Violences à caractère sexuel
Les actes « graves » de Samuel Archibald
Louis-Samuel Perron / La Presse
L’écrivain réputé Samuel Archibald a profité de son statut de professeur de littérature pour avoir des relations sexuelles avec deux étudiantes sous son autorité, conclut une enquête indépendante commandée par l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Une de ces femmes l’accuse même de l’avoir étranglée lors d’une relation sexuelle non consentie. Des actes « graves » et « hostiles » qui ont mené à son départ en catimini de l’UQAM l’an dernier.
« Une seule relation sexuelle avec une étudiante sous son autorité est un acte grave en soi. Or, dans les faits, nous sommes en présence d’une conduite répétée », affirme l’enquêtrice Me Cristina Mageau dans l’un des rapports présentés à l’UQAM le 24 septembre 2021 par le cabinet d’avocats Cain Lamarre.
Les deux rapports d’enquête obtenus par La Presse retiennent une vingtaine d’allégations à l’égard de Samuel Archibald. Ils concluent que le professeur a commis des « violences à caractère sexuel » et du « harcèlement sexuel » en vertu des politiques de l’Université. Il s’est de plus placé en « conflit d’intérêts » à de multiples reprises en entretenant des relations intimes avec deux étudiantes, alors qu’il supervisait leur maîtrise ou leur confiait un contrat de correction entre 2015 et 2019.
« Il avait mon mémoire à évaluer dans ses mains. Je ne me sentais pas dans une liberté de dire non », confie à La Presse l’autrice Lucille Ryckebusch. « Samuel avait beaucoup, beaucoup de pouvoir », affirme Iris Grondin-Lefebvre, une ex-étudiante qui soutient avoir été sous « l’emprise » de Samuel Archibald. Leurs plaintes auprès de l’UQAM en 2021 ont mené à ces deux rapports. Elles ont accepté de se confier à La Presse (voir autres onglets).
Samuel Archibald est une personnalité connue du monde littéraire québécois depuis la parution de son premier roman, Arvida, en 2012. Succès populaire, l’ouvrage avait reçu plusieurs accolades, en plus d’être finaliste au prestigieux prix Giller du meilleur roman ou recueil de nouvelles canadien de l’année. L’auteur et scénariste est collaborateur occasionnel à l’émission Culture club, en plus d’être invité à des émissions culturelles de Radio-Canada. Son éditeur, Le Quartanier, vient toutefois de le laisser tomber.
En entrevue, Samuel Archibald se fait repentant. Il veut « assumer » ses gestes, répète-t-il.
« C’est important de dire : il y a des choses dont je suis responsable », soutient-il. Mais dans la foulée, il s’oppose à certaines conclusions « discutables » des rapports, comme son portrait en « agresseur répété » agissant avec un « modus operandi », illustre-t-il. Il précise toutefois qu’il « n’attaque pas légalement » le rapport.
La vingtaine d’allégations retenues contre l’ex-professeur ratissent large. Entre autres, Samuel Archibald a toléré qu’Iris Grondin-Lefebvre, son ex-étudiante devenue sa conjointe, sollicite des étudiantes en littérature de l’UQAM pour avoir une relation sexuelle à trois. « Il savait ou ne pouvait ignorer », tranche le rapport, qui conclut à un « acte grave » et une « violence à caractère sexuel ». Une histoire cependant niée par l’ex-professeur.
Samuel Archibald a également commis du « harcèlement sexuel », conclut le rapport, en envoyant une photo de son ex-conjointe nue à Iris Grondin-Lefebvre, sans la permission de son ex-conjointe. Un geste d’ailleurs admis par l’auteur. « Il y avait faute envers elle. Je reconnais ça et j’en suis désolé. C’était une photo qui n’était pas identifiable. C’est presque de la photo d’art », se défend-il à La Presse.
Lucille Ryckebusch a confié à La Presse avoir vécu un épisode « hyper violent » avec Samuel Archibald à l’été 2019. Elle assure avoir été étranglée par celui-ci lors d’une relation sexuelle non consentie. À l’époque, Samuel Archibald était en train de corriger son mémoire de maîtrise.
À ce sujet, l’enquête indépendante reproche à Samuel Archibald d’avoir fait preuve d’« aveuglement volontaire » en ne vérifiant pas le consentement de l’étudiante lors de cette relation sexuelle.
Il s’agit d’un « facteur aggravant », d’autant qu’il existait « clairement un rapport d’autorité » entre les deux, tranche le rapport.
Samuel Archibald assure pourtant en entrevue avoir demandé « assez clairement » à Lucille Ryckebusch son consentement. Il maintient n’avoir aucun souvenir de l’avoir étranglée. « Ça ne me ressemble pas comme comportement », se défend-il. « C’est très douteux », insiste-t-il.
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