La « clique du Plateau » existe… pour vrai!
Publié : sam. nov. 06, 2010 8:05 am
La « clique du Plateau » existe… pour vrai!
Jeudi 4 novembre 2010
Par Jean-François Parent
Les journalistes membres de la FPJQ ne sont pas en reste en ce qui a trait à la concentration médiatique :
le tiers d’entre eux résident sur le plateau Mont-Royal, ou tout près.
(Publié dans l’édition de novembre du Trente. Aussi dans ce numéro: une entrevue avec l’auteur du blogue la Clique du plateau.)
Y a-t-il une « clique du Plateau » qui domine et montréalise les médias du Québec? Le débat fait rage auprès des journalistes et de certains animateurs radio de la capitale, qui n’en peuvent plus de se faire imposer les priorités médiatiques de la métropole. Ils ont peut-être raison, en fin de compte.
Pour s’en convaincre, il suffit d’un simple regard sur la carte du Québec (interactive, que l’ont peut consulter en cliquant ici) montrant le lieu de résidence des 1570 membres « réguliers » (d’après des données compilées en juin dernier, NDLR) de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), soit ceux dont le journalisme est la principale activité professionnelle, à l’exclusion des étudiants, des professeurs, des retraités et des journalistes à temps partiel. Mis à part quelques collègues saupoudrés de manière éparse ici et là, le journaliste québécois moyen est résolument montréalais. S’il est membre de la FPJQ, s’entend.
Selon l’Observatoire de la culture et des communications du Québec, les journalistes étaient 4255 en 2006. Par contre, on trouve dans ce recensement nombre de rédacteurs et de communicateurs professionnels qui exercent des « activités incompatibles » avec le journalisme au sens où l’entend le Guide déontologique de la FPJQ. Ils ne seraient donc pas reconnus comme journalistes par cette dernière. Ainsi, même si elle regroupe seulement le tiers de ceux qui disent pratiquer le journalisme au Québec, la Fédération représenterait néanmoins l’essentiel des artisans de l’information.
Scribe des villes, scribe des champs
Premier constat : 53 % des membres réguliers de la FPJQ, soit 827 personnes, résident sur l’île de Montréal. La population montréalaise, avec 1,9 million d’habitants, ne compte que le quart des Québécois. La Vieille Capitale en compte 156, ou 10 % de l’effectif de la Fédé. C’est sensiblement la même proportion que son poids démographique, qui compte pour près de 9 % de la population québécoise.
Le journalisme serait donc montréalais, ou à tout le moins montréalisé? Parce que les journalistes rapportent d’abord et avant tout ce qu’ils voient et ce qui les entoure, le fait que la moitié d’entre eux habitent sur l’île est certain d’avoir une influence certaine sur la couverture médiatique.
C’est d’ailleurs ce que déplore Philippe Martin, auteur du blogue la Clique du Plateau, que nous interrogeons plus loin dans nos pages [voir page 26]. « On dirait que pour que ça soit bon, il faut que ça vienne de Montréal », observe-t-il, citant l’exemple de sujets qu’il juge typiquement « montréalais » ayant fait le tour des médias régionaux dans la dernière année, comme l’élevage de poules à Montréal ou le décès de la chanteuse Lhasa de Sela en début d’année.
L’immense concentration des journalistes à Montréal frappe davantage lorsqu’on la compare à l’éparpillement de leurs collègues ailleurs au Québec (voir cartes ci-dessus). Les membres « professionnels » de la Fédération résident dans 182 villes et municipalités au Québec. Les 10 villes comptant le plus de journalistes en hébergent 1163, soit les trois quarts de l’effectif.
À l’opposé, 99 municipalités comptent un seul journaliste parmi leurs résidants. Certaines sont situées en banlieue des grands centres, mais la majorité des villes où réside un seul confrère se trouvent loin de Montréal ou de Québec.
La clique du Plateau?
Nous n’avons bien sûr pas pu résister à l’envie de tester l’hypothèse voulant qu’une « clique » du Plateau s’affaire à dicter ce qu’il faut penser par l’intermédiaire des médias québécois.
Le blogue de Philippe Martin, qui dénonce les travers des médias avec un verbe des plus caustiques, repose sur l’idée qu’une communauté d’esprit existe et qu’elle oriente les angles de la couverture médiatique.
