LA VÉRITÉ, TOUTE LA VÉRITÉ?

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LA VÉRITÉ, TOUTE LA VÉRITÉ? (par Michel Hébert)
En voulant montrer aux Québécois la mauvaise santé des finances de leur gouvernement, Gilles Taillon fait courir un certain risque à l'ADQ. Dire la vérité n'est pas souvent rentable en politique. Surtout quand on remet implicitement en question notre fameux «modèle» de société...
Minoritaire, le gouvernement Charest a dû faire une première génuflexion d'importance, mercredi dernier, en acceptant qu'une commission parlementaire se penche sur l'application de la Loi sur l'équilibre budgétaire. Cet exercice débouchera sans doute sur un triste diagnostic: l'endettement est systématique et l'enrayer demanderait des efforts que peu de gens veulent envisager.
Notre «modèle» ne repose évidemment pas que sur le «partage de la richesse». Il n'y a tout simplement pas assez de riches au Québec et les entreprises paient étrangement de moins en moins d'impôts. Le maintien des programmes sociaux et des services publics dépend donc aussi d'une série d'opérations sur les marchés financiers qui entraînent invariablement une augmentation de la dette. Remettre cela en question indisposerait d'emblée les 523 778 employés de la Belle province. Il s'agit, soit dit en passant, de l'évaluation la plus précise possible des effectifs du gouvernement québécois et indiquée dans le bilan annuel du Québec transmis par le ministère des Finances à la United Sates Sécurity and Exchange commission, l'été dernier.
La ministre des Finances, et présidente du Conseil du trésor, Monique Jérôme-Forget, craint sans doute que l'on découvre un trou noir sous la rubrique Emprunts. Le gouvernement, a-t-elle admis d'emblée, mercredi, ne parvient pas toujours à l'équilibre budgétaire. Le déficit zéro est souhaitable, évidemment, mais la réalité impose des sacrifices comptables... Le Vérificateur général établissait le déficit à 5,6 milliards $, l'an dernier, mais s'en débarrasser était impossible. Il aurait fallu bloquer les chèques d'équité salariale ou «couper dans des services aux citoyens», a précisé Mme Jérôme-Forget, en demandant quasiment grâce à l'ADQ et au PQ.
M. Taillon soupçonne naturellement le gouvernement, ou plutôt les gouvernements au pouvoir depuis dix ans, d'avoir payé une partie de «l'épicerie» à coups d'emprunts, c'est-à-dire des salaires, des avantages sociaux, des programmes, des meubles, etc. M. Taillon a probablement raison. Cette année, le gouvernement prévoit quinze milliards en «nouveaux emprunts». Il n'a pourtant pas quinze milliards de travaux routiers ou de rénovations immobilières en cours. Alors, ils servent à quoi, vous pensez, tous ces emprunts? Sans doute à «refinancer» de vieux emprunts et à payer de nouvelles factures.
De toute manière, peu importe les chiffres: la majorité des Québécois ne tiennent pas vraiment à savoir s'ils sont dans le rouge jusqu'au cou ou jusqu'aux yeux. Doit-on insister pour le leur dire? Un ancien haut fonctionnaire des Finances s'expliquait ainsi l'aveuglement volontaire: «Les gens savent que ça n'a pas d'allure mais ils vont aller jusqu'au bout, jusqu'à ce que ça pète». L'ADQ veut apparemment siffler la fin de la récréation. M. Taillon devrait savoir que ce n'est pas comme ça qu'on se fait des amis...