Virginie est coupable!
Modérateur : Elise-Gisèle
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Le samedi 17 février 2007
Virginie coupable
Mathieu-Robert Sauvé
La Presse
M. Sauvé est journaliste et auteur.
Statistique Canada a rendu publics, cette semaine, les résultats d'un sondage sur le temps passé en famille, qui a considérablement diminué au cours des 20 dernières années. Les Canadiens passaient 4,2 heures par jour avec les membres de leur famille en 1986; ils n'en passent plus que 3,4 (statistiques de 2005). Il s'agit d'une diminution moyenne de 39 minutes pour la femme et de 45 minutes pour l'homme.
Qui a volé ce temps précieux? Le gagne-pain, bien sûr. L'Enquête sociale générale sur l'emploi du temps révèle que le nombre d'heures travaillées a grimpé de 30 minutes en deux décennies et se situe aujourd'hui à 8,9 heures par jour. Mais plus incidieusement, c'est la télévision qui a détourné l'attention des familles québécoises. La télé, qu'on ne regarde plus ensemble mais chacun de son côté en grignotant son repas-minute. Selon l'étude, 24% du déclin du temps passé en famille est attribuable au fait que les répondants avaient écouté la télévision seuls au cours de la journée plutôt qu'avec un membre de leur famille.
Se pourrait-il que Virginie, Bob Gratton et la pléthore de séries, talk shows et quizz diffusés aux heures de grande écoute nuisent à la vie de famille? C'est ce que le sondage de Statistique Canada laisse entendre. Joli paradoxe: la télévision d'ici, dont les cotes d'écoute font l'envie du Canada anglais, contribuerait donc au dysfonctionnement de la famille québécoise, creuset de la culture distincte
On aurait tort de mésestimer l'importance du repas en famille. Quand on crie "À table!", c'est toute la culture qui est conviée au partage. Le repas collectif serait même un filet de sécurité contre la toxicomanie et les idées suicidaires...
En effet, une équipe de l'Université du Minnesota a publié en août 2004 dans une revue internationale de pédiatrie, Archives of Pediatric Adolescent Medicine, les résultats d'une enquête qui souligne l'importance du repas familial. Selon cette étude, les enfants qui partagent des repas en famille développent moins de problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie et ont moins d'idées suicidaires que les autres. "Plusieurs études précédentes avaient démontré les effets positifs des repas familiaux, peut-on lire. Les enfants mangent des plats de meilleure qualité, connaissent une meilleure cohésion familiale, communiquent mieux entre eux et avec leurs parents. La présente étude, en plus de corroborer ces bénéfices, démontre une corrélation entre la fréquence des repas familiaux et la consommation de cigarettes, marijuana et alcool chez les adolescents."
Selon cette enquête américaine, à peine le quart des 5000 répondants affirmaient manger quotidiennement en famille. Le tiers (33,1%) le font rarement (une fois ou deux par semaine), ou jamais. Une proportion qui pourrait être semblable au Québec selon la taille des ménages, l'origine ethnique des familles et l'âge des enfants, d'après Marie Marquis, spécialiste des comportements alimentaires au Département de nutrition de l'Université de Montréal.
Échanges autour d'une table
"Passe-moi le sel" "Pas mal, ton poulet!" "Et alors, cette dictée?" La plupart des échanges autour d'une table semblent banals. Pourtant, ils agrémentent une activité sociale vieille comme le monde. Autour de la table, ce sont les liens interpersonnels qui se tissent. C'est à ce moment-là que les enfants sentent qu'on s'intéresse à eux, qu'ils expriment leurs plaisirs et préoccupations. Les conjoints racontent leur journée, planifient leur semaine. Si ce moment précieux disparaît, ou si le téléviseur détourne l'attention des convives, c'est toute la dynamique interpersonnelle qui y goûte.
À l'heure des téléphones cellulaires et des repas précuits mangés sur le pouce, les nutritionnistes craignent rien de moins que la disparition de la table. En effet, de nos jours, sauf pour les occasions spéciales (Noël, Jour de l'an, anniversaires des enfants), la table familiale est désertée. Le citoyen moyen, à l'horaire chargé comme un ministre, se contente d'un petit coin de comptoir où il avale une soupe en vitesse.
Chez moi, la question de la télévision est réglée depuis longtemps: elle demeure éteinte le soir. Mes enfants, Léonard (11 ans) et Edmond (8 ans), peuvent zapper de Teletoon à Vrak TV à leur réveil en mangeant une rôtie ou un bol de cérales, mais c'est la vraie vie qui nous occupe au retour de l'école. Évidemment, il peut arriver que nos conversations s'enlisent ou déraillent. Mais il vaut encore mieux s'engueuler entre nous que de regarder les autres le faire.
