Nathalie Elgrably (page 10 Où est le gros bon sens? )

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Beppo
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Message par Beppo »

Ah bin merci! Je vais savoir où trouver la prochaine fois.




Au plaisir!


«Tout ce que tu fais trouve un sens dans ce que tu es.»
.anthurium.
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Message par .anthurium. »

Le culte de la victime : suite et fin
Le Journal de Montréal, p. 27 / Nathalie Elgrably, 27 septembre 2007

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Mon texte de la semaine dernière a été consacré au fait que la nouvelle politique québécoise en matière de malbouffe réduit les libertés individuelles et ouvre la voie à la «nationalisation» des corps, car elle octroie à l’État le droit de décider de ce qui entre dans notre estomac.

Évidemment, la milice antimalbouffe prétend qu’une telle politique est nécessaire, car ce sont les contribuables qui financent le système de santé et qui, par conséquent, paient pour soigner les obèses. Leur logique est donc simple: je paie, donc je décide de ton alimentation.

Cet argument est réducteur. L’obésité occasionne des coûts, certes, mais il faut également tenir compte du fait que, malheureusement, les obèses meurent prématurément. Ils allègent donc les coûts liés aux soins de santé destinés aux aînés puisqu’ils réclament moins de pensions de vieillesse. Le fardeau qu’un obèse impose aux contribuables n’est donc pas celui qu’on nous présente, peut-être même est-il équivalent à celui d’une personne svelte qui vit jusqu’à 80 ans, mais il ne faut pas demander aux fondamentalistes antimalbouffe d’effectuer ce genre de précisions!

L’argument du financement public des soins de santé est également pernicieux, car il pourrait être invoqué pour réglementer n’importe quel comportement puisque toutes les activités humaines présentent des risques plus ou moins graves. On peut se blesser en déplaçant des meubles, en soulevant des sacs d’épicerie, en ratant une marche d’escalier, en rénovant sa maison, en pratiquant son sport préféré… Combien de gens terminent leur journée de ski dans une salle d’urgence, et combien finissent leurs jours dans un fauteuil roulant suite à un mauvais plongeon! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la médecine sportive occupe une place majeure dans le monde médical.

Si on interdit la malbouffe, pourquoi ne pas également réglementer toutes les activités qui imposent des coûts au système de santé? On pourrait bannir les autos pour réduire le nombre d’accidents de la route, empêcher le jogging pour limiter le nombre de chirurgies du genou, interdire les perçages pour éviter les infections, et limiter les déménagements à un par décennie afin de diminuer le nombre de blessures au dos.

Et sachant qu’une femme sur neuf développera un cancer du sein, pourquoi ne pas rendre obligatoire pour toutes les femmes une double mastectomie et ainsi économiser sur les traitements anticancer très coûteux?! Si l’on permet à des fonctionnaires de décider de notre alimentation pour le «bien de la société», pourquoi ne nous dicteraient-ils pas nos comportements pour la même raison?

Le véritable problème, qui gêne réellement la brigade antimalbouffe, ce n’est pas tant l’embonpoint d’autrui, mais plutôt le fait que chacun de nous doit payer pour les soins de santé consommés par le voisin. D’ailleurs, n’a-t-on jamais entendu les ténors de la santé publique faire la promotion d’une bonne hygiène buccale? Certainement pas, puisque les soins dentaires sont la responsabilité de l’individu et non celle de l’État!

Le débat sur la malbouffe est donc intimement lié à celui sur le financement des soins de santé. Évidemment, un système d’assurances privées où chaque individu paierait une prime en fonction du risque qu’il présente semble inconcevable pour beaucoup de Québécois. Pourtant, cette approche garantirait à l’individu la propriété de son corps et la liberté de choisir son style de vie. Mais encore faut-il accepter d’être responsable de son corps!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l'Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.
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Gillo
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Message par Gillo »

J'ai écouté une entrevue avec Gilles Proulx il y a quelques semaines.  Elle (Elgrabi) pronait le fait que les cie sont capables de se gérer elles mêmes et qu'il faudrait abolir les lois pour leurs donner plus de liberté!


Nous sommes sur le bord du gouffre justement à cause de la libre entreprise et elle voudrait qu'on leur donne encore plus de corde pour nous pendre... Quelle nunuche!  
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La pensée magique
Le Journal de Montréal, p. 24 / Nathalie Elgrably, 04 octobre 2007

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Le Front de défense des non-syndiqués (FDNS) réclame une hausse du salaire minimum de 8,00 à 10,16$ l'heure pour combattre la pauvreté.

Mais pourquoi nous contenter d'une augmentation mesquine de 2,16$ l'heure si la hausse du salaire minimum suffit à améliorer le sort des travailleurs au bas de l'échelle? Ne devrions-nous pas manifester davantage de générosité et de solidarité, et réclamer une hausse de 10$ ou 15$ l'heure? Ne devrions-nous pas également partager cette fabuleuse découverte avec les dirigeants des pays en développement et ainsi économiser des milliards en aide internationale en plus de supprimer la pauvreté dans le monde?

Vouloir éradiquer la pauvreté est un objectif tout à fait louable qui fait assurément l'unanimité. Mais croire que la hausse du salaire minimum suffit à l'atteindre relève de la pensée magique.

Une hausse de 2,16$ l'heure peut paraître modeste. Après tout, c'est à peine le prix d'un pain ou d'un ticket d'autobus. Pourtant, il s'agit là d'une augmentation de plus de 25% du salaire minimum. Il faut donc être bien naïf pour penser que les employeurs resteront passifs face à un bond aussi vertigineux de leurs coûts. Et il faut être bien mal informé pour ignorer que les travailleurs au salaire minimum œuvrent surtout dans des PME, voire dans de très petites entreprises comptant moins de cinq employés.

Si on juge que McDonald peut aisément offrir de meilleurs salaires, on ne peut malheureusement pas en dire autant de la très grande majorité des petites entreprises qui embauchent la main-d'œuvre peu qualifiée et peu expérimentée. Il faut donc s'attendre à ce que ces PME cherchent des moyens de mitiger la hausse de leur masse salariale.

L'option qu'elles retiendront dépendra évidemment du secteur d'activité dans lequel elles évoluent. Les boutiques, les dépanneurs et les supermarchés choisiront certainement d'embaucher moins d'emballeurs et de commis, et remplaceront les caissières par ces nouvelles caisses automatiques. Certains clubs vidéo préfèrent déjà les distributeurs automatiques de films aux traditionnels commis. Comment se fait-il donc que les bien-pensants du FDNS ne réalisent pas qu'une hausse aussi radicale du salaire minimum précipitera, entre autres, la disparition de certains emplois pour lesquels les nouvelles technologies proposent des solutions de rechange bon marché?

