La déchéance parentale

Votre tribune, la parole est à vous! Débattez d'idées, d'opinions, de sujets chauds de l'actualité ... bref place aux discussions.
Avatar de l’utilisateur
tuberale
Intronisé au Panthéon
Messages : 49842
Inscription : sam. nov. 08, 2003 1:00 am

Message par tuberale »

La déchéance parentale


Denise Bombardier
Édition du samedi 15 et du dimanche 16 octobre 2005



Enfin, la réforme de la Loi sur la protection de la jeunesse! Enfin, la reconnaissance, à travers cette réforme, de l'incapacité parentale! Au pays du Québec, lieu privilégié de la rédemption, les parents indignes, dysfonctionnels, irresponsables ou tout simplement mentalement inaptes à élever des enfants se font depuis des décennies confirmer dans leurs errances face à leurs enfants par une loi qui fait de leur droit parental un dogme absolu. Comme l'a si bien montré le film de notre confrère Paul Arcand, on donne la chance aux parents de se réformer au détriment, hélas, de ces pauvres enfants trimbalés d'un foyer d'accueil à l'autre avec l'espoir que papa ou maman se ressaisisse. Comme cela peut prendre des années, pendant ce temps, les enfants perdent leur enfance et hypothèquent leur vie d'adulte.

 
Cette philosophie rigide du droit parental qu'on relativise dans les autres provinces et aux États-Unis, par exemple, où on favorise l'adoption plus rapidement en cas d'incapacités des parents, n'est-elle pas aussi un refus de reconnaître qu'il existe une telle réalité que la déchéance parentale ? Nous vivons dans une société où l'exercice du jugement sur les autres rebute, où le pardon est accordé a priori, où la culpabilisation de l'autre est considérée comme une violence faite à autrui et où le droit des parents a prérogative sur le droit de l'enfant. À ce jour, on a renvoyé leurs enfants à des pères incestueux et on a rendu la garde d'autres petits à leurs mères droguées et dysfonctionnelles, comme si les liens du sang avaient préséance absolue sur les liens du coeur.

Ce qu'on reconnaît encore plus difficilement, semble-t-il, c'est la déchéance maternelle. Qu'il y ait des pères abuseurs, indignes, irresponsables, on est prêt à le constater, et elles sont nombreuses, celles qui l'affirment haut et fort et qui, à la limite, donnent à penser que cela est dans la normalité du genre masculin. Quand il s'agit d'indignité maternelle, la réticence se fait sentir lorsque ne s'érigent pas les idéologues de la vertu féminine. Si bien qu'on ne définit pas les uns et les autres selon les mêmes épithètes. Une mère inapte, négligente au point de mettre en péril la santé de son enfant, est qualifiée de victime de ses propres manques, de dépressive abandonnée à son triste sort, alors qu'un père négligent ou drogué est évidemment décrit par les termes «irresponsable», «sans-coeur» et «abuseur». Il y a de la vérité dans les deux cas, bien sûr, mais une mauvaise mère est, aux yeux de plusieurs, une réalité inacceptable. Ceci tend à démontrer qu'en matière de perception des sexes, les stéréotypes et les préjugés ont la vie dure. Cela laisse de plus supposer qu'il nous est insupportable, sinon douloureux, d'accepter qu'une femme qui porte l'enfant dans son sein puisse ne pas l'aimer ou l'aimer si mal qu'elle en arrive à le maltraiter, à ne pas pouvoir surmonter ses démons, son égoïsme, et, pire, à subordonner cet amour à celui qu'elle porte à un autre, mari ou amant tyrannique pour l'enfant. Comment, en effet, expliquer qu'une mère offre en pâture sexuelle à son partenaire la chair de sa chair ? Or ces horreurs se commettent au quotidien. «J'ai dit à ma mère que son chum m'abusait et, le lendemain, elle m'a dit qu'elle allait le marier parce qu'elle l'aimait», raconte une jeune fille dans Les Voleurs d'enfance.



Des générations d'enfants maltraités n'ont pas pu être adoptés par des couples qui rêvaient d'en avoir et qui ont parcouru la planète pour aller en chercher. La loi et les structures qui en découlent ont construit un univers illusoire dans lequel des parents incapables de l'être ont été encadrés par des professionnels de tout genre qui se sont épuisés à tenter de les remettre dans le droit chemin, c'est-à-dire celui les ramenant à leurs enfants dont ils étaient plus ou moins les bourreaux. Cet acharnement à maintenir vivant le mythe du parent meilleur gardien de l'enfant relève davantage de la pensée magique, voire religieuse, que de la réalité. Il faut avoir vécu dans la béatitude pour sacraliser de la sorte la fonction parentale. En d'autres termes, socialiser les parents au détriment des enfants est un étrange choix de société. Comment ne pas relier ce choix à la génération qui a mis en place cette Loi sur la protection de la jeunesse, la même qui a affirmé avec force ces fameux droits des enfants, qui, concrètement, permettent à des gamines de 14 ans de se faire avorter sans que leurs parents le sachent puisque les médecins sont tenus au secret médical de par la loi.




