Pourquoi il faut défendre la liberté d'expression (Pierre Lemieux)

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Pourquoi il faut défendre la liberté d'expression

par Pierre Lemieux ( liberteaucanada.com )

Cette semaine nous a appris que la Commission canadienne des « droits de la personne » a employé une fausse identité virtuelle pour surveiller des opinions incorrectes sur l'Internet et faire appliquer la loi canadienne sur les « droits de la personne ». Cette loi interdit, dans les communications, d’« aborder ou faire aborder des questions susceptibles d’exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base de [...] la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience ». Le code criminel contient des dispositions semblables visant la propagande haineuse.

Peu importe que ces lois aient souvent frappé des néo-nazis, car il faut défendre la liberté d’expression jusques et y compris les opinions méprisables. Plus récemment, comme il fallait s'y attendre, les commissions des « droits de la personne » (il y en a aussi des provinciales) ont attaqué d’autres cibles.

Parlant des nazis, il convient de noter que les vrais étaient également de chauds partisans de la censure. L’article 23 du programme de 1920 du Parti national socialiste des travailleurs allemands réclamait « la lutte légale contre le mensonge politique conscient » (souligné dans le texte). Un décret du gouvernement nazi daté du 21 mars 1933 établissait des peines pour « Quiconque élabore ou diffuse délibérément une information fausse ou grossièrement déformée, propre à porter gravement atteinte au statut du Reich ». Les étatistes se ressemblent dans le temps et l'espace.

Le premier argument pour la liberté d’expression est qu’il s’agit de la seule méthode de recherche de la vérité. Dans son fameux On Liberty (1854), John Stuart Mill écrivait, à propos de ceux qui veulent limiter la liberté d’expression :
« … ils admettent les libres débats sur tous les sujets où des doutes subsistent, mais croient qu’il faut interdire de remettre en question un principe ou doctrine dont la certitude ne fait pas de doute, c’est-à-dire dont ils sont certains qu’il ne fait pas de doute. Affirmer la certitude d’une proposition alors que quelqu’un d’autre la nierait si cela était permis revient à supposer que nous sommes nous-mêmes, de même que ceux qui sont d’accord avec nous, juges de la certitude — des juges qui décident sans entendre l’autre partie. »
La liberté d’expression et de débat transmet de l’information à ceux qui n’ont pas vérifié eux-mêmes la vérité de ce qui est en cause. Personne ne dispose du temps et des ressources pour examiner toute chose, et on économise l’information en adoptant les théories et conclusions qui ont passé le test des débats. Quand nier la Shoah aura été interdit durant plusieurs décennies, qu’est-ce qui permettra de croire qu’elle a jamais eu lieu ?

La recherche continue de la vérité importe non seulement du point de vue philosophique mais aussi dans la science et l’économie. La répression de la liberté d'expression explique en bonne partie la pauvreté et l’infériorité militaire des pays islamiques et autres pays totalitaires.

Même les manifestations les plus extrêmes de la liberté d’expression ont des avantages. Comme la Bible nous le rappelle (Exode 32), le dieu de l’un n’est qu’un veau d’or pour l’autre. Le blasphème est une forme de critique religieuse. Les religions d’Occident sont devenues moins dangereuses en partie grâce aux attaques suscitées par les Lumières.

La haine, un sentiment humain indéracinable, ne sert pas à grand-chose dans l’analyse rationnelle, mais peut quand même contribuer à la défense d’idéaux valables. De même pour le mépris, version aristocratique de la haine. Je soutiendrais quant à moi que les canailles de l'État qui nous volent nos libertés méritent bien notre mépris. Et celui-ci n’est pas illégal aussi longtemps qu’ils n’ajouteront pas « la participation au système étatique » dans la définition des « groupes identifiables » qu'ils favorisent dans la loi sur les « droits de la personne ».

L’État lui-même manifeste de la haine et du mépris dans les lois qui frappent la culture des groupes impopulaires — fumeurs, propriétaires d’armes, rednecks, critiques iconoclastes...

Même les lois contre la diffamation sont dangereuses. Non seulement elles encouragent les naïfs à croire tout énoncé qui n’est pas sanctionné par une poursuite, mais elles sont faciles à invoquer pour faire taire la critique. Durant les décennies qui ont précédé son suicide en 1991, le très riche financier Robert Maxwell avait souvent recouru aux poursuites en diffamation, ou à la menace d'en intenter, pour empêcher les journalistes d'enquêter sur ses affaires et ses fraudes.

Les limites à la liberté d’expression qui sont acceptables relèvent du domaine privé : on est libre de dire ce que l’on veut, mais pas dans le salon ou dans le journal d'autrui, sauf autorisation du propriétaire.

Un autre argument pour la liberté d’expression est que la censure politique constitue l'autre volet de l’alternative. Et on n’a aucune raison de croire que les dictateurs, les politiciens et les bureaucrates sont plus éclairés que ce qui résulte du choc des opinions. L’histoire montre que l’État est beaucoup plus dangereux que la liberté d’expression. Habituellement, c'est seulement quand l'État les fait siennes que les opinions tuent.

L’humanité n’a pas beaucoup changé. À l’aube du troisième millénaire, nous sommes encore confrontés à la peur de la nature et à des superstitions environnementales recyclées, à des épidémies vraies ou imaginaires, à des guerres de religion, à la censure et à d’autres vieilles modes liberticides. La menace de la tyrannie est toujours très actuelle. Et nous devrions avoir compris combien glissante est la pente de l’interférence étatique dans la liberté d’expression.

(29 mars 2008)
Prière et chant religieux
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