Quant aux entreprises du secteur de la production, certaines pourraient être tentées de délocaliser leurs activités vers des pays où la main-d'oeuvre est meilleur marché.

Dans tous les cas, une hausse de 25% du salaire minimum risque d'être contreproductive. Il est difficile de survivre avec un salaire de 8$ l'heure. Mais il est encore plus dramatique de perdre son emploi, car en plus de perdre un revenu, le travailleur est privé d'une expérience de travail et de la possibilité de gravir les échelons.

La hausse du salaire minimum n'est pas un remède à la pauvreté. Dans les faits, ce n'est pas parce que les salaires sont faibles que les gens sont pauvres, c'est parce qu'ils sont peu qualifiés. La seule véritable solution à l'amélioration du niveau de vie passe par l'expérience et l'instruction.

Plutôt que d'investir des efforts dans un événement stérile comme la «Semaine nationale pour l'augmentation du salaire minimum», le FDNS devrait plutôt trouver des moyens d'aider les travailleurs à parfaire leur formation, car c'est la méthode la plus sûre pour s'enrichir. Légiférer pour enrayer la pauvreté est absurde: on peut forcer un employeur à verser de meilleurs salaires, mais on ne pourra jamais l'obliger à embaucher!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l'Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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Message par .anthurium. »

Le diktat de la «gauche caviar»
Le Journal de Montréal, p. 27 / Nathalie Elgrably, 11 octobre 2007

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Décidément, octobre est le mois de la remise en question du modèle québécois! Il y a deux ans, le manifeste Pour un Québec lucide faisait l’effet d’une bombe. Puis, l’an dernier, le film L’illusion tranquille troublait notre quiétude et Lucien Bouchard nous piquait au vif avec sa célèbre déclaration sur la productivité.

Aujourd’hui, c’est au tour de Daniel Audet, premier vice-président du Conseil du patronat du Québec, de revenir à la charge avec son essai intitulé «15 idées pour un Québec fort», publié dans la revue L’actualité du 15 octobre.

Ses propositions concernent toutes les sphères de notre société, de la légalisation de l’assurance maladie privée à la privatisation de la SAQ, en passant par la réforme de l’aide sociale.

Évidemment, Daniel Audet a eu droit à un accueil mitigé. Pourtant, tout comme Lucien Bouchard, les signataires du Manifeste et les réalisateurs de L’illusion tranquille, il n’a fait que souligner les problèmes auxquels le Québec est confronté et les défis qu’il doit relever. Affronter la réalité, énoncer les failles de notre système sans être politiquement correct, réfléchir à des solutions pour faire prospérer le Québec sont autant de gestes qu’on peut qualifier de patriotiques.

Toutefois, de telles initiatives ne génèrent habituellement qu’un intérêt éphémère. Au lieu de déclencher un débat constructif, elles sont étouffées et méprisées, et leurs auteurs sont subtilement qualifiés de traîtres à la nation. On croupit dans un modèle qui a fait banqueroute, non pas faute d’idées nouvelles, mais en raison de la «gauche caviar» qui nous impose son diktat depuis 40 ans. À ses yeux, l’État-nounou est le seul modèle valable, et quiconque oserait prétendre le contraire ne peut qu’être l’incarnation du diable.

Hypocrite

La «gauche caviar» tient un discours moralisateur et culpabilisant, mais elle est hypocrite. Elle défend l’universalité des soins de santé, mais se fait soigner aux États-Unis. Elle encense l’école publique, mais envoie ses enfants dans les établissements privés. Elle nous sermonne de prendre les transports en commun, mais ne se déplace qu’en auto. Elle milite pour une hausse des impôts, mais place son argent aux îles Caïman. Bref, elle dit ce qu’il faut faire, mais ne fait pas ce quelle dit!

Certaines idées proposées par Daniel Audet, comme l’allégement de la fiscalité, permettraient indubitablement d’enrichir le Québec. D’autres, comme la privatisation de la SAQ, auraient des effets moins visibles sur notre niveau de vie bien qu’elles soient tout à fait légitimes. Enfin, quelques idées sont à ignorer, comme la constitution d’une caisse pour financer le système de santé public. Presque 40% des impôts perçus, soit 22 milliards de dollars, sont déjà alloués à la santé. On ne peut en exiger davantage des contribuables. Il faut plutôt trouver les moyens d’améliorer l’efficacité du réseau avant de songer à y engouffrer plus d’argent.

Mais qu’elles plaisent ou non, les propositions de Daniel Audet ont le mérite de sortir des sentiers battus. Après 40 ans d’interventionnisme, le Québec est l’une des régions les plus pauvres d’Amérique du Nord, malgré tout son potentiel. Il faut donc penser autrement, car ce ne sont pas les variations sur le thème de l’État-nounou que nous sert inlassablement la «gauche caviar» qui permettront au Québec de s’épanouir.

L’article de Daniel Audet est une autre belle occasion d’ouvrir un débat enrichissant sur la direction à donner à notre société. Évidemment, la «gauche caviar» est invitée à présenter ses arguments… si elle en a.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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Message par .anthurium. »

Bataille pour le Trône
Le Journal de Montréal, p. 27 / Nathalie Elgrably, 18 octobre 2007

Les trois partis d'opposition ont exprimé leur déception suite au discours du Trône, car Stephen Harper n'a pas répondu à leurs attentes, notamment en matière d'environnement et en ce qui concerne la mission canadienne en Afghanistan. Il serait évidemment légitime de faire tomber un gouvernement s'il constitue une menace pour le bien-être, la prospérité et le développement du pays. Mais est-ce le cas du gouvernement conservateur actuel? Le Bloc et le NPD défendent-ils réellement les intérêts du pays en s'opposant au discours de M. Harper?

Le gouvernement conservateur promet des réductions d'impôts pour les particuliers et les entreprises. Pourquoi s'en indigner? De telles réductions vont favoriser le travail et stimuler l'investissement, ce qui contribue à créer une économie solide. Considérant les défis que pose la mondialisation, l'allégement fiscal est un moteur de croissance dont le Canada ne peut se priver. À titre d'exemple, aux États-Unis, les baisses d'impôts adoptées en 2001 et 2003 ont fortement stimulé la création d'emplois et l'investissement, tout en favorisant une hausse de 46% des recettes fiscales en quatre ans.

