Six ans et demi de prison pour Black
Photo: Agence Reuters
Chicago -- Conrad Black a été condamné hier à une peine de six ans et demi de prison pour fraude et entrave à la justice. Il a aussi écopé d'une amende de 125 000 $US.
Impassible, Black a écouté la juge Amy St. Eve lui annoncer qu'il devra purger 78 mois de prison, une peine qui sera suivie d'une période de liberté non supervisée de deux ans.
«Personne n'est au-dessus de la loi aux États-Unis, lui a lancé la juge St. Eve. Je ne peux pas comprendre comment quelqu'un de votre stature a pu commettre de tels gestes et tout risquer. Mais aux États-Unis, M. Black, la loi prévoit une justice égale pour tous.»
Le principal procureur de la poursuite, Eric Sussman, a demandé que Black soit emprisonné immédiatement. Ses avocats ont rétorqué qu'il ne présentait pas un danger pour la société et qu'il ne risquait pas non plus de prendre la fuite. «Il n'est pas du genre à se sauver et à se cacher. Ce n'est pas un poltron», a dit Me Marc Martin.
Mme St. Eve a donné à Black 12 semaines pour se présenter à une prison fédérale de la Floride, située sur la base militaire Eglin. Il devra se manifester auprès de cette institution à sécurité moyenne d'ici le 3 mars.
«Nous avons le verdict que nous avons et nous ne pouvons refaire le procès, a dit Black à la juge St. Eve avant le prononcé de la sentence. Je n'ai jamais manqué de respect envers le tribunal, Votre Honneur, ni envers les jurés ou tout le processus.»
Il a remercié la juge pour son ouverture d'esprit, considérant qu'il est arrivé affligé «d'une présomption de culpabilité presque écrasante». L'ancien magnat de la presse a aussi présenté des excuses aux actionnaires de l'empire de presse Hollinger, maintenant disparu, qu'il était accusé d'avoir fraudé.
Black a déjà indiqué avoir l'intention de porter sa condamnation en appel.
Le procès Black était un des derniers procès à grande visibilité intentés par les autorités américaines pour lutter contre la fraude, dans la foulée de l'affaire Enron qui a anéanti des milliards de dollars en capitalisation boursière il y a environ cinq ans.
En plus de la création de règles plus sévères qui imposent une plus grande transparence des dirigeants à l'endroit des actionnaires, les avocats américains ont aussi obtenu des peines de prison contre Martha Stewart, Bernie Ebbert, de WorldCom, John Rigas, d'Adelphia, et plusieurs dirigeants d'Enron et d'autres entreprises accusés de fraudes et de malversations.
Plus tôt hier, Black était arrivé au tribunal confiant et souriant en compagnie de sa femme Barbara Amiel Black et de sa fille Alana Black.
Il souriait toujours après le prononcé de la sentence, mais il a refusé de faire quelque commentaire que ce soit quand il a quitté le tribunal avec sa famille.
Plus tôt pendant la journée, la juge St. Eve avait annoncé plusieurs décisions qui étaient de bon augure pour Black et son équipe, même si elle avait refusé de reporter le prononcé de la sentence ou d'annuler les déclarations sur les répercussions sur la victime.
Tout d'abord, elle a annoncé qu'elle utiliserait les lignes directrices en vigueur en 2000 pour déterminer la durée de la sentence. La poursuite lui avait plutôt demandé d'utiliser les lignes directrices adoptées en 2007, ce qui aurait pu doubler la longueur de la sentence.
Elle a aussi rejeté la demande de la poursuite de tenir compte du montant total de la fraude présumée -- soit 32 millions -- plutôt que des 6,1 millions contenus dans le rapport présentenciel.
De plus, a-t-elle rappelé, l'ancien lieutenant de Black, David Radler, a négocié une entente pour témoigner contre Black en vertu des lignes directrices de 2000, et il est «au moins aussi coupable que M. Black».
Radler a accepté une peine de prison de 29 mois ainsi qu'une amende. Sa sentence sera officiellement prononcée la semaine prochaine.
Mme St. Eve a refusé la demande des procureurs du gouvernement de voir en Black la tête dirigeante de cette fraude, estimant que «la preuve présentée pendant le procès démontre que le coaccusé Radler prenait autant de décisions en ce qui a trait, à plusieurs reprises, à la direction que prenait l'argent».
Elle a aussi souligné que Radler était responsable de la gestion des activités américaines de Hollinger, tout en précisant qu'elle ne pouvait faire de Black un «joueur mineur» dans cette affaire.
Black a été trouvé coupable de s'être fait verser des millions de dollars de revenus d'entreprise et d'avoir maquillé ces rétributions en indemnités de non concurrence reliées à la vente d'actifs de Hollinger.
