Boisclair ne s'émeut guère des attaques libérales
«Les libéraux jouent à un jeu dangereux», selon Landry
Robert Dutrisac
Édition du jeudi 17 novembre 2005
Québec -- Le chef fraîchement élu du Parti québécois, André Boisclair, prend avec hauteur les attaques que les libéraux, tant à Québec qu'à Ottawa, font pleuvoir sur lui.
La députée péquiste de Matapédia, Danièle Doyer, a chaleureusement félicité son nouveau chef lors du caucus des députés péquistes hier.
Jacques Nadeau
«Je veux me tenir au-dessus de la mêlée», a dit André Boisclair lors de la première conférence de presse qu'il accordait à titre de chef du PQ. M. Boisclair n'a pas manqué de sourire en évoquant les remarques que lui avait réservées hier le ministre fédéral de l'Environnement, Stéphane Dion.
Quant à la sortie du ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, Claude Béchard, qui est revenu sur la consommation passée de cocaïne de M. Boisclair pour affirmer que celui-ci n'a pas l'autorité morale pour devenir premier ministre, M. Boisclair estime que les libéraux ne sont pas au diapason de la population. «La population a parlé. Je les laisse faire. Je me fie au bon jugement des gens et je ne me lancerai pas moi-même dans ce genre d'attaques personnelles», a-t-il dit.
M. Boisclair a souligné que les derniers sondages d'opinion dans la population en général lui donnaient un score semblable à celui qu'il a obtenu mardi de la part des membres du PQ, soit 53,7 %. Les derniers sondages CROP suggèrent qu'entre 44 et 46 % des Québécois estiment que M. Boisclair fera le meilleur chef du PQ.
Pour Bernard Landry, les libéraux, en lançant de telles attaques, vont se nuire. «Les libéraux jouent à un jeu très dangereux qui va leur faire plus mal à eux qu'à d'autres», a dit l'ancien chef du PQ au Devoir.
Son successeur s'est dit fier de ce qu'il a réussi pendant la course. «Il y a quelque chose de positif qui émerge de tout ce débat : c'est la capacité qu'ont les Québécois de se parler, d'accepter des erreurs», a-t-il dit. Selon lui, il existe un mouvement au sein de la population québécoise à l'heure actuelle. «Il y a une vague de fond en ce moment qui est en train de déferler sur le Québec. Il y a de l'intérêt pour la politique», a-t-il fait observer.
André Boisclair ne fera pas son entrée à l'Assemblée nationale de sitôt et pourrait devoir attendre jusqu'aux prochaines élections générales. Le chef péquiste a rejeté hier l'offre formelle que lui a faite Jean Charest de se présenter dans la circonscrïption de Sainte-Marie-Saint-Jacques, où les libéraux ne lui auraient pas opposé de candidat. M. Boisclair a rappelé que M. Charest, qui venait d'être élu chef du Parti libéral du Québec, avait refusé de se présenter dans Argenteuil et était resté sept mois en dehors de l'Assemblée nationale.
M. Boisclair entend se consacrer à rallier les péquistes, à augmenter le nombre de membres et à recruter des candidats avec les comités exécutifs des circonscrïptions en vue des prochaines élections. Le PQ n'est pas prêt pour un rendez-vous électoral, a-t-il réitéré. «Dans cinq mois, je serai heureux de rapporter les progrès», a-t-il dit.
Hier, les députés du PQ ont tenu la réunion de leur caucus, accueillant le nouveau chef par des applaudissements nourris. L'heure était au ralliement. Pauline Marois était fidèle au poste. André Boisclair a eu avec la candidate défaite «une discussion agréable, cordiale et conviviale», a-t-il dit. «Je souhaite qu'elle soit à mes côtés dans les batailles politiques que nous avons à mener.» Mme Marois n'a pas décidé de la suite des choses.
Quant à la chef de l'opposition officielle, Louise Harel, elle conserve son poste, a confirmé M. Boisclair. La leader parlementaire, Diane Lemieux, reste également en place, a-t-on appris.