Et, si Ottawa dispose de surplus, c'est que le gouvernement a pigé dans nos poches plus d'argent qu'il ne lui en fallait pour remplir ses engagements. Quoi de plus naturel que de rendre aux travailleurs et aux entrepreneurs le fruit de leur labeur?

Monsieur Harper a également annoncé qu'il ne respecterait pas le protocole de Kyoto en raison de ses cibles irréalistes. Il ne nous berne pas avec des objectifs utopiques et ne joue pas à la vierge offensée devant quiconque les remet en question. Il cherche plutôt un moyen efficace de concilier l'environnement et la prospérité économique. Il n'y a certainement pas de quoi le clouer au pilori!

Malgré tout, le Bloc fait fi des bons points du discours et s'accroche fermement à la question du pouvoir de dépenser. Il peut certainement défendre la légitimité de cette demande, mais elle ne justifie nullement qu'il faille renverser un gouvernement! D'une part, rien ne garantit qu'un autre gouvernement soit davantage réceptif à cette requête. D'autre part, M. Duceppe pourrait parfaitement poursuivre cette bataille tout en appuyant le Discours et ainsi permettre aux Canadiens de bénéficier des baisses d'impôts promises. Si cette option n'a pas été envisagée, c'est certainement parce que le Bloc cherche avant tout à justifier sa raison d'être en se démarquant des conservateurs, même si cela implique de renoncer à des mesures qui avantageraient le pays.

La résistance du NPD face aux discours du Trône était prévisible. Non seulement ce parti n'a-t-il rien à perdre, mais il pourrait même gagner des votes étant donné la zone de turbulence que traversent les libéraux.

Quant à M. Dion, sa décision est également purement égoïste. Il ne sauve pas le gouvernement actuel pour éviter des élections, mais bien parce qu'il n'est pas en position de les gagner. En réalité, les trois partis d'opposition se désintéressent complètement du bien-être des Canadiens. Seul l'intérêt politique motive leurs décisions. Certains sont prêts à nous priver de mesures économiques bénéfiques pour satisfaire leurs ambitions politiques et leur soif de pouvoir. Ils prétendent souhaiter notre bien, mais ce sont tous des égoïstes, y compris Stephen à Harper qui n'aspire en réalité qu'à constituer un gouvernement majoritaire. Mais en politique comme en économie, il faut considérer la pertinence des politiques et non les intentions qui les motivent.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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gribou
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Message par gribou »

je sais que jeff fillion trippe dessus. encore quelqu'un de la droite moi aussi elle me tombe sur les nerds
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Message par .anthurium. »

gribou  a écritje sais que jeff fillion trippe dessus. encore quelqu'un de la droite moi aussi elle me tombe sur les nerds

Il n'est pas le seul. Comme beaucoup de professeur, elle a une façon très accessible de nous présenter les choses. Son discourt est rafraîchissant elle tranche de la masse.
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Délire kafkaïen
Le Journal de Montréal, p. 27 / Nathalie Elgrably, 25 octobre 2007

Vous voulez réagir à cet article? Vous voulez poser une question à son auteur?

La Commission Johnson a rendu public son rapport jeudi dernier. Il nous en a coûté six millions pour apprendre que nos ponts et viaducs ont sérieusement besoin d'être remis en état, que le ministère des Transports a failli à sa mission, à savoir d'«assurer, sur tout le territoire, la mobilité des personnes et des marchandises par des systèmes de transport efficaces et sécuritaires». Voilà de l'argent bien dépensé!

Certes, le rapport présente des détails techniques sur les vices de conception et sur la piètre qualité du béton qui peuvent intéresser les ingénieurs. Toutefois, il omet de répondre à la seule question qui importe aux Québécois: pourquoi l'État a-t-il délaissé ses infrastructures pendant 30 ans? Pourquoi donc cette négligence meurtrière?

La commission accuse en partie la «culture» organisationnelle du ministère des Transports, ainsi que ses habitudes de travail. Il va de soi qu'une organisation dans laquelle la loyauté au syndicat l'emporte sur la sécurité du public doit faire l'objet de changements draconiens. Une culture de négligence et d'insouciance doit être combattue, où qu'on l'observe.

Mais il y a plus. D'abord le fait que nous payons aujourd'hui le prix de 40 ans de compromis politiques! Les politiciens ont accommodé leurs électeurs en acquiesçant à nombre de leurs demandes, même à celles qui étaient déraisonnables. Pour gagner des votes, ils ont créé des programmes populistes et, surtout, bien visibles. Ainsi, au fil du temps, les gouvernements ont négligé l'entretien des infrastructures, car promettre la réfection d'un pont ou de nouveaux égouts n'est pas aussi politiquement rentable que l'équité salariale, la création de garderies à 5$, l'assurance médicaments ou les congés parentaux.

Nos infrastructures tombent en ruine parce que l'État alloue ses fonds en priorité aux dossiers qui bénéficient de la faveur populaire. Maintenant que ni le délabrement des routes ni l'exaspération des Québécois ne peuvent être ignorés, on nous annonce l'injection de milliards de dollars pour ramener notre belle province dans l'ère de la modernité.

Mais qu'arrivera-t-il ensuite? Qu'adviendra-t-il de nos routes lorsqu'elles auront été remises à neuf et qu'elles ne feront plus la manchette des journaux? Feront-elles de nouveau l'objet de compromis politiques qui se solderont par l'écroulement d'un autre viaduc? Réparer nos infrastructures, c'est bien. Éliminer les conditions responsables de leur dégradation, c'est mieux!

En réponse au rapport Johnson, la ministre des Transports, Julie Boulet, a fièrement annoncé la création d'une agence qui se consacrera à la construction, à la gestion et à l'entretien des structures du réseau gérées par Québec.

Or, le ministère des Transports, qui a toujours été responsable des ouvrages routiers, a lamentablement échoué dans sa mission. Pourquoi une autre entité gouvernementale réussirait-elle mieux? La lourdeur bureaucratique, l'inefficacité, l'absence d'une obligation de rendre des comptes et l'insouciance ne sont pas propres au ministère des Transports. Ce sont des conséquences intrinsèques au fonctionnement de l'État, et la nouvelle agence ne pourra s'y soustraire.