Par ailleurs, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a indiqué hier qu'une audience impliquant Black et prévue pour aujourd'hui n'aura maintenant pas lieu avant le 8 janvier. La CVMO accuse Black, Radler, Jack Boultbee, Peter Atkinson et Hollinger d'avoir détourné jusqu'à 89,7 millions de dollars canadiens et d'avoir soumis des documents incomplets.
http://www.ledevoir.com/2007/12/11/167973.html
Six ans et demi de prison pour Black
De magnat à paria
Le 13 juillet dernier, au terme de la 12e journée de délibérations, le verdict est tombé contre Conrad Black. L'ex-magnat a été reconnu coupable de trois chefs d'accusation portant sur des fraudes par courrier et d'un autre pour entrave à la justice. Il a été innocenté de huit chefs d'accusation pour fraude et évasion fiscale, et d'un autre pour racket présumé. Ses trois ex-associés et coaccusés ont également été reconnus coupables, chacun, de trois chefs d'accusation pour fraude. L'on pense, ici, à Jack Boultbee, l'ancien chef financier de M. Black, et à ses anciens conseillers juridiques, Peter Atkinson et Mark Kipnis
- Le personnage pompeux et cupide qu'est Conrad Black s'est retrouvé en Cour fédérale de Chicago, devant juge et jury, afin d'y subir un procès pour une affaire de détournement de fonds. L'ancien magnat de 62 ans, dont l'ex-empire de 500 journaux avait commencé avec le Sherbrooke Record en 1969, faisait face, à lui seul, à 13 chefs d'accusation criminelle. «Pour les uns, c'est un fraudeur corrompu par sa propre cupidité, pour les autres, un hommes d'affaires trahi par ses plus proches alliés et persécuté par des autorités trop zélées», écrivait le magazine Maclean's.
À son apogée, l'empire de Conrad Black, troisième du monde occidental, comprend des dizaines de quotidiens nord-américains, dont le National Post, The Gazette, Le Soleil, Le Droit et le Chicago Sun-Times. Il y a aussi le Daily Telegraph de Londres et le Jerusalem Post. Un chiffre d'affaires de trois milliards.
- Tout a débuté en mai 2003, alors qu'un investisseur demande à Hollinger International -- contrôlée par une société de Black -- de faire enquête sur des paiements effectués à Black et à certains associés. Le p.-d.g. maintient son innocence, mais la compagnie met sur pied un comité indépendant. Six mois plus tard, le comité fait état de versements «non autorisés» de 32,2 millions $US. Conrad Black démissionne de son poste de président mais demeure président du conseil.
- En janvier 2004, Hollinger retire à Black ce qui lui reste de ses responsabilités et le poursuit pour 200 millions $US. L'homme d'affaires réplique avec des poursuites de 850 millions $US contre la compagnie et certains cadres.
- Le grand coup surviendra en novembre 2004. Les autorités américaines déposent des chefs d'accusation civile pour fraude contre Black et quelques proches. Les accusations criminelles viendront, neuf mois plus tard. Un des accusés, David Radler, associé de longue date de Conrad Black, signe toutefois une entente avec les autorités. En échange d'un plaidoyer de culpabilité et de collaboration, il écope de 29 mois de prison seulement. Et il devient le témoin clé de ce procès.
Le dépôt des accusations faisait suite à une enquête criminelle menée par le procureur général, le FBI et la division des enquêtes criminelles du fisc américain. L'enquête portait sur les activités de MM. Black et Radler lorsqu'ils étaient membres de la direction de Hollinger International, une filiale américaine de Hollinger ayant son siège social à Chicago.
- Quelques mois plus tôt, soit en septembre 2004, un comité spécial mandaté par le conseil d'administration de Hollinger International déposait un rapport auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) dans lequel il était allégué que Conrad Black avait détourné, en sept ans, plus de 400 millions $US à des fins personnelles. Ce rapport est venu inspirer le dépôt de poursuites, intentées au civil par la SEC contre MM. Black et Radler, l'organisme américain de réglementation en valeurs mobilières soutenant que les deux intimés détournaient des fonds de Hollinger International à des fins personnelles.