Le nouveau chef a échangé avec les députés qui ont appuyé d'autres candidats que lui pendant la course, notamment Nicole Léger, Jocelyne Caron et Jonathan Valois, des supporters de Mme Marois. Accompagné d'Elsie Lefebvre, qui avait elle aussi choisi le mauvais cheval en la personne de Richard Legendre, M. Valois a fait sa figure imposée de ralliement devant la presse aux côtés des autres mousquetaires, Alexandre Bourdeau, Stéphan Tremblay et Nicolas Girard qui, eux, avaient opté pour le camp gagnant. Devant le caucus, «André a trouvé les bons mots», a dit le député de Borduas, Jean-Pierre Charbonneau.
Par ailleurs, Gilles Duceppe a fait part de ses félicitations à M. Boisclair, a mentionné celui-ci. Le chef péquiste lui a offert son aide en vue de la prochaine campagne fédérale.
Boisclair ne s'émeut guère des attaques libérales
Boisclair parlera autant de souveraineté que Mulroney du libre échange
Presse Canadienne
Le nouveau chef du Parti québécois, André Boisclair, parlera autant de la souveraineté aux prochaines élections québécoises que l'ancien premier ministre Mulroney du libre-échange aux élections fédérales de 1988 afin d'aller chercher la légitimité nécessaire.
En entrevue à l'émission Le Point de Radio-Canada jeudi soir, M. Boisclair a toutefois laissé entendre qu'il ne s'agira pas d'élections référendaires.
"Je serai clair à l'occasion de la prochaine campagne électorale, c'est là où je vais aller chercher la légitimité pour faire un référendum sur la souveraineté (...)", pour éviter le débat des conditions gagnantes, quitte à le perdre, a-t-il reconnu.
"Je parlerai de souveraineté à la prochaine campagne électorale au moins autant que M. Mulroney a parlé de libre-échange en 1988", a-t-il poursuivi. Le conservateur Brian Mulroney avait fait campagne aux fédérales de 1988 sur l'adhésion au libre-échange avec les Etats-Unis.
M. Boisclair a rappelé que le programme du PQ prévoyait un référendum le plus rapidement possible à l'intérieur du premier mandat "et fiez-vous sur moi, je n'attendrai pas des années".
Il a expliqué que l'action des ministres du gouvernement libéral actuel lui donnaient raison, puisqu'ils "adressent des récriminations fortes au fédéral", notamment le ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, le ministre de l'Environnement, Thomas Mulcair, et le ministre de la Santé, Philippe Couillard.
Selon lui, le "Parti libéral lui-même se radicalise sur la question nationale", reprenant à son compte l'accusation du premier ministre Jean Charest, qui affirmait dimanche à la veille de l'investiture du PQ que les Québecois avaient le choix de radicaliser la politique comme jamais auparavant.
"C'est fini l'époque où on va parler de souveraineté d'un côté, et de l'autre côté, on va parler d'éducation et de santé comme s'il n'y avait pas de lien", a-t-il évoqué en mentionnant le déséquilibre fiscal, tout en ajoutant que "la souveraineté n'est pas la solution magique qui viendra tout régler".
André Boisclair a été élu chef du PQ mardi soir au premier tour avec 53 pour cent des votes.
Presse Canadienne
Le nouveau chef du Parti québécois, André Boisclair, parlera autant de la souveraineté aux prochaines élections québécoises que l'ancien premier ministre Mulroney du libre-échange aux élections fédérales de 1988 afin d'aller chercher la légitimité nécessaire.
En entrevue à l'émission Le Point de Radio-Canada jeudi soir, M. Boisclair a toutefois laissé entendre qu'il ne s'agira pas d'élections référendaires.
"Je serai clair à l'occasion de la prochaine campagne électorale, c'est là où je vais aller chercher la légitimité pour faire un référendum sur la souveraineté (...)", pour éviter le débat des conditions gagnantes, quitte à le perdre, a-t-il reconnu.
"Je parlerai de souveraineté à la prochaine campagne électorale au moins autant que M. Mulroney a parlé de libre-échange en 1988", a-t-il poursuivi. Le conservateur Brian Mulroney avait fait campagne aux fédérales de 1988 sur l'adhésion au libre-échange avec les Etats-Unis.