Madame Boulet a déclaré vouloir faire mieux, faire plus et faire autrement. Or, elle ne fait rien différemment. Elle convient que l'État a failli et à sa tâche et propose de résoudre le problème avec… une autre agence gouvernementale! Les fonctionnaires nous ont trahis, mais elle envisage d'en embaucher davantage. On se croirait dans un cauchemar kafkaïen!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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Délire kafkaïen (la suite)
Le Journal de Montréal, p. 25 / Nathalie Elgrably, 01 novembre 2007

Ma chronique de la semaine dernière traitait du projet de la ministre des Transports, Julie Boulet, de créer une agence qui se consacrerait à la construction, à la gestion et à l'entretien des structures du réseau routier gérées par Québec. Elle espère que cette nouvelle entité gouvernementale réussira là où le ministère des Transports a échoué.

J’ai exprimé mon scepticisme à l’égard de cette initiative, car la lourdeur bureaucratique, l’inefficacité, l’absence d’obligation de rendre des comptes et l’insouciance sont des conséquences intrinsèques au fonctionnement de l’État, et il n’y a aucune raison pour que cette nouvelle agence fasse exception. Pourquoi porter un jugement aussi sévère sur cette entité dont le rôle est, en principe, de servir la population?

De nombreux auteurs ont tenté d’expliquer l’inefficacité de l’État, mais personne n’a été aussi clair, concis et éloquent que l’a été Milton Friedman, récipiendaire du prix Nobel d’économie de 1976 et l’un des économistes les plus influents du 20e siècle.

Friedman identifie quatre façons de dépenser l’argent:

(1) dépenser son propre argent pour soi-même, auquel cas on fait preuve de prudence, on s’assure de la qualité du produit et on veille à en avoir pour son argent;
(2) dépenser son propre argent pour quelqu’un d’autre, par exemple pour l’achat d’un cadeau. Dans ce cas, on accorde moins d’attention au produit qu’à la somme dépensée;
(3) dépenser l’argent de quelqu’un d’autre pour soi-même. C’est ce qui se produit lorsqu’on notre employeur nous offre une allocation de dépenses. Le prix devient alors secondaire, mais on est exigeant quant à la qualité du produit;
(4) dépenser l’argent de quelqu’un d’autre pour autrui. C’est le cas des gouvernements qui dépensent l’argent des contribuables pour fournir des services aux citoyens. Ils ne veillent ni à la dépense ni à la qualité, car personne n’est tenu d’assumer les conséquences de ses décisions.
On comprend donc pourquoi, malgré un budget de 3 milliards de dollars, le ministère des Transports a failli à sa tâche. On comprend également que la création d’une nouvelle agence ne peut être la solution, puisqu’on ne fait que remplacer un groupe de fonctionnaires par un autre groupe de fonctionnaires chargés de dépenser l’argent de quelqu’un d’autre pour autrui.

Albert Einstein avait défini la folie comme étant le fait «de faire et de refaire la même chose en espérant des résultats différents». Ne soyons donc pas naïfs au point de croire qu’une nouvelle agence et qu’un État plus lourd constituent la solution au délabrement des infrastructures!

Il existe bien sûr des solutions de rechange aux méthodes actuelles, mais encore faut-il consentir à sortir des sentiers battus. On pourrait, par exemple, intensifier les partenariats public-privé, financés par le péage, ce qui permettrait de réaliser avantageusement un grand nombre de projets de réfections routières. D’autres expériences ont été menées et les résultats ont été concluants. Pourquoi ne pas tenter l’aventure?

Évidemment, beaucoup de gens s’opposent à laisser plus de place au privé, partant du principe que quiconque cherche à faire du profit est nécessairement un émissaire du diable. Pourtant, personne ne craint que les toits des supermarchés, des cinémas ou des boutiques lui tombent sur la tête. Mais tout le monde retient son souffle en passant sous un viaduc ou sur un pont. N’y a-t-il pas ici matière à réflexion?

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Libre de choisir
Le Journal de Montréal, p. 27 / Nathalie Elgrably, 08 novembre 2007


Après avoir été passif pendant plusieurs mois, Mario Dumont se lance de nouveau dans la «politique extrême» avec la question des commissions scolaires. Il est vrai que la création d’un chantier de réflexion sur la démocratie scolaire a de quoi faire bondir de colère, car ce n’est clairement qu’une tactique pour faire taire les critiques et reporter le débat, de préférence à un moment où la population sera préoccupée par un autre problème. Mais de là à déclencher des élections, il y a une marge! Le dossier des commissions scolaires n’est tout de même pas si important.

Mario Dumont veut faire le procès des commissions scolaires (CS). Or, à en juger par le très faible taux de participation aux élections scolaires, la population a déjà rendu son verdict: les CS sont d’une «grossière inutilité».

Comment expliquer que les écoles privées, les cégeps et les universités fonctionnent malgré l’absence d’une CS qui joue le rôle d’intermédiaire entre l’école et le ministère de l’Éducation? Le palier de décision supplémentaire que constituent les CS n’est clairement pas essentiel. Et quand on sait que certaines CS chapeautent des dizaines, voire des centaines d’établissements scolaires, on peut douter que les décideurs embourbés dans la bureaucratie soient à l’écoute des besoins spécifiques de chaque école. Or, qui du directeur d’école ou du fonctionnaire qui n’est jamais sorti de son bureau, est en mesure de prendre les meilleures décisions pour le bien-être des élèves?

Il faut être ouvert à la possibilité de décentraliser la gestion des écoles. Non seulement pourrait-on éviter les dépenses administratives inhérentes à l’existence des CS, mais le fait de réduire la bureaucratie permettrait aux écoles de s’adapter plus facilement à leur clientèle et d’innover dans les services éducatifs. On pourrait d’ailleurs citer le cas des écoles à charte (écoles publiques laïques) qui existent en Alberta et aux États-Unis et qui sont autonomes. À en juger par la croissance plutôt rapide des écoles à charte aux États-Unis particulièrement, il semble évident que les parties concernées sont satisfaites de leurs résultats.

S’interroger sur la légitimité des CS est important. Mais aucun politicien ou «chantier de réflexion» ne réussira à en saisir toutes les subtilités. Pourquoi donc ne pas procéder autrement en donnant aux principaux concernés la possibilité d’exprimer leurs préférences? Pourquoi ne pas laisser aux écoles le choix de se placer sous l’aile d’une CS, ou de traiter directement avec le ministère? Ce n’est ni à Mario Dumont ni à la ministre Courchesne de trancher sur la légitimité des CS: c’est aux écoles de le faire.

