Les papas se bousculent autour du berceau
Jacinthe Tremblay
La Presse
Collaboration spéciale
En l'espace de cinq ans, le nombre de pères qui ont demandé un congé lors de la naissance ou de l'adoption d'un enfant a quadruplé, confirmant une véritable ruée des nouveaux papas auprès des berceaux.
Au cours des trois premiers mois de l'année, quatre pères québécois sur 10 ont pris un tel congé, a révélé à La Presse le Conseil de gestion de l'assurance parentale. On ne dispose pas de données antérieures sur ce phénomène au Québec.
Cependant, selon Statistique Canada, cette proportion était de un sur 10 à l'échelle du pays en 2001, sous le régime fédéral de congés parentaux, une indication que le phénomène prend de l'ampleur.
Or, la «ruée au berceau» pourrait être encore plus importante que ce bond de 300%, puisque les nouveaux pères disposent d'un an pour prendre le congé qui leur est réservé.
«Il est tout à fait possible que plusieurs d'entre eux aient décidé d'attendre pour faire une demande de prestations. Le taux de participation des pères au régime pourrait donc augmenter. Chose certaine, nos premières données laissent déjà entrevoir un changement important de comportement chez les pères», indique Denis Latulipe, PDG du Conseil de gestion de l'assurance parentale.
Pendant le premier trimestre de 2006, 15 000 mères et 6000 pères ont reçu des prestations. Celles-ci s'élevaient en moyenne à 825 pour 15 jours pour les femmes, et de 1000 pour les hommes.
«C'est le reflet des écarts de rémunération entre les deux sexes sur le marché du travail», souligne M. Latulippe.
Au 18 juillet dernier, le Conseil avait accepté 43 000 demandes et versé 222 millions de dollars aux nouveaux parents. L'organisme a estimé à 1,08 milliard les coûts du régime pour 2006. De cette somme, 55 millions sont destinés aux congés réservés aux pères.
«L'évolution du régime est conforme à nos prévisions. Pour cette raison, tout indique que les taux de cotisation pour les employeurs, les salariés et les travailleurs autonomes ne bougeront pas l'an prochain», indique M. Latulippe.
D'autres tendances
En plus de révéler une hausse marquée des congés de paternité, les données du Conseil laissent entrevoir d'autres tendances.
Ainsi, trois salariés sur quatre optent pour la formule du régime qui prévoit de plus longs congés accompagnés de prestations moins élevées. Dans une proportion de trois sur cinq, les travailleurs autonomes choisissent un congé plus court et des prestations plus élevées.
Les données de janvier à mars indiquent enfin que les travailleurs autonomes forment 5% des prestataires et qu'ils reçoivent 4% du total des sommes versées. C'est un autre reflet des écarts de rémunération entre ce groupe et les salariés.
Les papas se bousculent autour du berceau
Les nouveaux papas en congé
Jacinthe Tremblay
La Presse
Collaboration spéciale
Depuis le mois de janvier, les départs en congé de paternité sont en hausse dans les entreprises. Certaines y voient même des avantages.
Le 30 décembre 2005, la conjointe d'un ingénieur d'Octasic, une entreprise de conception de puces électroniques pour les réseaux de télécommunications, donnait naissance à leur premier rejeton.
L'heureux événement a été accueilli par des félicitations et des blagues de collègues, car il est survenu à un moment inopportun.
Le couple avait raté de deux jours l'entrée en vigueur du nouveau régime québécois d'assurance parentale, qui prévoit une hausse des prestations et- grande nouveauté-- qui accorde un congé réservé aux pères.
«En janvier, ce sujet était sur toutes les lèvres. Les futurs pères demandaient à ceux qui s'étaient absentés l'an dernier de raconter leur expérience. Ils voulaient savoir ce qu'ils avaient fait pendant cette période», raconte Lucie Gélinas, vice-présidente finances, administration et ressources humaines d'Octasic.
Environ 75 % des 65 employés de cette PME sont des hommes de moins de 35 ans. Depuis janvier dernier, deux d'entre eux ont pris un congé de paternité et deux autres s'y préparent.
Un scénario similaire se déroule dans plusieurs entreprises consultées par La Presse Affaires.
«Jusqu'en janvier dernier, très peu d'hommes prenaient un congé parental. Depuis le début de l'année, une dizaine de demandes ont été portées à notre attention dans la région de Montréal. C'est un changement très significatif», note Geneviève Lalonde, directrice par intérim des ressources humaines chez Raymond, Chabot, Grant, Thorton.
À la Financière Banque Nationale, 11 courtiers et analystes ont pris un congé parental depuis janvier. L'an dernier, il n'y en avait eu qu'un seul.