M. Boisclair a rappelé que le programme du PQ prévoyait un référendum le plus rapidement possible à l'intérieur du premier mandat "et fiez-vous sur moi, je n'attendrai pas des années".
Il a expliqué que l'action des ministres du gouvernement libéral actuel lui donnaient raison, puisqu'ils "adressent des récriminations fortes au fédéral", notamment le ministre des Affaires intergouvernementales, Benoît Pelletier, le ministre de l'Environnement, Thomas Mulcair, et le ministre de la Santé, Philippe Couillard.
Selon lui, le "Parti libéral lui-même se radicalise sur la question nationale", reprenant à son compte l'accusation du premier ministre Jean Charest, qui affirmait dimanche à la veille de l'investiture du PQ que les Québecois avaient le choix de radicaliser la politique comme jamais auparavant.
"C'est fini l'époque où on va parler de souveraineté d'un côté, et de l'autre côté, on va parler d'éducation et de santé comme s'il n'y avait pas de lien", a-t-il évoqué en mentionnant le déséquilibre fiscal, tout en ajoutant que "la souveraineté n'est pas la solution magique qui viendra tout régler".
André Boisclair a été élu chef du PQ mardi soir au premier tour avec 53 pour cent des votes.
Pauline Marois réfléchit à son avenir politique loin du Québec
Presse Canadienne
Pauline Marois prend un peu de recul durant la semaine qui vient pour réfléchir à son avenir politique.
Celle qui est arrivée deuxième, mardi, dans la course à la direction du Parti québécois, ira passer une semaine loin du Québec pour des vacances avec son mari, Claude Blanchet.
La seule apparition publique l'horaire de Mme Marois sera sa participation
à l'émission de variétés "Tout le monde en parle", à Radio-Canada, dimanche, émission enregistreée jeudi soir.
La députée de Taillon n'a accordé aucune entrevue depuis sa défaite du 15 novembre, aux mains d'André Boisclair.
Mardi soir, après avoir appris le résultat du vote des militants péquistes, Mme Marois avait fait une courte déclaration à la presse pour dire qu'elle acceptait le verdict des membres et se ralliait au nouveau chef, sans prendre aucune question des journalistes.
Pauline Marois préfère réfléchir à son avenir, avant de contacter les journalistes, a expliqué jeudi une source proche de l'ex-aspirante au poste de chef du PQ.
Mme Marois et M. Boisclair n'ont eu qu'une seule et brève conversation depuis le résultat des élections et la députée de Taillon ne sait toujours pas quel rôle le nouveau chef lui réserve.
Il ne lui a pas offert le poste de chef de l'opposition officielle, une des seules fonctions prestigieuses, avec celle de leader, disponibles dans l'opposition.
M. Boisclair a préféré maintenir Louise Harel dans le siège de chef de l'opposition, et s'il lui avait offert le poste tout indique que Mme Marois aurait décliné l'offre, indique un proche.
Mardi soir, dans son premier discours en tant que chef, André Boisclair a pris "l'engagement solennel" de réserver à sa principale rivale une place de choix dans son entourage.
Durant la campagne au leadership, Mme Marois a toujours indiqué qu'en cas de défaite elle se rallierait et continuerait à se battre pour la souveraineté du Québec.
Presse Canadienne
Pauline Marois prend un peu de recul durant la semaine qui vient pour réfléchir à son avenir politique.
Celle qui est arrivée deuxième, mardi, dans la course à la direction du Parti québécois, ira passer une semaine loin du Québec pour des vacances avec son mari, Claude Blanchet.
La seule apparition publique l'horaire de Mme Marois sera sa participation
à l'émission de variétés "Tout le monde en parle", à Radio-Canada, dimanche, émission enregistreée jeudi soir.
La députée de Taillon n'a accordé aucune entrevue depuis sa défaite du 15 novembre, aux mains d'André Boisclair.
Mardi soir, après avoir appris le résultat du vote des militants péquistes, Mme Marois avait fait une courte déclaration à la presse pour dire qu'elle acceptait le verdict des membres et se ralliait au nouveau chef, sans prendre aucune question des journalistes.
