Le ciel du mois — Septembre 2006

[Rénatane]

Splendide Voie lactée!
par Pierre Chastenay,
astronome au Planétarium de Montréal
Septembre 2006 ne passera pas à l’histoire comme un mois particulièrement propice à l’observation des planètes. En effet, Mercure, Vénus, Mars et Jupiter sont toutes tellement proches de l’horizon au lever ou au coucher du Soleil qu’elles sont noyées dans les lueurs de l’aube ou du crépuscule. Seule Saturne demeure facilement visible au-dessus de l’horizon est à l’aube, une aubaine pour les lève-tôt. Pour les autres, la disette de planètes en septembre est le prétexte idéal pour se concentrer sur le fabuleux ciel étoilé qui sert malheureusement trop souvent de simple décor devant lequel se produisent ces vagabondes célestes. Petit tour d’horizon de ce que le ciel profond a de mieux à offrir…

Sous un ciel très noir, loin des lumières des villes et leur pollution lumineuse, la première chose qui saute aux yeux est cette arche blanchâtre qui, en septembre, traverse le ciel du nord au sud en passant par le zénith. Il s’agit bien sûr de la Voie lactée, notre Galaxie que nous observons de l’intérieur. Une légende grecque raconte qu’Héra, la femme de Zeus, nourrissait au sein le héros Hercule lorsque du lait se répandit sur la voûte céleste et donna naissance à ce chemin laiteux. Nous savons aujourd’hui que la Voie lactée est plutôt la somme de la lumière des innombrables étoiles qui se concentrent dans le plan de la Galaxie. Rappelons que notre Galaxie est une vaste île d’étoiles contenant plus de 200 milliards de soleils distribués en une grande roue cosmique s’étendant sur près de cent mille années-lumière de diamètre. Malgré cette taille impressionnante, le disque de la Voie lactée est plutôt mince, mesurant en moyenne 2 000 années-lumière d’épaisseur. Toutes proportions gardées, notre Galaxie a les mêmes mensurations qu’une pizza… à croûte mince, bien entendu!

Observer la Voie lactée depuis la Terre, c’est comme observer une forêt dense : où que vous portiez votre regard, votre ligne de visée sera toujours limitée par un tronc d’arbre plus ou moins éloigné. Il en va de même pour la Voie lactée : en la balayant du regard, votre ligne de visée tombera immanquablement sur une étoile. La « minceur » du disque de la Galaxie explique pourquoi la Voie lactée nous apparaît comme une bande… Remarquez cependant combien la Voie lactée s’épaissit en approchant de l’horizon sud, dans la constellation du Sagittaire : c’est parce que notre regard porte alors vers le centre de la Galaxie, où se trouve un important renflement et une forte concentration d’étoiles. Vers le nord, la Voie lactée s’atténue, trahissant le fait que nous regardons alors vers la périphérie du disque galactique, où la densité d’étoiles diminue considérablement. Enfin, les plus observateurs auront remarqué des zones sombres au sein même de la Voie lactée. Ces régions ne sont pas dépourvues d’étoiles; il s’agit plutôt de nuages sombres et opaques qui s’interposent entre les étoiles lointaines et nous…

Une fois rassasiés de la Voie lactée (aux jumelles, le spectacle est encore plus impressionnant!), tournez votre regard vers la galaxie d’Andromède (M31), située tout juste sous la moitié droite du W de Cassiopée, du côté est du ciel. Cette pâle tache de lumière est une autre île d’étoiles semblable à notre Voie lactée, mais située à 2,6 millions d’années-lumière de la Terre. Une telle distance signifie que la lumière qui pénètrera dans votre œil lors de votre prochaine soirée d’observation aura voyagé pendant 2,6 millions d’années pour franchir la distance qui vous en sépare. Nous voyons donc la galaxie d’Andromède telle qu’elle était il y a 2,6 millions d’années, avant même que les premiers humains apparaissent sur notre planète! C’est ce « retard » dans l’arrivée de la lumière en provenance d’objets lointains qui fait dire aux astronomes qu’observer loin, c’est observer tôt, et que les télescopes sont des machines à remonter dans le temps. Comme la Voie lactée, Andromède gagne elle aussi à être observée aux jumelles… Même à travers un petit télescope, seule sa région centrale est facilement visible. Pourtant, si nous pouvions voir à l’œil nu l’ensemble du disque d’Andromède, la galaxie aurait un diamètre six fois supérieur à celui de la pleine Lune!

Un troisième objet céleste qui vaut le détour est l’amas globulaire M15, situé à mi-chemin entre le grand carré de Pégase et la constellation de l’Aigle. Un amas globulaire est une concentration de centaines de milliers d’étoiles maintenues ensemble par la gravité. Aux jumelles, M15 ressemblera à une petite boule de coton; avec un télescope de bon diamètre, on distinguera son aspect « granuleux » qui trahit la présence des étoiles individuelles. Les amas globulaires comme M15 ne sont pas répartis au hasard dans l’espace : les quelque 150 amas globulaires connus dans la Voie lactée forment un vaste halo sphérique centré sur le cœur de la Galaxie, comme autant de lucioles attirées par le feu galactique…

Rappelons, en terminant, que l’équinoxe d’automne, qui marque officiellement le début de la saison des feuilles mortes et des citrouilles dans l’hémisphère Nord, se produira cette année le 23 septembre, trois petites minutes après minuit. Bonne récolte!


Bonnes observations !

Mercure se trouve présentement noyée dans les lueurs du Soleil et n'est pas visible.

Vénus est la brillante « étoile » visible à l'aube près de l'horizon est-nord-est, à compter d'environ une heure avant le lever du Soleil. Mais Vénus se rapproche rapidement du Soleil et apparaît de plus en plus basse à l'horizon; elle disparaîtra dans les lueurs de l'aube vers la fin du mois de septembre. Entre temps, le mince croissant lunaire se trouvera juste à la droite de Vénus le matin du 21.

Mars est présentement trop proche du Soleil et inobservable pour les prochaines semaines; la planète rouge passera derrière le Soleil le 27 octobre. Mars ne sera visible à nouveau qu'en décembre prochain, à l'aube.

Jupiter est l'astre très brillant qu'on aperçoit au sud-ouest au crépuscule. La planète géante descend à l'horizon tout au long de la soirée et se couche en direction ouest-sud-ouest vers 22 heures. La Lune croissante sera sa voisine en soirée le 29 août.

Saturne est visible à l'aube au-dessus de l'horizon est, au-dessus de Vénus. Au cours des prochaines semaines, la planète aux anneaux gagne rapidement de la hauteur, s'éloigne de Vénus, et se lève de plus en plus tôt avant le Soleil : début septembre, son lever précède celui du Soleil de plus d'une heure et demie. Le croissant lunaire sera voisin de Saturne le matin du 19 septembre.