Renaissance de la natalité ?

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tuberale
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Renaissance de la natalité ?







Photo: Agence Reuters
Le Québec a enregistré 82 500 naissances l'an dernier, soit une hausse de 8 % par rapport aux 76 250 de l'année 2005. Une augmentation qui a fait remonter le taux de natalité à 1,6. Simple coïncidence ou effet du nouveau Régime d'assurance parentale? Difficile à dire. Chose certaine, il apparaît utopique de croire que ce taux continuera de grimper. Il pourrait cependant se stabiliser, si les mesures mises en place par le gouvernement sont maintenues et si le Québec valorise davantage le rôle social de la famille. Car la présente génération de procréateurs, qui a aujourd'hui entre 25 et 35 ans, aurait la fibre familiale.

À 27 ans, Catherine Richer vient tout juste de donner naissance au petit Gustave. À l'instar de plusieurs autres jeunes adultes de sa génération, le désir d'avoir des enfants n'a jamais fait de doute pour elle. «Ç'a toujours été clair que je voulais avoir des enfants, et même que je les voulais avant 30 ans», dit-elle. Des enfants? Oui. Même si elle et son conjoint viennent tout juste de devenir parents, ils se promettent déjà de donner un frère ou une soeur à Gustave dans un délai relativement bref.

Mme Richer mène pourtant, comme plusieurs jeunes adultes de son âge, une carrière professionnelle accaparante. Sa volonté ferme de fonder une famille reflète donc une valeur bien ancrée, et ce, au-delà des mesures sociales. «Je me disais: ma carrière, c'est important, mais avoir des enfants, c'est encore plus important. J'ai choisi de privilégier le fait d'avoir des enfants, même si je n'ai pas du tout l'intention d'arrêter de travailler pour autant, explique-t-elle. En fait, j'ai l'impression que ma génération privilégie beaucoup la famille et le couple, plutôt que la carrière et l'avancement professionnel.»

Pour ce jeune couple de travailleurs autonomes, la mise en place du Régime québécois d'assurance parentale (RQAP) est également une bonne nouvelle. Catherine Richer estime d'ailleurs que l'entrée en vigueur de ce régime «a énormément aidé les travailleurs autonomes à prendre la décision d'avoir des enfants. Ils se sont dit: on a envie de le faire, et bien maintenant on a les moyens de le faire».

Les données de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) illustrent, en partie, les effets de ce coup de pouce. La hausse de 8 % des naissances en 2006, par rapport à 2005, pourrait être un des effets du RQAP. On a, par exemple, enregistré une baisse de 7 % des naissances en décembre 2005, par rapport à la moyenne pour ce mois. Toutefois, en janvier et en février 2006, le Québec a connu une hausse de 5 % par rapport à la moyenne pour ces mois. Certains couples auraient donc volontairement retardé la venue de leur enfant pour qu'il naisse sous le nouveau régime d'assurance. Il s'agirait alors d'un simple report, et non d'un indice d'une hausse nette de la natalité, voire d'un improbable baby-boom.

À l'instar du programme de garderies à 7 $, du soutien aux enfants, de l'aide aux devoirs et de l'abolition de la TVQ sur les couches et le lait maternisé, les effets concrets de ce type de mesure se font sentir seulement après plusieurs années. La ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Michelle Courchesne, rappelait cette semaine que leur maintien sur une longue période est essentielle si une société veut bénéficier d'un renouvellement de sa population.

Pour l'instant, elle se dit optimiste. Le nombre de nouveau-nés est en effet passé de 76 250 en 2005 à 82 500 en 2006. Cela équivaut à une hausse de 8 % du nombre de naissances, portant le taux de natalité au Québec à 1,6 enfant par femme. Si les femmes immigrantes ont joué un certain rôle dans cette progression, leur taux de natalité rejoint celui des Québécoises dites «de souche» dès la deuxième génération. Fait à noter: la moyenne canadienne se situe à 1,5 enfant. Pour que la population se renouvelle, ce taux doit être d'au moins deux enfants par femme.

Plus de bébés ?

Les experts demeurent par ailleurs prudents dans leurs prédictions sur la poursuite de cette remontée. Évelyne Lapierre-Adamcyk, professeure titulaire au département de démographie de l'UQAM, estime qu'il est en effet trop tôt pour juger de l'efficacité du régime. «Au cours des deux dernières années, l'augmentation du taux de natalité est un peu plus marquée et, au cours des prochaines années, on va peut-être observer un dépassement du taux de 1,6. Nous pourrons alors dire que les mesures gouvernementales ont eu un impact positif», affirme-t-elle, ajoutant qu'il est improbable qu'on atteigne un taux de deux enfants.

Le tout récent RQAP a déjà connu une grande popularité, selon ce qu'a dit cette semaine la ministre Courchesne en présentant le bilan de sa première année d'existence. Au 31 décembre dernier, Québec avait versé 817,4 millions de dollars en prestations. En moyenne, les parents ont reçu des prestations de 450 $ par semaine. Sous l'ancien régime fédéral d'assurance-emploi, l'aide hebdomadaire aux parents se situait à 325 $ en moyenne. Au total, 97 692 parents ont bénéficié du nouveau régime, ce qui correspond à 66 000 naissances et 640 adoptions. Parmi les prestataires, on compte 3897 travailleurs autonomes, qui étaient exclus du régime jusque-là.