Pauline Marois préfère réfléchir à son avenir, avant de contacter les journalistes, a expliqué jeudi une source proche de l'ex-aspirante au poste de chef du PQ.
Mme Marois et M. Boisclair n'ont eu qu'une seule et brève conversation depuis le résultat des élections et la députée de Taillon ne sait toujours pas quel rôle le nouveau chef lui réserve.
Il ne lui a pas offert le poste de chef de l'opposition officielle, une des seules fonctions prestigieuses, avec celle de leader, disponibles dans l'opposition.
M. Boisclair a préféré maintenir Louise Harel dans le siège de chef de l'opposition, et s'il lui avait offert le poste tout indique que Mme Marois aurait décliné l'offre, indique un proche.
Mardi soir, dans son premier discours en tant que chef, André Boisclair a pris "l'engagement solennel" de réserver à sa principale rivale une place de choix dans son entourage.
Durant la campagne au leadership, Mme Marois a toujours indiqué qu'en cas de défaite elle se rallierait et continuerait à se battre pour la souveraineté du Québec.
Quelque chose de grand...
Michel Venne
Édition du lundi 21 novembre 2005
Dans le flot de paroles qui a suivi sa victoire sans équivoque à la présidence du Parti québécois, j'ai retenu en particulier deux choses exprimées par André Boisclair.
«Quelque chose de grand», dit-il, est en train de se produire au Québec : des milliers de jeunes s'engagent en politique dans le but de bâtir un pays de prospérité, de justice, de développement durable, de paix...
Je suis resté accroché quelques instants à cette déclaration que d'aucuns trouvent «vide» mais qui, pour ma part, est l'expression du sens même de son élection. André Boisclair incarne l'espoir d'un renouveau de la politique. Le nombre de membres du Parti québécois a doublé en six mois. Il en est largement responsable.
Cela étant, il a placé sur ses propres épaules une responsabilité très lourde. On pourrait comprendre qu'il éprouve parfois un certain vertige devant elle.
Les réactions à la désignation du cinquième successeur de René Lévesque à la tête du PQ indiquent à quel point nous avons besoin non seulement d'idées neuves, mais d'un peu de cette grandeur appelée de ses voeux par le nouveau chef. Entre les losers de Pierre Pettigrew et les insinuations des ministres libéraux à Québec, nous avions l'embarras du choix au rayon de la mesquinerie.
Oui, nous avons besoin que quelque chose de grand arrive au Québec. Et pour que cela advienne, il faut commencer par le dire. André Boisclair sait très bien quel sera le prix à payer si les actes ne suivent pas les paroles.
Devant lui, je reste perplexe. J'avais exprimé ma préférence pour Pauline Marois. Mais devant les nécessités de l'époque, je n'ai guère envie de chicaner sur le choix des partisans péquistes. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ont eu de l'audace. Et de l'audace, il en faudra au cours des prochaines années, non seulement pour faire un pays souverain, mais aussi pour faire face au choc démographique, réinventer l'État-providence, renouveler notre économie dans un contexte de mondialisation, combattre le cynisme...
Il ne s'agit pas ici de «donner la chance au coureur». Mais de prendre la mesure de l'objectif fixé par le nouveau chef du Parti québécois. Il faut remettre en marche le Québec révolutionnaire tranquille, le Québec créatif, lucide et solidaire, capable de faire front.
Seul, André Boisclair ne pourra rien. J'interprète sa déclaration comme une invitation. Je note que les factions adverses au sein du parti se rallient de bonne grâce.
Je salue en particulier la magnanimité et le sens de l'État de l'une de nos meilleures femmes politiques, madame Pauline Marois, qui semble décidée à rester dans les rangs lors des prochaines élections. André Boisclair aura besoin d'elle. J'espère qu'il le croit lorsqu'il le dit.
J'ai eu peur, un moment, que le PQ se scinde, les gauchistes se ruant sur l'Option citoyenne, les droitistes sur l'ADQ. Si cela se produisait, les prochaines élections n'auraient guère de sens. Il faut que les électeurs aient un choix réel entre le gouvernement sortant et une opposition solide pour qu'ils daignent exercer leur droit de vote.