- Né à Montréal le 25 août 1944, ce diplômé en histoire de l'Université Laval, grand admirateur de Maurice Duplessis et du président américain Franklin Roosevelt, avait fait preuve, dès l'adolescence, d'esprit d'entreprise en se faisant expulser de son école privée pour avoir été impliqué dans une affaire de vente de résultats d'examens. À 25 ans, il achète avec un ami son premier journal, le Sherbrooke Record, petite publication en péril qu'il remet à flot. Deux ans plus tard, il acquiert la chaîne Sterling et sa vingtaine de journaux canadiens, puis il met la main sur Argus Corp., qui contrôle les machines agricoles Massey-Ferguson et lui sert de tête de pont pour bâtir l'empire Hollinger.
http://www.ledevoir.com/2007/12/11/167979.html
Le 13 juillet dernier, au terme de la 12e journée de délibérations, le verdict est tombé contre Conrad Black. L'ex-magnat a été reconnu coupable de trois chefs d'accusation portant sur des fraudes par courrier et d'un autre pour entrave à la justice. Il a été innocenté de huit chefs d'accusation pour fraude et évasion fiscale, et d'un autre pour racket présumé. Ses trois ex-associés et coaccusés ont également été reconnus coupables, chacun, de trois chefs d'accusation pour fraude. L'on pense, ici, à Jack Boultbee, l'ancien chef financier de M. Black, et à ses anciens conseillers juridiques, Peter Atkinson et Mark Kipnis
- Le personnage pompeux et cupide qu'est Conrad Black s'est retrouvé en Cour fédérale de Chicago, devant juge et jury, afin d'y subir un procès pour une affaire de détournement de fonds. L'ancien magnat de 62 ans, dont l'ex-empire de 500 journaux avait commencé avec le Sherbrooke Record en 1969, faisait face, à lui seul, à 13 chefs d'accusation criminelle. «Pour les uns, c'est un fraudeur corrompu par sa propre cupidité, pour les autres, un hommes d'affaires trahi par ses plus proches alliés et persécuté par des autorités trop zélées», écrivait le magazine Maclean's.
À son apogée, l'empire de Conrad Black, troisième du monde occidental, comprend des dizaines de quotidiens nord-américains, dont le National Post, The Gazette, Le Soleil, Le Droit et le Chicago Sun-Times. Il y a aussi le Daily Telegraph de Londres et le Jerusalem Post. Un chiffre d'affaires de trois milliards.
- Tout a débuté en mai 2003, alors qu'un investisseur demande à Hollinger International -- contrôlée par une société de Black -- de faire enquête sur des paiements effectués à Black et à certains associés. Le p.-d.g. maintient son innocence, mais la compagnie met sur pied un comité indépendant. Six mois plus tard, le comité fait état de versements «non autorisés» de 32,2 millions $US. Conrad Black démissionne de son poste de président mais demeure président du conseil.
- En janvier 2004, Hollinger retire à Black ce qui lui reste de ses responsabilités et le poursuit pour 200 millions $US. L'homme d'affaires réplique avec des poursuites de 850 millions $US contre la compagnie et certains cadres.
- Le grand coup surviendra en novembre 2004. Les autorités américaines déposent des chefs d'accusation civile pour fraude contre Black et quelques proches. Les accusations criminelles viendront, neuf mois plus tard. Un des accusés, David Radler, associé de longue date de Conrad Black, signe toutefois une entente avec les autorités. En échange d'un plaidoyer de culpabilité et de collaboration, il écope de 29 mois de prison seulement. Et il devient le témoin clé de ce procès.
Le dépôt des accusations faisait suite à une enquête criminelle menée par le procureur général, le FBI et la division des enquêtes criminelles du fisc américain. L'enquête portait sur les activités de MM. Black et Radler lorsqu'ils étaient membres de la direction de Hollinger International, une filiale américaine de Hollinger ayant son siège social à Chicago.
- Quelques mois plus tôt, soit en septembre 2004, un comité spécial mandaté par le conseil d'administration de Hollinger International déposait un rapport auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) dans lequel il était allégué que Conrad Black avait détourné, en sept ans, plus de 400 millions $US à des fins personnelles. Ce rapport est venu inspirer le dépôt de poursuites, intentées au civil par la SEC contre MM. Black et Radler, l'organisme américain de réglementation en valeurs mobilières soutenant que les deux intimés détournaient des fonds de Hollinger International à des fins personnelles.
- Né à Montréal le 25 août 1944, ce diplômé en histoire de l'Université Laval, grand admirateur de Maurice Duplessis et du président américain Franklin Roosevelt, avait fait preuve, dès l'adolescence, d'esprit d'entreprise en se faisant expulser de son école privée pour avoir été impliqué dans une affaire de vente de résultats d'examens. À 25 ans, il achète avec un ami son premier journal, le Sherbrooke Record, petite publication en péril qu'il remet à flot. Deux ans plus tard, il acquiert la chaîne Sterling et sa vingtaine de journaux canadiens, puis il met la main sur Argus Corp., qui contrôle les machines agricoles Massey-Ferguson et lui sert de tête de pont pour bâtir l'empire Hollinger.
http://www.ledevoir.com/2007/12/11/167979.html