Dans ce domaine, se réjouit le sociologue Simon Langlois, «le Québec est beaucoup plus généreux que le reste du Canada. Il n'y a pas de politique aussi élaborée ailleurs au Canada, notamment en matière de places en garderie, mais aussi de programmes de soutien aux parents. On le voit aussi quand on compare le Québec avec d'autres pays dans le monde. En fait, le Québec s'aligne sur la France et d'autres pays nordiques.» L'Hexagone reste un des champions en ce qui a trait aux mesures natalistes, et ce, depuis plusieurs années. Résultat: son taux de natalité a atteint deux enfants par femme.

Pour que la progression québécoise se concrétise, M. Langlois rappelle que le rôle de l'État est essentiel. «Les différents programmes qui ont été mis en place par le gouvernement, dont les garderies à 7 $ et le Régime d'assurance parentale, ont incité les femmes à avoir des enfants. Chez les femmes de 28 à 38 ans [qui forment la majorité des nouvelles mamans], beaucoup sont au travail, donc ce genre de politiques répondait à leurs besoins», explique-t-il.

Simon Langlois ajoute toutefois que la hausse du taux de natalité de 2006 est aussi explicable par un effet démographique. «La tranche d'âge des 28 à 38 ans correspond aux premiers enfants des baby-boomers. Ces derniers ont eu en moyenne deux enfants, mais ils étaient si nombreux que leurs descendants représentent une cohorte importante.» Leur potentiel de natalité est en conséquent plus élevé. M. Langlois ajoute que c'est dans cette tranche d'âge qu'on retrouve aujourd'hui la majorité des nouvelles mamans. La moyenne d'âge des mères qui ont leur premier enfant se situe autour de 29 ans, en légère hausse depuis plus de deux décennies. À titre de comparaison, il était de 27 ans en 1982. Le contexte économique favorable aurait aussi un rôle à jouer, puisque depuis plusieurs années on parle davantage d'emplois et de pénurie de main-d'oeuvre que de chômage.

La valeur de la famille

Au-delà des facteurs socioéconomiques, on noterait surtout un désir plus grand d'avoir des enfants. Et on ne parle pas nécessairement d'un retour du balancier, mais plutôt d'une évolution des relations hommes-femmes.

«Les jeunes femmes sentent une plus grande ouverture chez leurs conjoints pour partager la parentalité», observe Francine Descarries, spécialiste du mouvement des femmes. Il y a peu de changements dans la définition des rôles, mais les disparités liées aux soins aux enfants sont beaucoup moins grandes qu'auparavant. Et je pense que ce sont les féministes qui ont donné la paternité aux hommes, en les invitant à partager les responsabilités, mais aussi les joies d'être parents. On a donc forcé une transformation des rôles et les hommes ont perdu, en partie, leur stricte fonction de pourvoyeur de fonds. Ça entre dans la décision des jeunes femmes de vouloir avoir des enfants. Elles sont plus confiantes dans leurs unions.»

Ainsi, «il y a clairement un désir de maternité qui m'apparaît un peu plus possible chez les femmes dans la vingtaine. Il semble maintenant plus possible pour les femmes d'articuler le travail et la famille, nonobstant les difficultés. Il y a aussi une valorisation de l'enfantement», note-t-elle. Le fait que les jeunes prennent conscience du caractère profondément individualiste de notre société aurait aussi à voir avec cette affirmation plus forte de l'importance de la famille. «La volonté d'avoir des enfants, dans l'inconscient collectif, fait aussi partie de la volonté de tisser un lien social qui peut transcender l'éphémère qui caractérise notre société», soutient Mme Descarries.

Le rôle de la société

Les parents ont beau manifester le désir de fonder une famille, la précarité du travail, le coût de la vie élevé et le manque de reconnaissance du rôle social de la famille sont autant d'obstacles à la natalité auxquels il faudrait s'attarder, selon Jocelyne Valois, de la Confédération des organismes familiaux du Québec. Sans quoi il sera impossible de faire progresser ou même de maintenir le taux de natalité enregistré en 2006.

Elle estime carrément que c'est l'ensemble de la société qui peine à favoriser «l'accueil de l'enfant». «Ce n'est pas reconnu comme une valeur sociale d'avoir des enfants. Combien se plaignent de payer des impôts pour les personnes qui ont des enfants? Ils se disent: pourquoi est-ce que je payerais parce que d'autres ont des enfants?», affirme-t-elle.

Mme Valois a d'ailleurs pris part aux états généraux de la famille, qui se sont tenus à Montréal en octobre dernier. Les mêmes constats sont ressortis de cette rencontre et on travaille actuellement à la formulation de revendications. Les demandes devraient inclure une foule de sphères de la vie en société, allant de l'organisation de nos quartiers à l'accès aux services de proximité, en passant par la bonification de l'aide aux jeunes familles et l'accès à la propriété. Bref, le menu est chargé.

Et surtout, «il faudrait revaloriser le rôle social de la famille, souligne Jocelyne Valois. Ceux qui ont des enfants, il faudrait les conforter dans leur rôle. Être parent, c'est un rôle social.» Pourtant, croit-elle, si cela implique un arrêt de travail, ce rôle n'est pas reconnu. «Si une femme dit: "Je suis mère au foyer", elle n'est pas bien accueillie. Et si un homme dit: "Je suis père au foyer", c'est pire.» «Quel genre d'accueil réserve-t-on aux enfants dans notre société? Quel genre de soutien est-on prêt à apporter aux personnes qui ont des enfants? Il faut se poser ces questions.»



http://www.ledevoir.com/2007/01/27/128896.html
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