Hugo Dumas

C'est probablement une des meilleures séries policières que j'ai visionnées depuis un méchant bout. Et je n'exagère pas. Je sais, ce n'est pas l'offre qui manque ces jours-ci, mais gardez-vous un peu de temps pour la magnifique télésérie britannique Broadchurch.
Évacuons tout de suite les détails techniques. La chaîne canadienne Showcase a diffusé Broadchurch cet été - aucune trace de reprises à l'horaire, par contre - et il est possible de se procurer les huit épisodes d'une heure sur iTunes pour une vingtaine de dollars. Le coffret DVD est très difficile à dénicher au Québec. Et la version française, que relaiera France 2 la saison prochaine, est sur le point d'être achetée par une grande antenne québécoise, me soufflent des espions bien branchés.
L'histoire, maintenant. Broadchurch, c'est le nom d'une coquette station balnéaire de 15 000 habitants dans le sud de l'Angleterre. Le type de village «carte postale» - comme ceux du Maine - où le tout le monde se connaît et où le crime le plus grave à faire la manchette du journal local est probablement d'avoir porté des vêtements blancs après la fête du Travail.
Broadchurch ne retrouvera plus jamais sa quiétude légendaire après la découverte du cadavre d'un garçon de 11 ans. La jeune victime a été assassinée, puis abandonnée sur la plage, dans une mise en scène maquillée en suicide.
S'amorce alors une passionnante enquête qui forcera les villageois à dévoiler, bien malgré eux, leur vrai visage. Des secrets très noirs (et bien enfouis) s'échappent. La paranoïa s'infiltre dans les chaumières. Et les soupçons pèsent autant sur des petits camarades de classe de la victime que sur le prêtre de Broadchurch.
Véritable tour de force, la série nous captive, bien sûr, avec la progression de l'investigation policière, mais aussi en nous exposant les conséquences dévastatrices du meurtre sur cette communauté tricotée serré. C'est d'une finesse et d'une intelligence rarement vues au petit écran.
Plusieurs scènes vous prennent à la gorge, notamment celles dans l'intimité des parents du préadolescent tué, qui s'enfoncent dans une spirale destructrice.
Ce qui démarque encore plus Broadchurch des autres émissions à la The Killing, c'est la relation très singulière qu'entretient la détective avec ses «suspects». Cette femme droite et fière a vécu toute sa vie à Broadchurch. Son fils est le meilleur ami du garçon qui a été exécuté froidement. Elle est donc incapable de concevoir qu'un de ses concitoyens ait pu commettre un geste aussi crapuleux. Dans les interrogatoires, elle pleure sans gêne, remplie de compassion.
Son partenaire, un Écossais, est tout le contraire. Il vient de débarquer à Broadchurch et son jugement n'est aucunement teinté par le passé. À deux, avec un mélange d'humanité et d'objectivité, ils formeront une paire à la fois improbable et redoutable.
Rajoutez au lot une femme sauvage et recluse qui campe sur la plage, un homme porteur de messages mystérieux et deux journalistes déterminés à résoudre le mystère de Broadchurch et vous obtenez une ambiance inquiétante rappelant beaucoup celle de Twin Peaks, de David Lynch. Les images des falaises attaquées par la mer sont tout simplement extraordinaires.
La minisérie Broadchurch nous provient de la même chaîne que Downton Abbey (ITV) et plus de neuf millions d'Anglais l'ont suivie religieusement ce printemps. Le studio américain Fox en a acquis les droits afin de produire son propre remake, ce qui est une très mauvaise idée. Car l'original est pratiquement impossible à surpasser. On se croise maintenant les doigts pour une diffusion très rapide au Québec.