agir
Dans les minutes suivantes, les parents se sont permis des commentaires lapidaires contre l'enseignante devant deux journalistes présents au palais de justice, comme s'ils avaient gagné leur cause. Or, ils s'en étaient plutôt désistés.
Ils indiquaient notamment que l'enseignante était maintenant bien «étiquetée» et qu'elle «devra y penser deux fois avant d'agir à nouveau de façon non professionnelle».
L'enseignante l'a pris très difficilement. Elle y a vu sa réputation détruite. En arrêt de travail pour cause de dépression, elle ne voit plus d'amis, néglige son hygiène et ses vêtements, ne sort plus à la banque, à l'épicerie ou au garage, n'a plus d'énergie, ne retourne plus ses appels, souffre de tachycardie quand vient le temps de circuler sur la rue de l'école.
Elle entreprend alors à son tour un recours en justice contre le couple pour 576 567 $. Le procès s'instruit devant la juge Danielle Richer, au printemps dernier. Celle-ci est lapidaire à l'endroit des parents, dans un jugement qu'elle a rendu ces derniers jours (voir encadré ci-contre).
Elle condamne les parents à payer 234 011 $ à Mme Kanavaros, incluant notamment 25 000 $ en dommages punitifs et 50 000 $ pour atteinte à la réputation et à la dignité.
Ce que la juge a dit...
* «Ils se font justice eux-mêmes, en évitant soigneusement de confronter leurs allégations à celles de la partie adverse qui avait une défense à faire valoir devant le tribunal. C'est là un comportement choquant et outrageant.»
* «Le Tribunal est d'avis que, lorsque les parents disent »we made our point«, etc., ils affirment devant les médias avoir prouvé leurs affirmations ; or, rien n'est plus faux.»
* «Nous sommes ici en présence d'une faute délictuelle, malicieuse et de mauvaise foi. On ne peut être à ce point inconscient : proposer un désistement, accepter les conditions de la partie adverse (absence de responsabilité des défendeurs et confidentialité des termes de l'entente) et trahir cet engagement dans les minutes qui suivent, en présence des médias.»
* «Les parents ont-ils créé un drame de toutes pièces et tenté d'en imputer la responsabilité à la professeure ? Le témoignage de la mère, à lui seul, nous permet à tout le moins de nous poser la question sérieusement.»
* «La demanderesse a démontré une force exceptionnelle malgré l'arrogance incroyable des défendeurs à son endroit».
Source : décision de la juge Danielle Richer.
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