Mise en garde de l’auteur, par courriel : « La clique n’est pas seulement une histoire de journalistes. De plus, l’endroit où les journalistes habitent n’a rien à voir avec la clique. On le sait bien que Guy A. Lepage n’habite pas le Plateau, mais il en est un membre très influent pourtant. La clique est plus une façon de penser et d’imposer des façons de vivre à tout le monde… » Bref, il a jugé notre idée farfelue.
Loin de pouvoir tester le pouvoir d’influence de certains membres de la FPJQ à partir de la liste de codes postaux que l’on nous a remise, nous avons cependant pu en tirer une conclusion. Une seule, mais elle s’impose d’elle-même : en élargissant les frontières du Plateau à sa proximité immédiate(1), on constate que 492 journalistes au moins habitent le quartier et sa zone d’influence. Le tiers, donc, de tous les membres de la FPJQ dont le journalisme est l’activité principale.
Si l’on s’en tient strictement aux limites du Plateau (rue Sherbrooke au sud, rue du Parc à l’ouest et voie ferrée du Canadien Pacifique au nord et au nord-est), on arrive tout de même à un total de 221 journalistes, ou un membre sur sept. Pour un quartier qui compte un peu plus de 100 000 habitants, ou 1/80e de la population québécoise!
Que la clique ait ou non à voir avec les journalistes habitant le Plateau, nous avons maintenant la preuve par l’exemple qu’elle existe, ne serait-ce que géographiquement. -30-
Jean-François Parent est journaliste à Finance et Investissement, habite le Plateau et est accessoirement géographe de formation.
NOTE
(1) Nous avons défini la « zone d’influence » du Plateau par ses quartiers immédiatement adjacents : le Mile-End, Rosemont–Petite-Patrie et Ville-Marie. Cela a eu pour effet de doubler la superficie du Plateau, qui s’établit à 16 km2 pour les besoins de notre petite expérience de cartographie amusante.
Aux fins de ce texte et des cartes, nous avons considéré Montréal et Québec comme des villes non défusionnées.
http://trente.ca/2010/11/la-%c2%ab-cliq ... pour-vrai/" onclick="window.open(this.href);return false;
(Le Trente est la revue de la fédération professionnelle des journalistes du Québec)
http://www.fpjq.org/index.php?id=trenteaccueil" onclick="window.open(this.href);return false;
Jeudi 4 novembre 2010
Par Jean-François Parent
Les journalistes membres de la FPJQ ne sont pas en reste en ce qui a trait à la concentration médiatique :
le tiers d’entre eux résident sur le plateau Mont-Royal, ou tout près.
(Publié dans l’édition de novembre du Trente. Aussi dans ce numéro: une entrevue avec l’auteur du blogue la Clique du plateau.)
Y a-t-il une « clique du Plateau » qui domine et montréalise les médias du Québec? Le débat fait rage auprès des journalistes et de certains animateurs radio de la capitale, qui n’en peuvent plus de se faire imposer les priorités médiatiques de la métropole. Ils ont peut-être raison, en fin de compte.
Pour s’en convaincre, il suffit d’un simple regard sur la carte du Québec (interactive, que l’ont peut consulter en cliquant ici) montrant le lieu de résidence des 1570 membres « réguliers » (d’après des données compilées en juin dernier, NDLR) de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), soit ceux dont le journalisme est la principale activité professionnelle, à l’exclusion des étudiants, des professeurs, des retraités et des journalistes à temps partiel. Mis à part quelques collègues saupoudrés de manière éparse ici et là, le journaliste québécois moyen est résolument montréalais. S’il est membre de la FPJQ, s’entend.
Selon l’Observatoire de la culture et des communications du Québec, les journalistes étaient 4255 en 2006. Par contre, on trouve dans ce recensement nombre de rédacteurs et de communicateurs professionnels qui exercent des « activités incompatibles » avec le journalisme au sens où l’entend le Guide déontologique de la FPJQ. Ils ne seraient donc pas reconnus comme journalistes par cette dernière. Ainsi, même si elle regroupe seulement le tiers de ceux qui disent pratiquer le journalisme au Québec, la Fédération représenterait néanmoins l’essentiel des artisans de l’information.
