Non aux débats sur les virgules
Boisclair refuse la création d'un club de «purs et durs»
Antoine Robitaille
Édition du vendredi 12 mai 2006
Le chef péquiste André Boisclair estime que les débats byzantins de son parti, dans lesquels s'inscrit à ses yeux le récent Manifeste pour une approche réaliste de la souveraineté, découragent les jeunes générations d'y adhérer.
«Ce qui est malheureux quand on s'enfarge dans tous ces débats, c'est qu'on en vient à percevoir les gens du Parti québécois comme étant des référendistes avant d'être des souverainistes», a-t-il confié au Devoir hier.
Contraint de réagir audit manifeste, dont nous avons publié de larges extraits dans notre page Idées d'hier (la version complète se trouvant au www.ledevoir.com), M. Boisclair a eu ces mots : «J'apprécie le travail que font des "exégètes", et ce sont des gens talentueux. Mais la réalité, c'est que pendant que nous débattons de nos virgules et de nos traits d'union [...], la jeune génération se sent bien loin de tous ces débats.» M. Boisclair a fait remarquer qu'il appartient lui-même à la génération «qui n'a pas participé au débat sur le trait d'union [entre «souveraineté» et «association»]», dans les années 70. Il insiste pour dire que «ce que nous souhaitons, c'est un pays». Semblant faire écho aux récents propos des artistes Michel Tremblay et Robert Lepage, M. Boisclair a dit qu'il fallait se «recentrer» sur les motivations profondes de faire la souveraineté, «le sens de la démarche», sans quoi «tous ces débats demeureront essentiellement théoriques».
Les «exégètes» auxquels le chef péquiste fait référence sont le militant Marc Brière et l'ancien conseiller de René Lévesque, Jean-Roch Boivin, mais aussi les universitaires Jacques Beauchemin, Guy Lachapelle et Henry Milner, entre autres.
Dans leur manifeste touffu, les pétitionnaires affirment notamment que la règle «légale» d'accession à la souveraineté a beau être celle des «50 % plus une voix», en pratique, «la position du Québec serait alors si fragile et le résultat du référendum si ouvert à la contestation que la situation pourrait être intenable, insoutenable pour une majorité même de Québécois».
M. Boisclair a donc été contraint de réaffirmer que «le standard démocratique qu'il faut reconnaître» en matière d'accession du Québec à la souveraineté était celui des «50 % des votes plus un». Un autre standard que celui-là équivaudrait à «donner un droit de veto à la minorité» anglophone, a-t-il dit. Sans surprise toutefois, M. Boisclair a affirmé que ce que les souverainistes doivent viser, c'est «une majorité encore plus importante de gens qui appuient le OUI».
Le chef péquiste a aussi indiqué qu'il n'avait aucune intention de modifier le programme actuel du Parti québécois, comme les «réalistes» lui intiment de le faire dans leur manifeste. À l'instar de l'ancien mandarin et ex-candidat à la direction du PQ, Louis Bernard, les «réalistes» estiment que le programme va trop loin quand il prône l'adoption d'une «déclaration unilatérale d'indépendance» dès le lendemain d'un OUI gagnant. À cet égard, M. Boisclair a rappelé son interprétation du programme, «plein de flexibilité» à ses dires, qui lui permet de promettre une «résolution de reconnaissance du résultat» le lendemain d'un OUI. On comprend que la déclaration unilatérale d'indépendance reste une solution de rechange en cas de mauvaise foi de la part du reste du Canada lors d'éventuelles négociations.
Pas de club de purs et durs
Par ailleurs, M Boisclair a aussi indiqué qu'il s'opposera à la demande de certains «purs et durs» du parti qui souhaitent créer un «club politique» en faveur d'une «élection référendaire», entité rendue possible depuis la refonte des statuts de cette formation l'an dernier. Là-dessus, M. Boisclair s'est montré limpide : «Il m'apparaît que leur demande n'est pas recevable parce qu'elle va à l'encontre du programme du Parti québécois de façon claire, nette et tranchée.»
Malgré tout, M. Boisclair a insisté pour dire qu'il accueillait bien tous ces débats. Il a remercié les pétitionnaires «réalistes» et a dit trouver «sain» que, à l'autre bout du spectre, des «purs et durs» veuillent fonder un club. «Je suis très confortable dans ce parti-là. C'est un véhicule puissant. Je ne vois pas de difficultés sur ces questions-là. Le Parti québécois, c'est une grande famille», a-t-il soutenu.
