Geocaching
Petits pots, grands trésors
Pascal Faucher
La Presse
Daniel Fortier se lève parfois la nuit, quand sa femme dort. Seul, il sort de la maison et va errer en voiture dans les rues de Trois-Rivières. Trouvant ce qu'il cherche avant l'aube, il revient au bercail avant que sa femme ne se réveille. Incognito.
«Elle n'aime pas ça et je ne veux pas la forcer, dit le Drummondvillois. J'essaie de le faire à des moments où ça ne la dérange pas.»
Non, ce n'est pas ce que vous pensez.
Comme des centaines de Québécois, Daniel Fortier est un mordu du geocaching, une chasse aux trésors high-tech qui combine randonnée pédestre, Internet et GPS (système de positionnement global). La chose se pratique plus facilement de jour, mais il n'y a pas d'obligation.
«Je suis tombé là-dessus en achetant un GPS pour m'y retrouver dans la cueillette de champignons, raconte Mario Labelle, webmestre de Québec GPS, site consacré à ce sport nouveau genre. En fouillant sur Internet, je suis tombé sur la page de geocaching.com. J'ai essayé et ça a été le coup de foudre.»
Une passion contagieuse. Le nom-bre de géocacheurs inscrits sur le site de Mario Labelle - autant d'hommes que de femmes, dit-il - a quadruplé en deux ans, passant de 165 à 696 personnes.
Le but du jeu, c'est de trouver les caches, ces pots de plastique qui renferment des trésors aussi convoités qu'un... porte-clés en plastique et autres objets du genre. L'objectif n'est pas tant de récupérer l'objet, que de prendre plaisir à découvrir sa cachette.
Au Québec, le nombre de ces caches est passé de 500 à 1000 en un an, surtout dans les régions de Montréal et Sherbrooke. La majorité dans des lieux publics : parcs, champs et bois.
«Le bouche à oreille et les reportages dans les médias ont attiré pas mal de gens», dit Mario Labelle. De nouvelles caches apparaissent chaque semaine. «À Montréal, il n'y a pas un parc digne de ce nom qui n'a pas d'objet caché», souligne Dominic Dufour, directeur d'une entreprise de marquage antivol et géocacheur. «Peu de gens s'en doutent. C'est comme une autre dimension.»
Digne des Goonies
En Angleterre, en Australie ou aux États-Unis, là où l'aventure a débuté, ils sont près de 23 000 aujourd'hui à jouer à la chasse aux trésors en pleine nature.
Pour eux, finis les jours d'hiver oisifs et les promenades sans but. Leur passe-temps les incite à bouger sans cesse. Chaque randonnée devient une quête digne des Goonies. «Les gens retrouvent le plaisir du plein air. Une femme m'a remercié d'avoir fait connaître le geocaching à son mari, retraité et sédentaire, dit Mario Labelle.
Depuis un an, il a perdu 30 livres. Ça change de regarder la télévision !»
Dominic Dufour apprécie le fait que le jeu l'amène à découvrir une foule de régions du Québec qu'il n'aurait jamais eu l'idée de visiter. «Mon terrain de jeu s'étend dans un rayon de 200 km autour de Montréal, parfois eu peu plus loin... Je ne manque jamais d'endroits où chercher.»
Employé chez CAA-Québec, Daniel Fortier donne des cours de formation en sécurité aux quatre coins de la province. Il profite de ces moments d'éloignement pour «fouiller le terrain», coordonnées et GPS en main. «Je suis allé à Baie-Comeau, Sept-Îles, les Îles-de-la-Madeleine. Là-bas, ça a été difficile. Il y avait plusieurs énigmes à résoudre.»
Ce n'est pas toujours un loisir pépère. Les trésors peuvent être dissimulés dans des endroits accidentés, difficiles d'accès, ou encore cachés au bout d'une course à indices.
Tout commence sur Internet. Les adeptes dûment inscrits choisissent une cible sur le site officiel, www.geocaching.com. On peut chercher par code postal. Il suffit ensuite de se rendre sur place et, à l'aide des données sur la longitude et la latitude, on réveille le Sherlock Holmes en soi. Selon la qualité du GPS utilisé- les prix varient de 100 $ à 1000 $-, la précision des coordonnées oscille entre 3 et 10 mètres. Objectif visé : un contenant rempli de petits objets, un jouet, un peigne, un porte-clé. Pas de nourriture : les écureuils la dévoreraient. Bref, des babioles.
Esprit de communauté
«C'est la quête qui est agréable, dit Daniel Fortier. Pour dire : ah, je l'ai trouvé! Certains objets nous renseignent aussi sur la région où on se trouve, ou sur leur propriétaire. On peut en prendre, mais l'éthique demande qu'on les remplace par autre chose.» L'acte est consigné sur Internet, incitant ensuite les géocacheurs à communiquer entre eux. «Ça crée un esprit de communauté», dit le webmestre.
D'autres poussent la chose plus loin en organisant des réunions de géocacheurs. La dernière en liste a rassemblé plusieurs d'entre eux autour d'un barbecue au parc Angrignon, à Montréal, samedi soir dernier. Une autre aura lieu à Drummondville le 17 septembre.
Mario Labelle ne pourrait plus vivre sans ce loisir aujourd'hui. «C'est devenu un must entre moi et mon fils. Ça nous fait des activités mémorables. Et quand c'est lui qui trouve la cache, il saute de joie.»
De son côté, Daniel Fortier ne perd pas espoir d'inciter un jour sa femme à le suivre dans ses pérégrinations. «Lorsqu'on part à vélo, elle veut bien que je m'absente quelques minutes, dans un champ, pour chercher une cache. Mais pas trop longtemps.»
www.geocaching.com
www.quebecgps.com