Si elles choisissent massivement de couper le cordon, c’est que les CS sont effectivement inutiles et elles disparaîtront progressivement. Si les écoles restent fidèles à leur CS, c’est que la crise nationale que tente de déclencher Mario Dumont est injustifiée. Il est donc inutile de gaspiller l’argent des contribuables dans des consultations stériles. Il est tout aussi inutile de déclencher un bras de fer politique et de palabrer éternellement sur la nécessité d’abolir ou de maintenir les CS. Il suffit de laisser aux écoles la liberté de choisir ce qui leur convient le mieux.

Il est vrai qu’octroyer la liberté de choix est un concept étranger à la politique québécoise. Nous sommes plutôt habitués à laisser les élus décider à notre place. N’est-il pas temps que ça change?

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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Lettre aux étudiants
Le Journal de Montréal, p. 27 / Nathalie Elgrably, 15 novembre 2007

Étudiants des cégeps et des universités, vous manifestez contre le dégel des frais de scolarité et, dans certains cas, vous revendiquez la gratuité scolaire. Vous jugez que la société n’en fait pas suffisamment pour vous, et vous réclamez d’elle davantage.

Peut-être l’ignorez-vous, mais à raison de 1862 $ par année, soit l’équivalent de 4,13 $ l’heure de cours, non seulement vos frais de scolarité sont-ils inférieurs de moitié à la moyenne canadienne, mais ils sont aussi parmi les plus bas au monde. Et comme ces frais ne sont pas indexés, l’éducation coûte un peu moins cher chaque année. Aujourd’hui, une heure de cours coûte moins cher qu’une heure au cinéma!

Vous affirmez que cette quasi-gratuité est indispensable pour assurer l’accès à l’éducation aux jeunes issus de familles pauvres. La théorie est séduisante, mais la réalité est tout autre. Les jeunes de familles riches sont deux fois plus nombreux à fréquenter l’université que ceux dont les parents gagnent un faible revenu. Vos grèves et vos manifestations visent donc à réclamer aux contribuables moyens de financer l’éducation des enfants de leurs voisins mieux nantis. Est-ce vraiment ce que vous souhaitez? Pourquoi ne pas faire payer les riches en dégelant les frais de scolarité tout en assurant l’accessibilité à tous en aidant uniquement et strictement les étudiants pauvres?

Vous affirmez qu’une hausse de 50 $ par trimestre des frais de scolarité (l’équivalent de 11 cents l’heure de cours) est inacceptable, et qu’elle forcerait certains d’entre vous à abandonner vos études. Cette affirmation repose sur l’hypothèse totalement fausse voulant que l’éducation soit un bien de consommation dont la demande diminue quand le prix augmente. Si vous supportez des coûts aujourd’hui pour obtenir plus tard un emploi plus intéressant et mieux rémunéré, c’est la preuve que l’éducation est un investissement et non une dépense. C’est même l’un des investissements les plus rentables qui soient! Vous êtes donc les principaux bénéficiaires de votre éducation, mais ce sont les contribuables et les donateurs privés qui fournissent aux universités 89% de leurs revenus. La société n’a-t-elle donc pas déjà suffisamment contribué?

Vos associations étudiantes soutiennent que les droits de scolarité ont pour effet de réduire l’accès à l’éducation. Pourtant, elles n’hésitent pas à exiger de vous des cotisations obligatoires dont certaines s’élèvent à plus de 50 $ par trimestre. N’y voyez-vous pas un non-sens? Devons-nous conclure qu’une hausse de 50 $ par trimestre réduit l’accessibilité uniquement lorsqu’il est question de frais de scolarité, mais qu’elle est sans conséquence quand ce montant est destiné aux coffres des associations étudiantes?! Pourquoi ne demanderiez-vous pas à vos associations de faire preuve de «solidarité étudiante» et de favoriser l’accès à l’éducation en abolissant les frais qu’elles vous imposent?

Finalement, la responsabilité sociale de l’éducation est votre leitmotiv. Mais qu’advient-il de la responsabilité des parents? Pourquoi ne manifestez-vous pas pour rappeler à vos parents que leur rôle ne se limite pas à vous avoir mis au monde? Un parent doit avoir le sens du sacrifice et doit faire passer l’éducation de son enfant avant toute chose. Les étudiants dont les parents n’ont réellement pas les moyens d’assumer la hausse des droits de scolarité doivent incontestablement être aidés par la société. Mais les familles qui disposent d’une marge de manoeuvre de 50 $ par trimestre n’ont qu’à payer! Appelons cela la «solidarité familiale».


Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute and author of the book La face cachée des politiques publiques.
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Beppo
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Plus clair que ça, tu meurs...




Au plaisir!


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Que de jérémiades
Le Journal de Montréal, p. 31 / Nathalie Elgrably, 22 novembre 2007

Un vent de panique souffle sur le Québec depuis l'envolée spectaculaire du huard. Il a même atteint nos élites politiques et Jean Charest juge la situation suffisamment grave pour réclamer que Stephen Harper convoque une conférence des premiers ministres sur la question.

Que l'appréciation de notre devise nuise aux exportations manufacturières est un fait incontestable. Mais ne présenter que cet aspect de la réalité est réducteur et malhonnête, car une monnaie forte présente des avantages tangibles qu'on ne doit pas passer sous silence.

Tout le monde comprend que l'appréciation de la devise avantage les consommateurs, après une certaine période d'ajustement des prix. Mais, contrairement au message largement véhiculé, les entreprises canadiennes bénéficient également d'un dollar fort. D'une part, elles peuvent réduire leurs coûts de production, car elles importent une quantité importante de matières premières. D'autre part, comme elles ont pour habitude d'importer leur équipement et leur machinerie, elles peuvent maintenant acquérir ces biens à prix d'aubaine. Un dollar à parité, c'est comme une vente de «Boxing Day» et les entreprises devraient en profiter pour renouveler leur capital physique et améliorer leur productivité. C'est même indispensable dans un contexte de mondialisation des marchés.

Mais ce n'est pas tout. La vigueur du dollar signifie que les Canadiens peuvent acheter des entreprises étrangères à une fraction de ce qu'ils auraient payé il y a cinq ans lorsque le dollar valait 61¢ US. Certains se lamentaient lorsque des entreprises locales passaient aux mains d'intérêts étrangers. Aujourd'hui, les Canadiens ont les moyens d'effectuer des prises de contrôle auxquelles ils n'auraient pas osé rêver il y a quelques années. Mais pour cela, encore faut-il qu'on cesse de se voir comme les victimes d'une monnaie forte et qu'on passe à l'offensive.

