Le jeudi 28 février 2008
Lysiane Gagnon
La Presse
Et si Barak Obama était un Blanc? Et si Hillary Clinton était un homme? Un Blanc ordinaire, avec l'expérience relativement limitée d'Obama, aurait-il eu une trajectoire aussi spectaculaire? Hillary aurait-elle eu la partie plus facile?
Évidemment, il est presque impossible d'imaginer une version masculine de Hillary, car l'un de ses principaux handicaps est d'être mariée à l'ancien président. Les électeurs en ont marre des dynasties familiales, et elle hérite en plus de tout ce que l'on peut reprocher à son mari. Le cas d'un homme voulant succéder à sa femme à la Maison-Blanche est bien difficile à imaginer!
Cela dit, il est clair qu'une partie du dédain dont elle est l'objet - un dédain qui s'accroît à chacune de ses défaites - tient au fait qu'elle soit une femme. Un homme affichant un bilan équivalent serait plus respecté et aurait plus de chances de remporter l'investiture, face à un candidat aussi léger qu'un Obama à la peau blanche.
Hillary en version masculine n'aurait pas affronté tous ces commentaires désobligeants sur ses vêtements, sa ligne, son ton de voix. Il n'aurait pas été jugé à partir des deux poids, deux mesures classiques encore à l'oeuvre aujourd'hui. (Hillary fait-elle preuve de détermination, on la dit rigide, froide, castratrice. Exprime-t-elle une émotion, on la dit manipulatrice, ou trop fragile pour devenir «commandant en chef»)
La loi des deux poids, deux mesures s'applique aussi à Obama. Mais lui, par contre, en bénéficie. À sa place, un Blanc aurait probablement été jugé plus sévèrement.
On lui aurait demandé plus souvent où est la substance, derrière l'éloquence et le charisme. On aurait souligné à gros traits rouges son manque d'expérience sur la scène nationale, et la naïveté de ses positions en politique étrangère, lui qui se dit prêt à rencontrer sans condition préalable les ennemis les plus irréductibles des États-Unis (Chavez et surtout Ahmadinejad). On aurait examiné de plus près le «pedigree» de ses conseillers (dont le trouble pasteur de l'église à laquelle il appartient). On l'aurait accusé à grands cris d'être irresponsable, lui qui prône le retrait immédiat des troupes en Irak, un pays ravagé que le retrait sans transition des forces américaines pourrait mener au bord de la guerre civile.
Qu'on me comprenne bien. Je ne parle pas ici des accusations lancées contre Obama par des partisans républicains, qui ne se privent pas de lui trouver des poux et d'inventer des scandales. Je parle des observateurs relativement neutres, des médias modérés et des commentateurs d'allégeance démocrate, je parle de l'opinion publique en général, de tout ce monde qui, ces temps-ci, voit Obama dans sa soupe.
Je l'avoue, moi aussi je suis transportée à l'idée que les États-Unis se donnent un président noir. J'ai un souvenir indirect mais vivace de la ségrégation. J'aime l'idée que la grande démocratie américaine fasse mentir ses détracteurs, j'aime l'idée que dans la plupart des États, ce sont des majorités blanches qui ont voté pour Obama. Mais enfin, ce n'est pas une raison pour perdre tout sens critique!
Y aurait-il à l'oeuvre un racisme à rebours? Peut-être. En tout cas, je n'ai jamais entendu dire, dans La Presse «mainstream» qui relaie pourtant toutes les attaques extrémistes, qu'on ait publiquement traité Obama de «nigger», alors que Hillary a été souvent traitée de «bitch», et qu'il existe une association anti-Hillary dont le sigle est «cunt» (ce mot, qui désigne le sexe féminin, est la pire insulte misogyne du vocabulaire anglais).
Cela voudrait-il dire que le racisme anti-noir aurait disparu? Hélas, non. J'ai des copains en Ohio, Will et Mary, respectivement médecin et infirmière. Des démocrates convaincus. Ils ont longtemps hésité entre Hillary et Obama, mais voteront sans doute pour Hillary pour la simple raison qu'elle aurait, d'après eux, plus de chances de battre McCain. Pourquoi? «Parce qu'une fois dans l'isoloir, prédit Will avec tristesse, les Américains ne voudront pas d'un président noir.»
Si cette hypothèse est exacte, Obama aurait bénéficié des deux poids, deux mesures à l'étape des primaires, pour en être plus tard victime, au moment de la présidentielle Rien n'est simple, en ce bas monde.
Deux poids, deux mesures?
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Le vendredi 29 février 2008
Barack ALENA
Alain Dubuc
Collaboration spéciale
La Presse
La campagne présidentielle américaine passionne les Québécois, et plus particulièrement la lutte que se livrent les deux candidats démocrates. Mais on suit le combat entre Hillary Clinton et Barack Obama comme un match sportif, ou encore une émission de téléréalité, avec une absence troublante d'intérêt pour ce que disent et pensent les candidats.