À Autodesk Media & Entertainment (anciennement Discreet Logic), trois des 286 employés masculins ont déjà utilisé leur droit au congé de paternité depuis le début de l'année, alors que cinq s'étaient absentés pendant toute l'année 2005. Deux d'entre eux ont pris trois mois et un autre huit mois.
«Quand je suis arrivée chez Discreet Logic, il y a 11 ans, ceux qui prenaient un tel congé étaient très rares. On sent un changement depuis les cinq dernières années. Si la tendance se maintient, on assistera à un vrai boom cette année», observe Joanie Michel, directrice des ressources humaines d'Autodesk M&E.
Louise Germain, conseillère en ressources humaines au Groupe Cossette, juge prématuré de comparer avec l'an dernier.
«Il faudra attendre un an avant de voir s'il y a une hausse, car plusieurs pères n'utilisent pas le congé au moment de la naissance. Chose certaine, ceux qui partent depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime sont plus contents», dit-elle.
Mme Germain a observé que plusieurs jeunes papas utilisent leurs vacances annuelles au moment de la naissance et attendent que le rejeton ait quelques mois avant de se prévaloir du congé de paternité.
«En général, nos employés masculins prennent cinq semaines», précise-t-elle.
Créer un lien
Éloi Courchesne, 33 ans, directeur des affaires publiques et des communications à Optimum, membre du Groupe Cossette, amorcera dans quelques jours une longue période de tête à tête avec Zoé, sa deuxième fille, née en avril dernier.
À sa naissance, il a utilisé, comme plusieurs de ses collègues, trois semaines de ses vacances annuelles.
Son vrai congé de paternité débutera par des vacances en France avec sa femme, Élisabeth Patterson, et leurs filles Zoé et Céleste, âgée de 2 ans. Au retour, Élisabeth reprendra le boulot et Éloi sera papa à temps plein jusqu'au début de 2007.
Ce papa n'a pas attendu l'instauration du nouveau régime pour adopter la formule. Au moment de la naissance de Céleste, il a passé huit mois et demi avec la petite.
«Les congés parentaux offrent une occasion unique de créer un lien avec l'enfant, surtout pour les pères. Nous avons ainsi l'occasion de participer pleinement au développement du bébé. C'est aussi une occasion de prendre du recul face au travail», dit-il.
Il y a deux ans, Éloi Courchesne était le premier employé de Cossette à choisir d'être avec son enfant pour une période aussi longue. Depuis, l'intérêt pour les congés de paternité de six mois ou plus augmente dans son entourage.
«Je constate aussi que des pères qui ont maintenant un congé réservé ne s'en prévalent pas. C'est dommage», souligne-t-il.
Pour son deuxième congé, Éloi Courchesne a fait appel au service des ressources humaines pour comprendre les impacts des différentes options du nouveau régime. Les couples doivent en effet choisir entre des congés courts ou longs, qui donnent droit à des prestations différentes.
«Cette aide a été importante parce que le programme est un peu compliqué», dit-il.
L'automne dernier, le sociologue Jean-Philippe Pleau déclarait à La Presse Affaires que les employeurs joueraient un rôle crucial dans le succès des nouveaux congés réservés aux pères.
Les données des premiers mois laissent croire que les entreprises ont donné leur bénédiction et même encouragé ce changement social important.
Il faut dire que les congés de paternité réservés, d'une durée de trois à cinq semaines, ne bouleversent pas l'organisation du travail outre mesure. «C'est un peu comme les vacances», note Geneviève Lalonde, de Raymond, Chabot, Grant, Thorton.
Joanie Michel, d'Autodesk M&E, voit même des avantages lorsque les pères s'absentent plus longtemps.
«Nous ouvrons les postes à l'interne et cela permet à des employés d'acquérir de nouvelles expériences. Les longs congés favorisent la mobilité interne», dit-elle.
Jacinthe Tremblay
La Presse
Collaboration spéciale
Depuis le mois de janvier, les départs en congé de paternité sont en hausse dans les entreprises. Certaines y voient même des avantages.
Le 30 décembre 2005, la conjointe d'un ingénieur d'Octasic, une entreprise de conception de puces électroniques pour les réseaux de télécommunications, donnait naissance à leur premier rejeton.
L'heureux événement a été accueilli par des félicitations et des blagues de collègues, car il est survenu à un moment inopportun.
Le couple avait raté de deux jours l'entrée en vigueur du nouveau régime québécois d'assurance parentale, qui prévoit une hausse des prestations et- grande nouveauté-- qui accorde un congé réservé aux pères.
«En janvier, ce sujet était sur toutes les lèvres. Les futurs pères demandaient à ceux qui s'étaient absentés l'an dernier de raconter leur expérience. Ils voulaient savoir ce qu'ils avaient fait pendant cette période», raconte Lucie Gélinas, vice-présidente finances, administration et ressources humaines d'Octasic.