L'appréciation du dollar canadien permet aussi à nos entreprises non seulement de retenir notre main-d'œuvre qualifiée, mais aussi d'attirer les travailleurs étrangers les plus talentueux, car ils sont maintenant rémunérés avec une devise forte. Si la faiblesse du dollar contribuait autrefois à l'exode des cerveaux, sa vigueur actuelle ne devrait-elle pas inverser la tendance?

Finalement, une monnaie qui s'apprécie signifie qu'il devient plus facile de rembourser nos dettes libellées en dollars américains, un peu comme si nos créanciers en effaçaient une partie.

En somme, un dollar fort permettra de tous nous enrichir. Cessons donc les jérémiades et saisissons les occasions qui se présentent à nous. Cessons également notre fixation sur le secteur manufacturier, car la valeur de la monnaie n'est pas la seule responsable des difficultés qu'il rencontre.

Ce secteur a longtemps été protégé par des tarifs douaniers et des quotas d'importation. Mais cette protection a été contre-productive, car au lieu de développer des créneaux à valeur ajoutée, d'innover et de miser sur la hausse de leur productivité, les entreprises manufacturières se sont reposées sur leurs lauriers. Aujourd'hui, elles en paient le prix. C'est malheureux pour les travailleurs qui sont mis à pied, et il faudrait envisager des moyens pour les aider à réintégrer le marché du travail. Mais les difficultés du secteur manufacturier ne devraient en aucun cas conduire à des mesures pour contrer la hausse de notre devise. De grâce, M. Charest, ne vous mêlez pas du taux de change. Ce dossier permet certainement de faire du kilométrage politique, mais il ne faut tout de même pas pénaliser tout un pays uniquement pour plaire à un secteur autrefois choyé!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l'Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.
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Les vrais coupables
Le Journal de Montréal, p. 25 / Nathalie Elgrably, 29 novembre 2007
La semaine dernière, le ministre des Ressources naturelles, Claude Béchard, déposait sa loi sur la «transparence dans la vente de l’essence» en vue d’obliger les pétrolières à justifier chaque hausse du prix à la pompe.

Le ministre Béchard juge important que les automobilistes comprennent pourquoi le prix de l’essence augmente. Soit! Mais comme les taxes qu’il perçoit augmentent chaque fois que les pétrolières haussent le prix de l’or noir, ne devrait-il pas prêcher par l’exemple et également expliquer pourquoi il en exige toujours davantage du contribuable? Le fait que le projet de loi prévoit que le détaillant doit afficher le montant des taxes est insuffisant. Par souci de cohérence, et pour respecter le principe de transparence dont il fait la promotion, des fonctionnaires devraient indiquer à quelles fins ces nouvelles recettes fiscales seront allouées! Après tout, si les pétrolières doivent justifier leurs hausses de prix, l’État ne devrait-il pas également expliquer pourquoi il empoche davantage de taxes?

Évidemment, le ministre Béchard se défend en affirmant que son initiative permettra de déterminer quelles sont les pétrolières à l’origine des hausses de prix. Malheureusement, il ne s’attaque pas au véritable coupable. Il oublie que 90% des réserves mondiales de pétrole sont gérées par des gouvernements ou des sociétés d’État. Il oublie également que 77% des réserves connues de pétrole sont la propriété des pays membres de l’OPEP, un cartel international formé de 13 pays parmi lesquels le Venezuela, l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Irak, le Koweït, les Émirats arabes unis, l’Angola, l’Algérie, le Nigeria, et le Qatar. À titre de comparaison, la plus importante pétrolière, ExxonMobil, ne possède que 1,08% des réserves mondiales. Quant aux cinq plus grandes pétrolières, c’est à peine si elles en possèdent 4%.

En s’attaquant aux pétrolières, le ministre Béchard tente de passer pour un héros qui veut sauver les automobilistes des griffes de multinationales voraces. Or, il oublie que le cartel de l’OPEP, qui possède infiniment plus de pouvoir que les pétrolières privées, restreint artificiellement la production des pays membres dans l’unique objectif d’augmenter le prix du brut. Il néglige également le fait que plusieurs membres de l’OPEP ainsi que des pays qui ont confié leur production de pétrole à des sociétés d’État ont peu investi depuis des décennies dans l’exploration et la mise sur pied de nouvelles unités de production. Même le Venezuela, qui dispose des réserves parmi les plus importantes au monde, voit sa production dégringoler depuis que Chavez poursuit la nationalisation du pétrole.

Bien entendu, si les pétrolières complotent, elles devraient être punies. Mais le véritable problème n’est pas tant le comportement des pétrolières, car leur pouvoir est limité. D’ailleurs, comment pourrait-on leur attribuer le fait que le prix à la pompe a pratiquement doublé en 10 ans?

Le problème tient plutôt au fait que l’essentiel de l’or noir est entre les mains de gouvernements rapaces qui limitent délibérément leur production malgré la hausse de la demande mondiale. Et ça, le projet de loi du ministre Béchard n’y changera rien.

Maintenant, la bonne nouvelle. Le cartel de l’OPEP est si aveuglé par les profits actuels qu’il oublie que les prix élevés rendent rentables les schistes bitumineux du Colorado et les sables asphaltiques du Canada. Et comme ces réserves sont plus importantes que celles de pétrole brut, l’OPEP et ses acolytes ne pourront bientôt plus tenir le monde en otage. Le compte à rebours est commencé!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l'Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

   
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Non au patriotisme économique
Le Journal de Montréal, p. 27 / Nathalie Elgrably, 06 décembre 2007

Depuis que le huard gravite autour de la parité avec le dollar américain, les Québécois sont nombreux à effectuer un voyage d’une journée aux États-Unis pour y faire des achats, renouant ainsi avec une habitude qui date des années 1980.

Évidemment, il n’en fallait pas davantage pour relancer le débat à propos de la légitimité du magasinage outre-frontière. Pour chaque Québécois qui déclare avoir fait son épicerie à Plattsburgh, on peut en trouver trois qui qualifieront ce geste d’immoral et de répréhensible. Même le gouvernement québécois a adopté une politique d’achat local, laissant ainsi sous-entendre que le patriotisme économique permet de défendre les intérêts de la nation.

Or, le patriotisme économique est une aberration. On demande aux consommateurs de négliger leur intérêt et d’accepter une réduction de leur pouvoir d’achat en payant plus cher pour la production locale. On leur demande de se «sacrifier» pour préserver une entreprise locale qui ne veut pas, ou qui ne peut pas, concurrencer la production étrangère. Protéger les entreprises non concurrentielles et réduire le niveau de vie de travailleurs qui triment pour gagner leur vie, voilà ce qui est immoral! Et pourquoi devrions-nous faire preuve de patriotisme envers des entreprises qui n’ont aucun scrupule à maintenir des prix élevés malgré la force de notre monnaie?