Scribe des villes, scribe des champs
Premier constat : 53 % des membres réguliers de la FPJQ, soit 827 personnes, résident sur l’île de Montréal. La population montréalaise, avec 1,9 million d’habitants, ne compte que le quart des Québécois. La Vieille Capitale en compte 156, ou 10 % de l’effectif de la Fédé. C’est sensiblement la même proportion que son poids démographique, qui compte pour près de 9 % de la population québécoise.
Le journalisme serait donc montréalais, ou à tout le moins montréalisé? Parce que les journalistes rapportent d’abord et avant tout ce qu’ils voient et ce qui les entoure, le fait que la moitié d’entre eux habitent sur l’île est certain d’avoir une influence certaine sur la couverture médiatique.
C’est d’ailleurs ce que déplore Philippe Martin, auteur du blogue la Clique du Plateau, que nous interrogeons plus loin dans nos pages [voir page 26]. « On dirait que pour que ça soit bon, il faut que ça vienne de Montréal », observe-t-il, citant l’exemple de sujets qu’il juge typiquement « montréalais » ayant fait le tour des médias régionaux dans la dernière année, comme l’élevage de poules à Montréal ou le décès de la chanteuse Lhasa de Sela en début d’année.
L’immense concentration des journalistes à Montréal frappe davantage lorsqu’on la compare à l’éparpillement de leurs collègues ailleurs au Québec (voir cartes ci-dessus). Les membres « professionnels » de la Fédération résident dans 182 villes et municipalités au Québec. Les 10 villes comptant le plus de journalistes en hébergent 1163, soit les trois quarts de l’effectif.
À l’opposé, 99 municipalités comptent un seul journaliste parmi leurs résidants. Certaines sont situées en banlieue des grands centres, mais la majorité des villes où réside un seul confrère se trouvent loin de Montréal ou de Québec.
La clique du Plateau?
Nous n’avons bien sûr pas pu résister à l’envie de tester l’hypothèse voulant qu’une « clique » du Plateau s’affaire à dicter ce qu’il faut penser par l’intermédiaire des médias québécois.
Le blogue de Philippe Martin, qui dénonce les travers des médias avec un verbe des plus caustiques, repose sur l’idée qu’une communauté d’esprit existe et qu’elle oriente les angles de la couverture médiatique.
Mise en garde de l’auteur, par courriel : « La clique n’est pas seulement une histoire de journalistes. De plus, l’endroit où les journalistes habitent n’a rien à voir avec la clique. On le sait bien que Guy A. Lepage n’habite pas le Plateau, mais il en est un membre très influent pourtant. La clique est plus une façon de penser et d’imposer des façons de vivre à tout le monde… » Bref, il a jugé notre idée farfelue.
Loin de pouvoir tester le pouvoir d’influence de certains membres de la FPJQ à partir de la liste de codes postaux que l’on nous a remise, nous avons cependant pu en tirer une conclusion. Une seule, mais elle s’impose d’elle-même : en élargissant les frontières du Plateau à sa proximité immédiate(1), on constate que 492 journalistes au moins habitent le quartier et sa zone d’influence. Le tiers, donc, de tous les membres de la FPJQ dont le journalisme est l’activité principale.
Si l’on s’en tient strictement aux limites du Plateau (rue Sherbrooke au sud, rue du Parc à l’ouest et voie ferrée du Canadien Pacifique au nord et au nord-est), on arrive tout de même à un total de 221 journalistes, ou un membre sur sept. Pour un quartier qui compte un peu plus de 100 000 habitants, ou 1/80e de la population québécoise!
Que la clique ait ou non à voir avec les journalistes habitant le Plateau, nous avons maintenant la preuve par l’exemple qu’elle existe, ne serait-ce que géographiquement. -30-
Jean-François Parent est journaliste à Finance et Investissement, habite le Plateau et est accessoirement géographe de formation.
NOTE
(1) Nous avons défini la « zone d’influence » du Plateau par ses quartiers immédiatement adjacents : le Mile-End, Rosemont–Petite-Patrie et Ville-Marie. Cela a eu pour effet de doubler la superficie du Plateau, qui s’établit à 16 km2 pour les besoins de notre petite expérience de cartographie amusante.
Aux fins de ce texte et des cartes, nous avons considéré Montréal et Québec comme des villes non défusionnées.
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(Le Trente est la revue de la fédération professionnelle des journalistes du Québec)
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