Environ 75 % des 65 employés de cette PME sont des hommes de moins de 35 ans. Depuis janvier dernier, deux d'entre eux ont pris un congé de paternité et deux autres s'y préparent.
Un scénario similaire se déroule dans plusieurs entreprises consultées par La Presse Affaires.
«Jusqu'en janvier dernier, très peu d'hommes prenaient un congé parental. Depuis le début de l'année, une dizaine de demandes ont été portées à notre attention dans la région de Montréal. C'est un changement très significatif», note Geneviève Lalonde, directrice par intérim des ressources humaines chez Raymond, Chabot, Grant, Thorton.
À la Financière Banque Nationale, 11 courtiers et analystes ont pris un congé parental depuis janvier. L'an dernier, il n'y en avait eu qu'un seul.
À Autodesk Media & Entertainment (anciennement Discreet Logic), trois des 286 employés masculins ont déjà utilisé leur droit au congé de paternité depuis le début de l'année, alors que cinq s'étaient absentés pendant toute l'année 2005. Deux d'entre eux ont pris trois mois et un autre huit mois.
«Quand je suis arrivée chez Discreet Logic, il y a 11 ans, ceux qui prenaient un tel congé étaient très rares. On sent un changement depuis les cinq dernières années. Si la tendance se maintient, on assistera à un vrai boom cette année», observe Joanie Michel, directrice des ressources humaines d'Autodesk M&E.
Louise Germain, conseillère en ressources humaines au Groupe Cossette, juge prématuré de comparer avec l'an dernier.
«Il faudra attendre un an avant de voir s'il y a une hausse, car plusieurs pères n'utilisent pas le congé au moment de la naissance. Chose certaine, ceux qui partent depuis l'entrée en vigueur du nouveau régime sont plus contents», dit-elle.
Mme Germain a observé que plusieurs jeunes papas utilisent leurs vacances annuelles au moment de la naissance et attendent que le rejeton ait quelques mois avant de se prévaloir du congé de paternité.
«En général, nos employés masculins prennent cinq semaines», précise-t-elle.
Créer un lien
Éloi Courchesne, 33 ans, directeur des affaires publiques et des communications à Optimum, membre du Groupe Cossette, amorcera dans quelques jours une longue période de tête à tête avec Zoé, sa deuxième fille, née en avril dernier.
À sa naissance, il a utilisé, comme plusieurs de ses collègues, trois semaines de ses vacances annuelles.
Son vrai congé de paternité débutera par des vacances en France avec sa femme, Élisabeth Patterson, et leurs filles Zoé et Céleste, âgée de 2 ans. Au retour, Élisabeth reprendra le boulot et Éloi sera papa à temps plein jusqu'au début de 2007.
Ce papa n'a pas attendu l'instauration du nouveau régime pour adopter la formule. Au moment de la naissance de Céleste, il a passé huit mois et demi avec la petite.
«Les congés parentaux offrent une occasion unique de créer un lien avec l'enfant, surtout pour les pères. Nous avons ainsi l'occasion de participer pleinement au développement du bébé. C'est aussi une occasion de prendre du recul face au travail», dit-il.
Il y a deux ans, Éloi Courchesne était le premier employé de Cossette à choisir d'être avec son enfant pour une période aussi longue. Depuis, l'intérêt pour les congés de paternité de six mois ou plus augmente dans son entourage.
«Je constate aussi que des pères qui ont maintenant un congé réservé ne s'en prévalent pas. C'est dommage», souligne-t-il.
Pour son deuxième congé, Éloi Courchesne a fait appel au service des ressources humaines pour comprendre les impacts des différentes options du nouveau régime. Les couples doivent en effet choisir entre des congés courts ou longs, qui donnent droit à des prestations différentes.
«Cette aide a été importante parce que le programme est un peu compliqué», dit-il.
L'automne dernier, le sociologue Jean-Philippe Pleau déclarait à La Presse Affaires que les employeurs joueraient un rôle crucial dans le succès des nouveaux congés réservés aux pères.
Les données des premiers mois laissent croire que les entreprises ont donné leur bénédiction et même encouragé ce changement social important.
Il faut dire que les congés de paternité réservés, d'une durée de trois à cinq semaines, ne bouleversent pas l'organisation du travail outre mesure. «C'est un peu comme les vacances», note Geneviève Lalonde, de Raymond, Chabot, Grant, Thorton.
Joanie Michel, d'Autodesk M&E, voit même des avantages lorsque les pères s'absentent plus longtemps.
«Nous ouvrons les postes à l'interne et cela permet à des employés d'acquérir de nouvelles expériences. Les longs congés favorisent la mobilité interne», dit-elle.