Virginie coupable
Mathieu-Robert Sauvé
La Presse
M. Sauvé est journaliste et auteur.
Statistique Canada a rendu publics, cette semaine, les résultats d'un sondage sur le temps passé en famille, qui a considérablement diminué au cours des 20 dernières années. Les Canadiens passaient 4,2 heures par jour avec les membres de leur famille en 1986; ils n'en passent plus que 3,4 (statistiques de 2005). Il s'agit d'une diminution moyenne de 39 minutes pour la femme et de 45 minutes pour l'homme.
Qui a volé ce temps précieux? Le gagne-pain, bien sûr. L'Enquête sociale générale sur l'emploi du temps révèle que le nombre d'heures travaillées a grimpé de 30 minutes en deux décennies et se situe aujourd'hui à 8,9 heures par jour. Mais plus incidieusement, c'est la télévision qui a détourné l'attention des familles québécoises. La télé, qu'on ne regarde plus ensemble mais chacun de son côté en grignotant son repas-minute. Selon l'étude, 24% du déclin du temps passé en famille est attribuable au fait que les répondants avaient écouté la télévision seuls au cours de la journée plutôt qu'avec un membre de leur famille.
Se pourrait-il que Virginie, Bob Gratton et la pléthore de séries, talk shows et quizz diffusés aux heures de grande écoute nuisent à la vie de famille? C'est ce que le sondage de Statistique Canada laisse entendre. Joli paradoxe: la télévision d'ici, dont les cotes d'écoute font l'envie du Canada anglais, contribuerait donc au dysfonctionnement de la famille québécoise, creuset de la culture distincte
On aurait tort de mésestimer l'importance du repas en famille. Quand on crie "À table!", c'est toute la culture qui est conviée au partage. Le repas collectif serait même un filet de sécurité contre la toxicomanie et les idées suicidaires...
En effet, une équipe de l'Université du Minnesota a publié en août 2004 dans une revue internationale de pédiatrie, Archives of Pediatric Adolescent Medicine, les résultats d'une enquête qui souligne l'importance du repas familial. Selon cette étude, les enfants qui partagent des repas en famille développent moins de problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie et ont moins d'idées suicidaires que les autres. "Plusieurs études précédentes avaient démontré les effets positifs des repas familiaux, peut-on lire. Les enfants mangent des plats de meilleure qualité, connaissent une meilleure cohésion familiale, communiquent mieux entre eux et avec leurs parents. La présente étude, en plus de corroborer ces bénéfices, démontre une corrélation entre la fréquence des repas familiaux et la consommation de cigarettes, marijuana et alcool chez les adolescents."
Selon cette enquête américaine, à peine le quart des 5000 répondants affirmaient manger quotidiennement en famille. Le tiers (33,1%) le font rarement (une fois ou deux par semaine), ou jamais. Une proportion qui pourrait être semblable au Québec selon la taille des ménages, l'origine ethnique des familles et l'âge des enfants, d'après Marie Marquis, spécialiste des comportements alimentaires au Département de nutrition de l'Université de Montréal.
Échanges autour d'une table
"Passe-moi le sel" "Pas mal, ton poulet!" "Et alors, cette dictée?" La plupart des échanges autour d'une table semblent banals. Pourtant, ils agrémentent une activité sociale vieille comme le monde. Autour de la table, ce sont les liens interpersonnels qui se tissent. C'est à ce moment-là que les enfants sentent qu'on s'intéresse à eux, qu'ils expriment leurs plaisirs et préoccupations. Les conjoints racontent leur journée, planifient leur semaine. Si ce moment précieux disparaît, ou si le téléviseur détourne l'attention des convives, c'est toute la dynamique interpersonnelle qui y goûte.
À l'heure des téléphones cellulaires et des repas précuits mangés sur le pouce, les nutritionnistes craignent rien de moins que la disparition de la table. En effet, de nos jours, sauf pour les occasions spéciales (Noël, Jour de l'an, anniversaires des enfants), la table familiale est désertée. Le citoyen moyen, à l'horaire chargé comme un ministre, se contente d'un petit coin de comptoir où il avale une soupe en vitesse.
Chez moi, la question de la télévision est réglée depuis longtemps: elle demeure éteinte le soir. Mes enfants, Léonard (11 ans) et Edmond (8 ans), peuvent zapper de Teletoon à Vrak TV à leur réveil en mangeant une rôtie ou un bol de cérales, mais c'est la vraie vie qui nous occupe au retour de l'école. Évidemment, il peut arriver que nos conversations s'enlisent ou déraillent. Mais il vaut encore mieux s'engueuler entre nous que de regarder les autres le faire.
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