Et pourtant, dans les derniers milles de cette campagne, un thème qui nous touche de très près a pris une place croissante, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. Les deux candidats promettent de renégocier ou de renier l'ALENA. C'est également révélateur de quelque chose qui n'est pas toujours visible de l'extérieur, le niveau incroyablement primaire des débats entre des politiciens qui aspirent à diriger le pays le plus puissant au monde.
Ce combat, c'est d'abord celui de Barack Obama, le favori qui, depuis plusieurs semaines, multiplie les critiques très virulentes à l'égard de l'ALENA. Et cela nous rappelle qu'il y a un revers au populisme. M. Obama a connu un remarquable succès avec son message de changement. Mais derrière, quand on gratte un peu, dans un dossier comme l'ALENA, ce qu'il dit est stupéfiant d'ignorance, de mauvaise foi et même de bêtise.
La semaine dernière, on lui a demandé ce qu'il ferait avec l'ALENA s'il était élu président: «Je téléphonerais immédiatement, a-t-il répondu, au président du Mexique et au président du Canada pour essayer de modifier l'ALENA.»
Commençons par l'ignorance. On peut comprendre qu'un Américain moyen ne sache pas que le Canada a un premier ministre ou qu'un candidat présidentiel ne maîtrise pas toutes les nuances de la politique étrangère. Mais M. Obama est un sénateur, un sénateur de l'Illinois, un État des Grands Lacs, collé sur le Canada, qui est le principal partenaire des États-Unis.
Mais l'important n'est pas là. La vraie question, c'est de savoir ce que le candidat démocrate veut renégocier. Le site web de sa campagne parle «des ententes injustes comme l'ALENA», sans préciser la nature des injustices. Mais un discours, prononcé il y a deux semaines dans le Wisconsin nous en dit plus: «Des ententes commerciales comme l'ALENA envoient nos emplois outremer et forcent les parents à concurrencer leurs adolescents pour travailler au salaire minimum dans un Wal-Mart.»
Avant d'aller plus loin, arrêtons-nous un instant pour admirer la phrase, son élan, sa puissance évocatrice. Mais on peut quand même noter que l'ALENA est une entente avec le Canada et le Mexique, des pays d'Amérique, qui ont des frontières terrestres avec les États-Unis, qui peuvent difficilement être qualifiés d'outremer. D'autre part, on n'observe pas un phénomène d'exode d'emplois, certainement pas vers le Canada, ni même vers le Mexique.
À la décharge de M. Obama, il faut dire que son crescendo rhétorique s'explique par le fait qu'il se prépare aux primaires de l'Ohio, la semaine prochaine, un État qui a durement été touché par la perte de 250 000 emplois industriels, beaucoup dans le domaine de l'automobile. Mais on sait que le drame de l'auto ne vient pas de l'ALENA, mais des stratégies des géants de l'auto américains. Et que la crise de l'emploi vient bien davantage des économies émergentes.
Il se trompe donc de cible. Mais pourquoi attaquer l'ALENA, plutôt que la Chine? Je soupçonne deux raisons. La première, c'est le populisme. Cela lui permet d'attaquer le «big business», comme il le laisse entendre quand il parle «des ententes comme l'ALENA qui placent les intérêts particuliers avant les intérêts des travailleurs». La seconde, c'est l'opportunisme politique. L'ALENA a été signé par le président Clinton, ce qui lui permet d'attaquer Hillary Clinton par association.
Cela donne, depuis deux semaines, un débat assez surréaliste où chacun essaie de démontrer qu'il a toujours été contre l'ALENA et accuse son adversaire de l'avoir soutenu. À la décharge de Mme Clinton, celle-ci a précisé ce qu'elle voudrait changer à l'ALENA. Elle voudrait renforcer les dispositions du traité sur l'environnement et le droit du travail, des allusions directes aux risques de concurrence déloyale du Mexique. Elle voudrait aussi améliorer le mécanisme de règlement des différends. Mais les deux candidats promettent de rouvrir l'entente.
Cette surenchère révèle le fond protectionniste du Parti démocrate, qui n'a rien de bon pour le Canada. Encore moins quand il est véhiculé par un candidat présidentiel, parce que c'est d'habitude la Maison-Blanche qui fait contrepoids aux élans protectionnistes du Congrès et du Sénat. Évidemment, il faut faire preuve de patience, et d'une bonne dose de cynisme, en se disant qu'il faut mettre tout cela sur le compte de la dynamique électorale.
http://www.cyberpresse.ca/article/20080 ... OPINIONS05
Barack ALENA
Alain Dubuc
Collaboration spéciale
La Presse
La campagne présidentielle américaine passionne les Québécois, et plus particulièrement la lutte que se livrent les deux candidats démocrates. Mais on suit le combat entre Hillary Clinton et Barack Obama comme un match sportif, ou encore une émission de téléréalité, avec une absence troublante d'intérêt pour ce que disent et pensent les candidats.