***
L'autre phrase que j'ai retenue du discours de M. Boisclair porte sur les vraies choses de la vie. Je cite de mémoire : «La loi de l'offre et de la demande ne doit pas dicter les règles d'accès aux services publics.» Je présume qu'il parlait de santé et d'éducation. Il doit maintenant adapter cette maxime aux dossiers particuliers que l'actualité met sur son chemin.
Bien sûr, on s'attendrait à ce qu'il emboîte le pas de ses députés qui s'opposent à l'introduction de l'assurance privée pour les soins médicaux et hospitaliers que propose le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, dans la foulée du jugement Chaoulli. Au lieu de cela, il a esquivé les questions sur ce sujet l'autre soir à la télévision, se réfugiant maladroitement derrière le déséquilibre fiscal et reportant après la souveraineté la résolution de ce débat.
Mais de lui, on attend encore davantage qu'un simple rejet du privé (le privé représente déjà 30 % des dépenses de santé au Québec). On voudrait qu'il nous dise quelle sera, selon lui, la meilleure façon d'organiser et de financer les services de santé dans l'avenir pour assurer l'équité entre les générations sans pour autant que «la loi de l'offre et la demande» régisse l'accès aux services.
D'autres sujets devraient lui permettre de montrer qui il est vraiment.
Depuis des semaines, dans l'ombre, le député péquiste Camil Bouchard, l'un des meilleurs experts de la petite enfance au Québec (il était l'auteur du rapport Un Québec fou de ses enfants), se bat, avec l'appui du milieu, pour empêcher l'adoption d'un projet de loi sur les services de garde qui est en train de dénaturer l'une des plus belles innovations sociales québécoises des dernières années, les centres de la petite enfance (CPE).
L'un des risques que fait courir cette loi est de faciliter la privatisation et à la commercialisation des services de garde en milieu familial.
M. Boisclair, sur qui sont braqués tous les projecteurs, pourrait en faire son premier cheval de bataille. Très concret. Très proche des besoins des Québécois d'aujourd'hui. Lié au défi démographique. En lien direct avec son engagement en faveur de l'éducation.
Ce sujet est d'autant plus indiqué qu'il pourrait associer à cette campagne non seulement le député Camil Bouchard, mais aussi Pauline Marois, puisque c'est elle qui a mis les CPE au monde lorsqu'elle était ministre de l'Éducation et de la Famille.
André Boisclair a lancé un train. La réaction de ses adversaires montre qu'ils sont inquiets. Il doit convaincre de sa solidité et de sa... grandeur. C'est dans l'action qu'il y parviendra ou qu'il échouera.
Michel Venne
Édition du lundi 21 novembre 2005
Dans le flot de paroles qui a suivi sa victoire sans équivoque à la présidence du Parti québécois, j'ai retenu en particulier deux choses exprimées par André Boisclair.
«Quelque chose de grand», dit-il, est en train de se produire au Québec : des milliers de jeunes s'engagent en politique dans le but de bâtir un pays de prospérité, de justice, de développement durable, de paix...
Je suis resté accroché quelques instants à cette déclaration que d'aucuns trouvent «vide» mais qui, pour ma part, est l'expression du sens même de son élection. André Boisclair incarne l'espoir d'un renouveau de la politique. Le nombre de membres du Parti québécois a doublé en six mois. Il en est largement responsable.
Cela étant, il a placé sur ses propres épaules une responsabilité très lourde. On pourrait comprendre qu'il éprouve parfois un certain vertige devant elle.
Les réactions à la désignation du cinquième successeur de René Lévesque à la tête du PQ indiquent à quel point nous avons besoin non seulement d'idées neuves, mais d'un peu de cette grandeur appelée de ses voeux par le nouveau chef. Entre les losers de Pierre Pettigrew et les insinuations des ministres libéraux à Québec, nous avions l'embarras du choix au rayon de la mesquinerie.
Oui, nous avons besoin que quelque chose de grand arrive au Québec. Et pour que cela advienne, il faut commencer par le dire. André Boisclair sait très bien quel sera le prix à payer si les actes ne suivent pas les paroles.