«Chasse aux caribous», dit Le Québécois
Par ailleurs, du côté de l'organe des «jeunes purs et durs», Le Québécois, on a très mal réagi, on s'en doute, au manifeste des «réalistes». «La chasse aux caribous est ouverte !», écrivaient hier sur leur site Internet les souverainistes Patrick Bourgeois et René Boulanger. «Grâce au manifeste des réalistes, on a une nouvelle fois la preuve que les modérés sont prêts à bien des compromissions pour obtenir le privilège de gérer une province qui n'a plus, dans le contexte canadien, les moyens de ses ambitions. Provincialistes-péquisto-réalistes ou indépendantistes-jusqu'au-boutistes : en ce qui nous concerne, notre choix est fait.»
Boisclair refuse la création d'un club de «purs et durs»
Le vendredi 12 mai 2006- Michel C. Auger
CHRONIQUE
Les messages d’André Boisclair
Le parti qui dévore ses chefs est-il déjà prêt à bouffer le nouveau? Ce n’est pas encore le cas, mais tout ne va pas pour le mieux au Parti québécois ces jours-ci et l’ensemble du mouvement souverainiste traverse une crise de morosité depuis la dernière élection fédérale. Mais est-ce la faute d’André Boisclair?
Le nouveau chef du PQ a fait des erreurs stratégiques depuis son élection, il y aura six mois ce lundi. La principale fait en sorte qu’on ne le voit pas. Ce fut un mauvais choix stratégique que de ne pas entrer au plus tôt à l’Assemblée nationale. On dira ce que l’on voudra, mais c’est là que se discutent les grands enjeux et c’est là qu’on a le plus de visibilité quand on veut en parler.
L’argument de faire des tournées régionales pour reconstruire le parti ne tient plus. Nous sommes à l’ère des communications et on peut facilement être à la période des questions à l’Assemblée nationale à 14 heures et rencontrer des militants à peu près n’importe où au Québec le soir même. Mais l’inverse n’est pas vrai : on ne peut pas débattre à l’Assemblée nationale si on n’est pas député.
C’est bien d’être vu à la télé de Matane, mais quand on s’exprime à l’Assemblée nationale sur le sujet du jour, on est vu sur toutes les télés et aussi à Matane. Le job de Chef de l’Opposition à Québec est l’un des plus frustrants qui soit, mais c’est encore la meilleure tribune pour passer son message.
Le message, c’est justement l’autre problème de M. Boisclair. Les premiers ministres qui ont eu du succès au Québec ont toujours incarné une grande idée qui dépassait le débat entre souverainistes et fédéralistes. Robert Bourassa parlait d’emploi et de l’énergie du Nord. René Lévesque voulait nettoyer les mœurs politiques. Lucien Bouchard a terrassé le déficit.
Or, M. Boisclair n’incarne rien d’autre que le programme du PQ adopté au congrès de juin dernier. Un programme qui prévoit un référendum sur la souveraineté le plus tôt possible dans le mandat. Un programme que Jacques Parizeau a déjà qualifié de «rempli de conneries» et qui sera aussi difficile à défendre pendant une campagne électorale qu’inapplicable après l’élection.
Pas besoin de sondages très sophistiqués pour savoir que ce n’est pas du tout ce dont les Québécois veulent entendre parler à ce moment-ci.
Avant M. Boisclair, le PQ a eu cinq chefs et quatre d’entre eux ont mené une campagne électorale sans promettre un référendum parce que les conditions n’étaient pas réunies. Or, le désir immédiat des Québécois, c’est de changer de gouvernement, pas de changer de régime politique. Pourquoi faudrait-il que le nouveau chef péquiste soit tenu à des standards plus élevés que René Lévesque ou Bernard Landry?
M. Boisclair doit reconnaître que la conjoncture politique s’est radicalement modifiée depuis son élection comme chef du PQ. C’est d’autant plus facile que ça n’a pas grand-chose à voir avec sa performance.
On notera à cet égard que Gilles Duceppe – qui aurait bien pu devenir chef du PQ l’automne dernier, s’il avait choisi de se présenter – n’a pas particulièrement l’air d’un gagnant ces jours-ci. Ni lui, ni personne, n’aurait prévu, il y a six mois, la percée des conservateurs au Québec. Et si des élections fédérales avaient lieu aujourd’hui, il est probable que le Bloc québécois perdrait encore des sièges.
La conjoncture politique créée par l’élection de Stephen Harper n’oblige pas les souverainistes à jeter leur option avec l’eau du bain, mais elle les force à revoir leur stratégie. Une élection qui deviendrait un référendum avant la lettre serait suicidaire pour le PQ. Jean Charest, en tout cas, ne rêve que de cela.
Pour André Boisclair, cela signifie d’entrer le plus tôt possible à l’Assemblée nationale. Mais aussi d’avoir une grande idée, une vision de l’avenir du Québec, qu’il ferait sienne et à laquelle les Québécois pourraient l’associer.