Et pourtant, dans les derniers milles de cette campagne, un thème qui nous touche de très près a pris une place croissante, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. Les deux candidats promettent de renégocier ou de renier l'ALENA. C'est également révélateur de quelque chose qui n'est pas toujours visible de l'extérieur, le niveau incroyablement primaire des débats entre des politiciens qui aspirent à diriger le pays le plus puissant au monde.
Ce combat, c'est d'abord celui de Barack Obama, le favori qui, depuis plusieurs semaines, multiplie les critiques très virulentes à l'égard de l'ALENA. Et cela nous rappelle qu'il y a un revers au populisme. M. Obama a connu un remarquable succès avec son message de changement. Mais derrière, quand on gratte un peu, dans un dossier comme l'ALENA, ce qu'il dit est stupéfiant d'ignorance, de mauvaise foi et même de bêtise.
La semaine dernière, on lui a demandé ce qu'il ferait avec l'ALENA s'il était élu président: «Je téléphonerais immédiatement, a-t-il répondu, au président du Mexique et au président du Canada pour essayer de modifier l'ALENA.»
Commençons par l'ignorance. On peut comprendre qu'un Américain moyen ne sache pas que le Canada a un premier ministre ou qu'un candidat présidentiel ne maîtrise pas toutes les nuances de la politique étrangère. Mais M. Obama est un sénateur, un sénateur de l'Illinois, un État des Grands Lacs, collé sur le Canada, qui est le principal partenaire des États-Unis.
Mais l'important n'est pas là. La vraie question, c'est de savoir ce que le candidat démocrate veut renégocier. Le site web de sa campagne parle «des ententes injustes comme l'ALENA», sans préciser la nature des injustices. Mais un discours, prononcé il y a deux semaines dans le Wisconsin nous en dit plus: «Des ententes commerciales comme l'ALENA envoient nos emplois outremer et forcent les parents à concurrencer leurs adolescents pour travailler au salaire minimum dans un Wal-Mart.»
Avant d'aller plus loin, arrêtons-nous un instant pour admirer la phrase, son élan, sa puissance évocatrice. Mais on peut quand même noter que l'ALENA est une entente avec le Canada et le Mexique, des pays d'Amérique, qui ont des frontières terrestres avec les États-Unis, qui peuvent difficilement être qualifiés d'outremer. D'autre part, on n'observe pas un phénomène d'exode d'emplois, certainement pas vers le Canada, ni même vers le Mexique.
À la décharge de M. Obama, il faut dire que son crescendo rhétorique s'explique par le fait qu'il se prépare aux primaires de l'Ohio, la semaine prochaine, un État qui a durement été touché par la perte de 250 000 emplois industriels, beaucoup dans le domaine de l'automobile. Mais on sait que le drame de l'auto ne vient pas de l'ALENA, mais des stratégies des géants de l'auto américains. Et que la crise de l'emploi vient bien davantage des économies émergentes.
Il se trompe donc de cible. Mais pourquoi attaquer l'ALENA, plutôt que la Chine? Je soupçonne deux raisons. La première, c'est le populisme. Cela lui permet d'attaquer le «big business», comme il le laisse entendre quand il parle «des ententes comme l'ALENA qui placent les intérêts particuliers avant les intérêts des travailleurs». La seconde, c'est l'opportunisme politique. L'ALENA a été signé par le président Clinton, ce qui lui permet d'attaquer Hillary Clinton par association.
Cela donne, depuis deux semaines, un débat assez surréaliste où chacun essaie de démontrer qu'il a toujours été contre l'ALENA et accuse son adversaire de l'avoir soutenu. À la décharge de Mme Clinton, celle-ci a précisé ce qu'elle voudrait changer à l'ALENA. Elle voudrait renforcer les dispositions du traité sur l'environnement et le droit du travail, des allusions directes aux risques de concurrence déloyale du Mexique. Elle voudrait aussi améliorer le mécanisme de règlement des différends. Mais les deux candidats promettent de rouvrir l'entente.
Cette surenchère révèle le fond protectionniste du Parti démocrate, qui n'a rien de bon pour le Canada. Encore moins quand il est véhiculé par un candidat présidentiel, parce que c'est d'habitude la Maison-Blanche qui fait contrepoids aux élans protectionnistes du Congrès et du Sénat. Évidemment, il faut faire preuve de patience, et d'une bonne dose de cynisme, en se disant qu'il faut mettre tout cela sur le compte de la dynamique électorale.
http://www.cyberpresse.ca/article/20080 ... OPINIONS05
Au plaisir!
«Tout ce que tu fais trouve un sens dans ce que tu es.»