Pis encore: le patriotisme économique est contre-productif, car il rend inutiles l’effort et l’innovation et incite certaines entreprises à se contenter de leurs méthodes relativement inefficaces. Certes, il permet d’accroître temporairement et artificiellement la popularité des produits québécois. Mais on ne bâtit pas une économie prospère en implorant la pitié de gens pour qu’ils achètent la production locale!

Quant à l’argument selon lequel faire son épicerie à Plattsburgh se traduit par des pertes d’emplois au Québec, il est carrément faux. Pour acheter des produits américains, il faut payer en monnaie américaine. Les Québécois ont donc l’obligation de vendre leurs dollars canadiens pour se procurer des dollars américains. Or, pour qu’ils puissent les vendre, il faut que quelqu’un accepte de les acheter. Et pour quelle raison un Américain acquerrait-il des dollars canadiens si ce n’est parce qu’il a l’intention de se procurer quelque chose au Canada? Peut-être envisage-t-il de visiter Montréal, d’acheter du sirop d’érable ou d’investir chez nous? Chose certaine, un dollar canadien qui quitte le pays finit toujours par y revenir.

Bien entendu, faire ses achats à Plattsburgh nuit peut-être à certaines industries québécoises. C’est le cas notamment de l’industrie agroalimentaire dont les prix sont gonflés aux stéroïdes en raison d’un système de gestion de l’offre. Mais il ne faut pas en conclure pour autant que l’économie québécoise dans son ensemble est désavantagée. Comme la mécanique des échanges implique l’existence d’une contrepartie à chaque transaction, il en résulte que nos achats outre-frontière permettent ultimement de favoriser nos industries exportatrices ou de financer nos projets d’investissements.

Il faut donc se débarrasser de ce sentiment de culpabilité que certains font naître en nous chaque fois que nous faisons des achats à Plattsburgh, car ce sont précisément ces courts voyages qui contraignent les commerçants canadiens à nous faire bénéficier de l’envolée du huard. Les vrais patriotes ne sont pas ceux qui acceptent de payer plus cher pour les produits locaux, ce sont ceux qui, par leurs voyages, imposent aux entreprises québécoises des réductions de prix qui profitent à l’ensemble de la population!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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La sacralisation de la laïcité
Le Journal de Montréal, p. 27 / Nathalie Elgrably, 13 décembre 2007

Québec abolira le cours d'enseignement religieux dans les écoles primaires et secondaires de la province dès l'automne 2008 pour le remplacer par un cours d'éthique et de culture religieuse. Évidemment, cette mesure est contestée et des parents des quatre coins du Québec demandent à la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, de renoncer à son projet de laïcisation des écoles.

Le débat est donc ouvert et tous se demandent si l'école devrait être confessionnelle ou laïque. Or, cette question en élude deux autres infiniment plus importantes. Tout d'abord, pourquoi faut-il absolument que toutes les écoles se conforment à un modèle d'éducation unique imposé par Québec? Croyants et athées étant incapables de prouver la justesse de leurs théories, le débat ne sera jamais clos. Ainsi, que l'on impose la laïcité ou une quelconque confession, une partie de la population sera nécessairement lésée.

Ensuite, pourquoi devrions-nous accepter que des fonctionnaires décident si nos enfants devraient ou ne devraient pas recevoir un enseignement religieux? Leur jugement est-il mieux fondé que le nôtre? Sont-ils devenus les «sages» des temps modernes? C'est la responsabilité des parents d'élever leurs enfants, et non de la ministre Courchesne! Faut-il lui rappeler que l'école a pour fonction de transmettre des connaissances et de répondre aux attentes des parents? Elle n'est pas là pour permettre aux fonctionnaires et aux groupes de pression d'imposer leurs idéaux aux Québécois!

À l'époque où je fréquentais le secondaire, les élèves pouvaient opter pour des cours d'espagnol ou de latin. Chacun choisissait selon ses goûts personnels. Pourquoi ne pas appliquer le même principe en permettant aux écoles d'être flexibles et d'offrir à la fois des cours de religion et d'éthique? Certaines le font déjà. Quand les parents d'une école s'unissent pour réclamer, par exemple, des cours de musique, ils les obtiennent. Pourquoi en serait-il autrement quand il s'agit de cours de religion? La liberté de choix est-elle limitée à l'enseignement séculier?

Certains affirment défendre la laïcité parce qu'ils ne peuvent supporter l'idée que leurs impôts financent l'enseignement religieux. Soit! Mais financer des programmes que l'on désapprouve est le prix à payer pour avoir un État-nounou. L'État québécois dilapide chaque année des centaines de millions dans des programmes qui ne correspondent pas nécessairement aux convictions des contribuables sans qu'ils puissent s'élever contre l'usage qui est fait de leurs impôts. Même les partisans du mouvement pro-vie financent malgré eux les avortements! C'est donc le principe de l'État-providence tentaculaire qu'il faut remettre en question, et non le fait que certains souhaitent offrir un enseignement religieux à leurs enfants.

Ajoutons que les athées ne sont pas seuls à payer des impôts pour financer les écoles. Les croyants contribuent également à garnir les coffres de l'État. Pourquoi leurs impôts ne leur permettraient-ils donc pas d'obtenir des cours de religion plutôt que des cours d'éthique?

Pour évacuer la religion, certains ont sacralisé la laïcité. Ils n'ont fait que troquer une croyance pour une autre et remplacer la domination de l'Église par celle de l'État. En voulant imposer leurs opinions à toute la population, les fonctionnaires se comportent comme les ecclésiastiques de l'époque. Il est temps de réhabiliter la liberté de choix, surtout dans un contexte où elle est facile à implanter et ne cause de préjudice à personne.

Personne ne dit à madame Courchesne comment elle devrait éduquer ses enfants. Alors pourquoi devrions-nous accepter qu'elle prenne des décisions qui reviennent aux parents?