Entre la foi dans la rédemption de parents indignes ou incapables et l'abandon à eux-mêmes d'enfants de 14 ans sous le couvert du respect de leur autonomie, il y a des contradictions abusives qui en disent long sur nos névroses collectives inconscientes. Dans les cas de figure qui nous concernent, la déresponsabilisation des adultes est patente. Répétons-le encore : la vertu est l'ennemi du bien. Quant à l'amour qu'on clame pour les enfants, il est peut-être de bon aloi qu'il soit l'objet de nos méditations futures.



denbombardier@videotron.ca
linus611
Seigneur de la Causerie
Messages : 8521
Inscription : lun. avr. 19, 2004 12:00 am

Message par linus611 »

Maudit que j'aime sa plume a cette femme la.

Avatar de l’utilisateur
pucinette
Immortel du Domaine
Messages : 24767
Inscription : mer. avr. 02, 2003 1:00 am

Message par pucinette »

J'aime pas particulièrement sa mentalité ni son écriture, mais je dois avouer que je suis d'accord avec ce texte sur toute la ligne  ;)
C'est drôle que tu me dises que j'ai mauvais caractère parce que si tu parles à ceux qui me traitent avec respect et courtoisie et qui ne me mentent pas et qui ne tentent pas de me f******, ils vont probablement te dire qu'au contraire je suis très gentil- Jean-François Mercier
noiraud
Manitou de la Parlotte
Messages : 1301
Inscription : sam. juil. 30, 2005 12:00 am

Message par noiraud »

Ca fait des années que j'ai toujours dit que les femmes n'étaient pas mieux que les hommes, lorsqu'il s'agit des enfants.  En disant cela, j'avais une nuée de femmes qui étaient enragées par mes propos.  La femme, pauvre petite, c'est la faute de son conjoint que ca va mal dans la famille.  Elle n'est jamais responsable.  Pour faire des enfants, ca prend deux personnes pour concevoir un enfant, donc tous les deux sont responsables de l'éducation de leur progéniture.

Il est temps que la société ouvre les yeux.  Oui, au Québec, on maltraite nos enfants, pas chez le voisin.

J'espère que l'enfant qui ne recoit pas l'amour de ses parents biologiques soit adopté le plus tôt possible par des parents qui désirent vraiment donner de l'affection.  Les parents irresponsables, c'est trop tard pour changer, mais un enfant malheureux, on peut le sauver.
Avatar de l’utilisateur
Fabine
Seigneur de la Causerie
Messages : 5494
Inscription : mer. oct. 29, 2003 1:00 am

Message par Fabine »

C'est le meilleur texte depuis longtemps que j'ai lu de Denise Bombardier. Premièrement parce qu'elle exprime absolument ce que j'en pense et deuxièmement parce c'est toute une belle plume.

Habituellement je la trouve pédante, mais pas cette fois-ci.
linus611
Seigneur de la Causerie
Messages : 8521
Inscription : lun. avr. 19, 2004 12:00 am

Message par linus611 »

Moi je ne la trouve absolumentpas  pas pédante au contraire, elle est directe et n'a pas peur de ses opinions, c'est tout. Par contre, je constate, qu'il y en a d'autres qui le sont plus, beaucoup plus et qui se cachent sous de faux airs de cool...

Avatar de l’utilisateur
Fleur de Jasmin
Intronisé au Panthéon
Messages : 26283
Inscription : ven. avr. 09, 2004 12:00 am

Message par Fleur de Jasmin »

Fabine  a écritC'est le meilleur texte depuis longtemps que j'ai lu de Denise Bombardier. Premièrement parce qu'elle exprime absolument ce que j'en pense et deuxièmement parce c'est toute une belle plume.

Habituellement je la trouve pédante, mais pas cette fois-ci.  



Sauf que, je ne l'ai jamais trouvée pédante. Pour moi, elle est ce qu'elle est. Sans plus.

Fabine    
ImageUne fois qu'on a donné son opinion; il serait logique qu'on ne l'ait plus. (Albert Brie) Image
La pudeur sied bien à tout le monde; mais il faut savoir la vaincre et jamais la perdre. (Montesquieu)
Répondre

Revenir à « LA TRIBUNE »