Devant lui, je reste perplexe. J'avais exprimé ma préférence pour Pauline Marois. Mais devant les nécessités de l'époque, je n'ai guère envie de chicaner sur le choix des partisans péquistes. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ont eu de l'audace. Et de l'audace, il en faudra au cours des prochaines années, non seulement pour faire un pays souverain, mais aussi pour faire face au choc démographique, réinventer l'État-providence, renouveler notre économie dans un contexte de mondialisation, combattre le cynisme...
Il ne s'agit pas ici de «donner la chance au coureur». Mais de prendre la mesure de l'objectif fixé par le nouveau chef du Parti québécois. Il faut remettre en marche le Québec révolutionnaire tranquille, le Québec créatif, lucide et solidaire, capable de faire front.
Seul, André Boisclair ne pourra rien. J'interprète sa déclaration comme une invitation. Je note que les factions adverses au sein du parti se rallient de bonne grâce.
Je salue en particulier la magnanimité et le sens de l'État de l'une de nos meilleures femmes politiques, madame Pauline Marois, qui semble décidée à rester dans les rangs lors des prochaines élections. André Boisclair aura besoin d'elle. J'espère qu'il le croit lorsqu'il le dit.
J'ai eu peur, un moment, que le PQ se scinde, les gauchistes se ruant sur l'Option citoyenne, les droitistes sur l'ADQ. Si cela se produisait, les prochaines élections n'auraient guère de sens. Il faut que les électeurs aient un choix réel entre le gouvernement sortant et une opposition solide pour qu'ils daignent exercer leur droit de vote.
***
L'autre phrase que j'ai retenue du discours de M. Boisclair porte sur les vraies choses de la vie. Je cite de mémoire : «La loi de l'offre et de la demande ne doit pas dicter les règles d'accès aux services publics.» Je présume qu'il parlait de santé et d'éducation. Il doit maintenant adapter cette maxime aux dossiers particuliers que l'actualité met sur son chemin.
Bien sûr, on s'attendrait à ce qu'il emboîte le pas de ses députés qui s'opposent à l'introduction de l'assurance privée pour les soins médicaux et hospitaliers que propose le ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, dans la foulée du jugement Chaoulli. Au lieu de cela, il a esquivé les questions sur ce sujet l'autre soir à la télévision, se réfugiant maladroitement derrière le déséquilibre fiscal et reportant après la souveraineté la résolution de ce débat.
Mais de lui, on attend encore davantage qu'un simple rejet du privé (le privé représente déjà 30 % des dépenses de santé au Québec). On voudrait qu'il nous dise quelle sera, selon lui, la meilleure façon d'organiser et de financer les services de santé dans l'avenir pour assurer l'équité entre les générations sans pour autant que «la loi de l'offre et la demande» régisse l'accès aux services.
D'autres sujets devraient lui permettre de montrer qui il est vraiment.
Depuis des semaines, dans l'ombre, le député péquiste Camil Bouchard, l'un des meilleurs experts de la petite enfance au Québec (il était l'auteur du rapport Un Québec fou de ses enfants), se bat, avec l'appui du milieu, pour empêcher l'adoption d'un projet de loi sur les services de garde qui est en train de dénaturer l'une des plus belles innovations sociales québécoises des dernières années, les centres de la petite enfance (CPE).
L'un des risques que fait courir cette loi est de faciliter la privatisation et à la commercialisation des services de garde en milieu familial.
M. Boisclair, sur qui sont braqués tous les projecteurs, pourrait en faire son premier cheval de bataille. Très concret. Très proche des besoins des Québécois d'aujourd'hui. Lié au défi démographique. En lien direct avec son engagement en faveur de l'éducation.
Ce sujet est d'autant plus indiqué qu'il pourrait associer à cette campagne non seulement le député Camil Bouchard, mais aussi Pauline Marois, puisque c'est elle qui a mis les CPE au monde lorsqu'elle était ministre de l'Éducation et de la Famille.
André Boisclair a lancé un train. La réaction de ses adversaires montre qu'ils sont inquiets. Il doit convaincre de sa solidité et de sa... grandeur. C'est dans l'action qu'il y parviendra ou qu'il échouera.