EXCLUSIF
Éducation: Un retour au gros bon sens
Jean-Philippe Pineault
Le Journal de Montréal
09/06/2007 10h28
La ministre de l’Éducation Michelle Courchesne comprend le message des parents. Elle revient à la petite école de rêve avec la priorité au français, à la grammaire et à l’orthographe.
«J’essaie de répondre à des besoins et à des situations qui sont dénoncées avec raison. Je fais simplement appel au gros bon sens. Je me mets dans la peau des parents», a affirmé la ministre dans une entrevue exclusive accordée au Journal de Montréal cette semaine.
«Moi, comme parent, le gros bon sens me dit qu’il faut changer quelque chose. J’essaie d’apporter une dimension humaine dans les relations entre l’école, les enseignants et les parents», a-t-elle ajouté.
Après le retour aux pourcentages, aux moyennes et au redoublement en tout temps, la nouvelle ministre de l’Éducation pourrait bien aller encore plus loin.
Accent sur le français
Si elle ne veut pas balayer du revers de la main la réforme et son approche par compétences, la ministre Courchesne entend tout de même s’assurer que les connaissances de base sont bien transmises aux écoliers, notamment en français.
«Je voudrais qu’on soit assuré qu’à l’école, on apprend la grammaire, la syntaxe, la composition et la rédaction. Ça, c’est mon prochain jalon, c’est ma prochaine étape», a-t-elle dit.
À ce chapitre, des efforts doivent être faits pour préserver la qualité de la langue française, qui est souvent écorchée, soutient Mme Courchesne. Présentement, elle travaille d’ailleurs avec la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, à instaurer une série de mesures pour mettre l’accent sur la langue française.
«Si on ne la préserve pas, cette langue-là, elle va disparaître et être noyée dans le contexte américain», prévient-t-elle.
Tendances déconnectées
En poste depuis un mois et demi à peine, Michelle Courchesne s’est mis dans la tête de remuer le ministère de l’Éducation.
«Je suis en train de brasser, je suis en train d’essayer de ramener ça à des réalités beaucoup plus concrètes, beaucoup plus près des citoyens», lâche-t-elle.
«Je crois qu’il faut que les fonctionnaires travaillent dans la même direction. Il y a énormément d’écoles de pensée dans le milieu. Moi, je fais appel au pragmatisme.»
Fini les folies!
Fini les folies immobilières dans les universités. La ministre de l’Éducation placera bientôt les établissements d’enseignement supérieur sous haute surveillance afin d’éviter des dérapages financiers comme celui qui secoue l’UQAM.
«Choquée» par le scandale financier qui a ébranlé l’UQAM, Michelle Courchesne entend s’assurer qu’une telle situation ne se reproduise plus.
La ministre de l’Éducation et sa collègue Monique Jérôme-Forget annonceront prochainement des mesures de resserrement par rapport aux niveaux d’approbation dans les grands projets immobiliers.
«Avec l’argent des autres, il faut rendre des comptes. Une université n’est pas une entreprise privée, il faut être conscient de ça. Quand on a la responsabilité des fonds publics, il faut traiter ça avec beaucoup de rigueur», a indiqué Mme Courchesne au Journal de Montréal.
«Les conseils d’administration vont devoir poser toutes les bonnes questions et s’assurer qu’ils ont toutes les bonnes réponses», a-t-elle ajouté.
L’UQAM a cru pouvoir générer des revenus en faisant construire un nouveau pavillon, l’Îlot voyageur, et en louant certains espaces commerciaux.
L’ennui, c’est que plutôt que de faire de l’argent, l’UQAM engrangera des déficits monstrueux de 12,5 millions de dollars par année pendant 30 ans pour ce seul projet.
Pas la mission des universités
Constatant les dégâts qu’a causés la décision de l’UQAM de se lancer dans la prospection immobilière, la ministre Courchesne juge que les universités devraient plutôt s’en tenir à leur mission première: l’enseignement et la recherche.
«Il faut faire attention, on est allé trop loin, trop vite. Tout le monde sait que l’immobilier comporte un niveau de risque important», a-t-elle dit.
Par ailleurs, la ministre de l’Éducation a promis que les autres universités ne feront pas les frais du dérapage immobilier de l’UQAM.
Une ancienne militante
Les manifestations étudiantes promises pour l’automne ne risquent pas d’impressionner Michelle Courchesne. La nouvelle ministre de l’Éducation a elle-même milité pour les droits étudiants pendant toutes ses études universitaires.
Au cours des cinq années et demie qu’elle a passées à l’Université de Montréal pour obtenir un baccalauréat en sociologie et une maîtrise en urbanisme, Michelle Courchesne a siégé aux comités de négociations des grèves étudiantes. Elle s’est souvent vu confier le mandat de négocier auprès des doyens et des directeurs de département parce qu’elle était «une fille de compromis», a-t-elle relaté au Journal.
Ayant elle-même milité, la ministre de l’Éducation dit être particulièrement sensible aux revendications étudiantes.
«Je les comprends. Quand on est là, c’est très correct qu’à ce moment de notre vie, on mette en question ce qui nous entoure et qu’on s’engage. J’ai beaucoup de respect pour les jeunes qui s’expriment et qui ont ce sens de l’engagement. Je ne suis absolument pas choquée par ça, d’aucune façon», dit-elle.
Trois questions à Michelle Courchesne
Q De quelle façon allez-vous sortir la malbouffe des écoles?
R Au primaire, il y a de gros efforts de faits ; il faut s’assurer que ces efforts se poursuivent au secondaire. On va lancer un plan comptant une douzaine d’orientations pour les politiques alimentaires des écoles, qu’elles vont devoir suivre. Les commissions scolaires devront dire à quelle étape elles sont rendues. Une de ces étapes, par exemple, serait d’enlever du menu tous les aliments gras, comme les frites. Il faut aussi s’assurer qu’il y ait des calendriers. On ne veut pas que ça s’étire éternellement. Le premier ministre me demande que ça se fasse rapidement.
Q Les commissions scolaires et les commissaires sont de plus en plus contestés. Faut-il les abolir?
R Je ne prône pas l’abolition des commissions scolaires, mais il doit y avoir des remises en question quant à la façon de faire. Je ne crois pas qu’une institution peut être statique pendant des décennies. Ce que je souhaite, c’est que les commissions scolaires admettent leur lourdeur et trouvent de bonnes solutions pour augmenter leur efficacité. Le cœur du problème, c’est qu’il faut une reconnexion avec population. Le taux de participation actuel est nettement trop bas.
Q Que pensez-vous de l’aide accordée aux élèves ayant des difficultés d’apprentissage?
R Il faut remettre en question le mode de financement. Quand on attribue de l’argent, il ne faut pas couper dans les services essentiels pour les enfants qui ont des difficultés. Actuellement, l’argent est donné aux commissions scolaires puis redistribué dans les écoles. La compréhension que j’en ai est la suivante: quand on donne l’argent, on le fait en fonction du nombre de clientèles. Mais ce n’est pas parce que la clientèle est en diminution ou parce qu’il y a moins d’élèves en difficulté qu’il faut couper le service. Il y en a moins, mais il y en a encore.
http://www.canoe.com/infos/quebeccanada ... 02829.html