Modeste suggestion : à voir Jean Charest englué dans le dossier d’Orford et Stephen Harper qui fait campagne contre Kyoto, ce pourrait très bien être l’environnement. Ce peut être autre chose. Mais André Boisclair doit incarner une vision qui dépasse le programme du congrès péquiste de juin dernier
CHRONIQUE
Les messages d’André Boisclair
Le parti qui dévore ses chefs est-il déjà prêt à bouffer le nouveau? Ce n’est pas encore le cas, mais tout ne va pas pour le mieux au Parti québécois ces jours-ci et l’ensemble du mouvement souverainiste traverse une crise de morosité depuis la dernière élection fédérale. Mais est-ce la faute d’André Boisclair?
Le nouveau chef du PQ a fait des erreurs stratégiques depuis son élection, il y aura six mois ce lundi. La principale fait en sorte qu’on ne le voit pas. Ce fut un mauvais choix stratégique que de ne pas entrer au plus tôt à l’Assemblée nationale. On dira ce que l’on voudra, mais c’est là que se discutent les grands enjeux et c’est là qu’on a le plus de visibilité quand on veut en parler.
L’argument de faire des tournées régionales pour reconstruire le parti ne tient plus. Nous sommes à l’ère des communications et on peut facilement être à la période des questions à l’Assemblée nationale à 14 heures et rencontrer des militants à peu près n’importe où au Québec le soir même. Mais l’inverse n’est pas vrai : on ne peut pas débattre à l’Assemblée nationale si on n’est pas député.
C’est bien d’être vu à la télé de Matane, mais quand on s’exprime à l’Assemblée nationale sur le sujet du jour, on est vu sur toutes les télés et aussi à Matane. Le job de Chef de l’Opposition à Québec est l’un des plus frustrants qui soit, mais c’est encore la meilleure tribune pour passer son message.
Le message, c’est justement l’autre problème de M. Boisclair. Les premiers ministres qui ont eu du succès au Québec ont toujours incarné une grande idée qui dépassait le débat entre souverainistes et fédéralistes. Robert Bourassa parlait d’emploi et de l’énergie du Nord. René Lévesque voulait nettoyer les mœurs politiques. Lucien Bouchard a terrassé le déficit.
Or, M. Boisclair n’incarne rien d’autre que le programme du PQ adopté au congrès de juin dernier. Un programme qui prévoit un référendum sur la souveraineté le plus tôt possible dans le mandat. Un programme que Jacques Parizeau a déjà qualifié de «rempli de conneries» et qui sera aussi difficile à défendre pendant une campagne électorale qu’inapplicable après l’élection.
Pas besoin de sondages très sophistiqués pour savoir que ce n’est pas du tout ce dont les Québécois veulent entendre parler à ce moment-ci.
Avant M. Boisclair, le PQ a eu cinq chefs et quatre d’entre eux ont mené une campagne électorale sans promettre un référendum parce que les conditions n’étaient pas réunies. Or, le désir immédiat des Québécois, c’est de changer de gouvernement, pas de changer de régime politique. Pourquoi faudrait-il que le nouveau chef péquiste soit tenu à des standards plus élevés que René Lévesque ou Bernard Landry?
M. Boisclair doit reconnaître que la conjoncture politique s’est radicalement modifiée depuis son élection comme chef du PQ. C’est d’autant plus facile que ça n’a pas grand-chose à voir avec sa performance.
On notera à cet égard que Gilles Duceppe – qui aurait bien pu devenir chef du PQ l’automne dernier, s’il avait choisi de se présenter – n’a pas particulièrement l’air d’un gagnant ces jours-ci. Ni lui, ni personne, n’aurait prévu, il y a six mois, la percée des conservateurs au Québec. Et si des élections fédérales avaient lieu aujourd’hui, il est probable que le Bloc québécois perdrait encore des sièges.
La conjoncture politique créée par l’élection de Stephen Harper n’oblige pas les souverainistes à jeter leur option avec l’eau du bain, mais elle les force à revoir leur stratégie. Une élection qui deviendrait un référendum avant la lettre serait suicidaire pour le PQ. Jean Charest, en tout cas, ne rêve que de cela.
Pour André Boisclair, cela signifie d’entrer le plus tôt possible à l’Assemblée nationale. Mais aussi d’avoir une grande idée, une vision de l’avenir du Québec, qu’il ferait sienne et à laquelle les Québécois pourraient l’associer.
Modeste suggestion : à voir Jean Charest englué dans le dossier d’Orford et Stephen Harper qui fait campagne contre Kyoto, ce pourrait très bien être l’environnement. Ce peut être autre chose. Mais André Boisclair doit incarner une vision qui dépasse le programme du congrès péquiste de juin dernier
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