Le PQ avait déjà dit non
Le Parti québécois, qui défraie les manchettes depuis quelques semaines avec son projet controversé de citoyenneté québécoise, avait déjà écarté cette idée à l'époque où il était au pouvoir avec Bernard Landry comme chef.
En effet, en 2001, le PQ avait décidé de ne pas créer une citoyenneté québécoise, comme le proposait pourtant le rapport des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française, une commission présidée par Gérald Larose.
C'est que, peu après la publication de ce rapport, le gouvernement a demandé à un groupe de travail interministériel de se pencher sur la question. Dans leur rapport, classé confidentiel, mais dont Radio-Canada a obtenu copie, les fonctionnaires du gouvernement concluaient que la mesure était fort probablement anticonstitutionnelle.
Ainsi, à la question « Est-il possible d'adopter légalement une citoyenneté québécoise dans le cadre constitutionnel actuel? », le rapport répond que « la réponse est essentiellement négative. Le Québec ne peut pas instituer une citoyenneté québécoise qui se substituerait à la citoyenneté canadienne ou qui viendrait en réduire la portée. » Le rapport ajoute que la définition juridique de la citoyenneté relève exclusivement du Parlement fédéral.
Selon les fonctionnaires mandatés par le gouvernement, la seule définition réaliste de la citoyenneté québécoise est celle offerte en 2001 par l'ex-ministre péquiste Jacques-Yvan Morin qui disait que « le citoyen québécois est celui qui habite le Québec en permanence et y exerce ses droits politiques. Il est nécessairement citoyen canadien. »
Des contestations juridiques inévitables
Pauline Marois faisait partie du gouvernement péquiste qui avait rejeté le projet de citoyenneté québécoise, en 2001.
Le gouvernement péquiste avait aussi demandé au groupe de fonctionnaires d'étudier les impacts d'une déclaration selon laquelle le français est la langue par laquelle s'exerce la citoyenneté québécoise.
Dans leur rapport, ils répondent que restreindre l'exercice des droits qui se rattachent généralement à la citoyenneté à l'usage d'une langue serait attaqué de toutes parts. Selon eux, des contestations juridiques seraient inévitables et les plaignants, fort probablement, gagneraient leur cause.
Les fonctionnaires jugeaient également peu probable l'utilisation de la clause nonobstant pour se soustraire à la Charte canadienne des droits et libertés.
Devant le peu de chance de succès juridique d'une loi sur l'identité québécoise, le groupe de travail concluait en recommandant au gouvernement de s'en tenir à des mesures essentiellement symboliques, comme une cérémonie d'accueil des immigrants.
À cette époque, Pauline Marois, l'actuelle chef du PQ, était vice-première ministre et ministre des Finances. Elle était donc, à tout le moins par principe, solidaire des décisions prises par le gouvernement, peu importe qu'elles aient été présentées en bonne et due forme à la table du Conseil des ministres.
Pas nécessairement au courant
Selon l'ancien député péquiste Jean-Pierre Charbonneau, il est possible que Mme Marois n'ait pas été au courant des conclusions du rapport du groupe de travail interministériel et que le sujet n'ait pas été abordé formellement au Conseil des ministres.
M. Charbonneau, qui était président de l'Assemblée nationale à l'époque, et qui ne siégeait donc pas au Conseil des ministres, affirme que les conclusions du groupe de travail n'ont peut-être été remises qu'au Cabinet du premier ministre Landry par le ministre des Affaires intergouvernementales de l'époque, Joseph Facal.
« Une fois qu'il a l'avis, [le ministre responsable du dossier] peut en saisir simplement le Cabinet du premier ministre sans nécessairement arriver avec une proposition d'action particulière au Conseil des ministres. Alors, on ne peut pas conclure aujourd'hui que tous les membres du gouvernement autour de la table ont été saisis de l'avis des fonctionnaires. [...] Souvent, ça se règle entre le bureau du ministre responsable et le premier ministre ».
Jean-Pierre Charbonneau rappelle que M. Facal, qui fait partie de l'entourage de Mme Marois, a récemment reconnu publiquement que l'idée avait été rejetée. « J'imagine, j'espère qu'il a informé Pauline Marois des conclusions de l'époque », dit-il, en affirmant du même souffle que les conclusions auxquelles parviennent des fonctionnaires du gouvernement ne constituent pas un « dogme absolu ». D'autres gens, dit-il, peuvent penser que d'autres conclusions sont possibles.