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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Automne
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Message par Automne »

Nathalie Elgrably représente exactement ce envers quoi je suis contre...  
'' Le bonheur, c'est le temps que dure la surprise d'avoir cessé d'avoir mal'' Réjean Ducharme- du roman L'hiver de force
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tuberale
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Message par tuberale »

Le truc qu'ils ne veulent pas voir c'est la diversité et que la religion catholique n'est plus le centre de tous aujourd'hui. Le débat n,en est pas un entre la laicité et la religion mais concerne surtout l'impossibilité pour l'école d'offrir de quoi d'égal et de juste pour toute sa clientèle. Eux voient le choix se faire entre le cours religieux et le cours éthique....très valable comme choix....et c,est ce qui se faisait depuis de nombreuses années mais si les fonctionnaires ont déclaré forfait ce n,est pas pour imposer leurs valeurs à eux mais bien que chaque école ne peut offrir de cours de religions pour satisfaire chaque religion.......pour 1 heure par semaine, devoir trouver 1 prêtre, un rabbin, un ci, un ça....etc....pour offrir la religion de chacun, cela devient impraticable tout bonnement..et est justement tout le contraire d'un accomodement déraisonnable car on ne voulait pas justement que pleins de religions trouvent ainsi le cheion de l,école publique

On s'offusque présentement en croyant que le tout tient d,un autre de ces accomodements mais en fait cette loi date du temps que le PQ était au pouvoir et c,est une des dernières lois qu'ils ont passés avant la perte du pouvoir aux élections.....et une des premières choses que les libéraux ont fait a été de prolonger le premier moratoire qui avait été mis en place par les péquistes comme temps de transition. C'est un loi, qui, comme toutes les autres lois a été discuté en chambre, en commission parlementaire devant laquelle plusieurs participants , dont l'église catholique, a présenté des mémoires. Eux dans le temps, voyait très bien, que oui l,école pour continuer l,enseignement religieux, devrait offrir le choix pour satisfaire toutes les confessions, autant la leur que celles des autres...pas fous....ils ont accepté de sortir de l'école pour surtout empêcher les autres d'y entrer..et même aujourd'hui où on discute de ceci comme si c,était tout nouveau, ils se disent peut intéressés à y retourner, se déclarant satisfait de l,enseignement religieux via les paroisses.

Qu'on le veule ou pas, on a une Charte qui prévoit l'égalité dans la pratique religieuse et si l,enseignement catholique retourne sur les bancs d'école, il va falloir prévoir la disponibilité pour l,enseignement musulman, orthodoxe, juif, etc.....peut importe le nom.  Alors le désir de laicité est en fait juste une façon de contourner tous ces problèmes et non le désir de sortir la religion catholique de nos écoles. L'enseignement historique de toutes les religions étaient la façon la moins pénible et discriminatoire pour se sortir de ce dilemne. C,est en fait un refus d,accomodement futur..vu la diversité culturelle au Qc.

Oui il y a plusieurs laiques qui sont contents de voir sortir  la religion des écoles mais il y a aussi pleins de gens de d,autres religions qui comme les catholiques sont bien déçus, mais on a juste 1 école par quartier et elle est là pour servir tout le monde....c,est un non-choix incontournable à moins de changer la Charte pour y placer le fait que la religion catholique a des passe droits au-dessus des autres religions au Qc.   --Message edité par tuberale le 2007-12-13 11:39:01--
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Message par .anthurium. »

Propagande syndicale
Le Journal de Montréal, p. 21 / Nathalie Elgrably, 12 janvier 2008

On a souvent qualifié les panneaux publicitaires le long des axes routiers de pollution visuelle. Mais avec les affiches payées par la CSN et la FTQ, on peut maintenant parler de pollution intellectuelle!

Depuis le 26 décembre, ces deux grandes centrales syndicales ont lancé une campagne publicitaire pour dénoncer l'entrée du secteur privé dans le système de santé. Elles souhaitent préserver le système en place et, pour nous rallier à leur cause, elles affirment que le secteur privé compromettrait l'accès aux soins de santé. Mais se sont-elles déjà demandé ce que nous réserve l'avenir si nous continuons à entretenir le monopole public actuel?

Pour avoir une idée de ce qui nous attend, regardons du côté de la Grande-Bretagne, car ce pays offre un système de santé public planifié et centralisé, le National Health Service (NHS) créé en 1948, qui ressemble énormément au régime canadien.

Comme nous, les Britanniques doivent mettre leur nom figure sur d'interminables listes d'attente ou aller se faire soigner à l'étranger. Ils ont longtemps nié l'échec de leur modèle, mais aujourd'hui le NHS traverse une crise. Toutefois, pour désengorger le système et économiser des millions, le gouvernement britannique vient d'annoncer une solution stupéfiante: inciter les malades à se soigner eux-mêmes! Par exemple, les patients souffrant d'asthme, d'arthrite ou d'insuffisance cardiaque seront encouragés à éviter les hôpitaux et à se traiter seuls grâce à des équipements installés à leur domicile. Ils devront même s'administrer les médicaments nécessaires.

Ce n'est pas tout. Le gouvernement britannique a annoncé qu'il obligera bientôt systématiquement des malades à se conformer à certaines exigences pour bénéficier des soins de santé. Par exemple, le NHS refusera d'inscrire un fumeur sur une liste d'attente pour un remplacement de la hanche à moins qu'il ne consente à cesser de fumer. Il exigera également que certains patients perdent du poids en vue de «mériter» une intervention chirurgicale. Un système de santé qui use de chantage auprès des malades, qui rationne les soins et qui discrimine les individus: voilà où en sont rendus les Britanniques. Et voilà vers quoi nous nous dirigeons si nous persistons à aduler aveuglément le monopole public.

D'ailleurs, nous avons eu le virage ambulatoire qui visait à accroître le volume des soins dispensés à l'extérieur du milieu hospitalier, et certains hôpitaux exigent déjà que des patients se soumettent à certaines conditions avant de les soigner. Ce n'est donc qu'une question de temps avant que cette méthode ne devienne la norme et qu'on nous demande également de nous soigner nous-mêmes au nom du «virage solitaire».

Évidemment, la CSN et la FTQ se gardent bien de citer le cas britannique. Comme les syndicats sont des entreprises commerciales comme toutes les autres, leur survie dépend de la satisfaction de leurs «clients», en l'occurrence de leurs membres. Ne nous laissons donc pas berner par leur soi-disant souci d'assurer aux plus démunis l'accès aux soins de santé. Si l'universalité les préoccupait sincèrement, ils auraient révisé depuis longtemps les conventions collectives qui paralysent le système de santé et le rendent inefficace. Mais améliorer le système de santé est le cadet de leurs préoccupations. Leur priorité absolue est de préserver les avantages de leurs membres et d'en recruter de nouveaux. Et pour cela, ils nous cachent l'échec britannique et sont prêts à laisser des malades mourir sur des listes d'attente. Belle solidarité!

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably est économiste à l'Institut économique de Montréal et auteure du livre La face cachée des politiques publiques.

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