Télé
Chronique télé de Roxanne Tremblay
C.A. pour conseils d'amis
Roxanne Tremblay / 7Jours
2009-12-16 16:34:32
La dernière saison de C.A. est loin d’être mauvaise, même que Louis Morissette s’éloigne du gag à tout prix pour plonger en plein dans les entrailles de ses personnages.
Oubliez les conseils d’administration où les quatre amis se racontent des anecdotes croustillantes concernant leurs derniers ébats: les membres du C.A. ont vieilli et passent à autre chose.
Et c’est tout à l’honneur de Louis Morissette qui nous offre cette fois-ci une dernière saison qui témoigne que l’auteur est lui aussi passé à autre chose, soit à quelque chose de plus profond, de plus dramatique et où l’on est bien loin de la comédie légère, froide et anecdotique de la première mouture. Pour une dernière saison de 13 épisodes, C.A. sera en ondes dès le lundi 4 janvier, à 21 h 30 sur les ondes de Radio-Canada.
Avec l’arrivée d’Alexia, la petite de Sarah (Isabelle Blais), un des membres du fameux conseil manque à l’appel plus souvent qu’à son tour. Tangente logique au personnage, Sarah, la petite Germaine de nature, l’est devenue encore plus depuis qu’elle est mère, ne laissant aucune marge de manœuvre au pauvre Martin (Alexandre Goyette), qui a décidé de rester auprès d’elle malgré le fait qu’il ne soit pas le père de l’enfant.
Lors de l’anniversaire d'un an de la petite Alexia, même mettre du crémage à gâteau sur le visage du poupon pourrait être un danger pour la petite. D’ailleurs, dans le premier épisode, nous avons droit à quelques succulentes scènes qui nous exposent la réalité des nouveaux-parents, dont celle où la fade Sarah se questionne à savoir si l’enfant prend trop de place au sein du couple. On découvre alors par un plan de caméra révélateur que le bébé est allongé dans le lit entre les deux parents… Notons aussi la participation de Fréderick DeGrandpré, - le phantasme de Sarah -, qui apparaîtra à quelques reprises au cours du premier épisode. Martin, de son côté, aura un entretien direct avec Joël Bouchard, qui commentera dans un langage sportif et approprié, une houleuse discussion du couple portant sur l’importance de la routine!
Et les amis ne se gêneront pas pour dire à la jeune mère qu’elle se néglige et que ça fait un an qu’elle a les cheveux gras et toujours un peu de vomi sur ses chandails. Et à propos du bikini de Sarah, -pour le moins négligé-, Maude se fera surprendre par l'aspect touffu de celui-ci et ira d'une réplique qu'on doit absolument retenir: "T'as les Jackson five dans tes culottes"... Pour la séduction, on repassera. On devine que l’auteur, père de trois jeunes enfants, avait assez de matière pour trouver la vie parentale, un sujet inspirant!
Aussi bon malgré l’absence de Podz
Grâce au bon boulot de Nicolas Monette, qui avait la difficile tâche de se mouler au style de la série imposé par Louis Morissette et Podz, la réalisation n’a pas souffert de l’absence de celui-ci. Monette a par contre l’habitude de poursuivre le travail de Podz, ayant déjà pris le flambeau sur la série 3 x rien et ayant réalisé la deuxième partie de la deuxième saison de C.A.. On ne sera donc pas surpris de revoir le nom de Nicolas Monette à la réalisation sur le générique des prochains projets de Morissette en tant qu’auteur.
Malgré qu’on sente une légère différence, un aspect peut-être plus léché, nous nous retrouvons dans l’univers des quatre amis où l’on navigue entre les endroits branchés et la maison cossue de banlieue de Sarah et où les personnages peuvent se retrouver directement plongés comme observateur dans les quelques histoires qui restent racontées.
Car c’est une autre différence à souligner, nous suivons davantage les personnages dans l’action et non dans l’anecdote racontée lors de leurs fameux C.A., ce qui change de façon radicale la façon de voir les intrigues. Pour la première fois, nous avons l’impression de savoir qui sont les quatre amis et ce qu’ils font vraiment de leurs journées.
Les bas-fonds de Jean-Michel
Penchons-nous sur le cas de Jean-Michel, qui n’est pas loin de l’abîme. Nous le retrouvons alors qu’il n’est plus agent de joueurs de hockey, qu’il quitte un job de vendeur à la station de radio où travaille Maude, "sniffe" de la coke, boit du champagne (ou du mousseux?) et se tape une jolie blonde sans trop de saveur, et tout ça semble bien désolant pour celui qui l’a fait trop souvent. À 35 ans, pas de blonde, pas d’attaches, pas d’engagement, il pense encore avoir la vie rêvée. Au cours de la série, il sera confronté à un fantôme du passé; son père, joué par Yves Corbeil, dont il est devenu la parfaite réplique.
Pour sa part, Yannick (Antoine Bertrand) tentera d’aider du mieux qu’il le peut son meilleur ami en le confrontant sur sa dérive. Après avoir connu le désert émotif pendant plusieurs années, il forme maintenant un couple avec Valérie, une femme bien. Ne sachant pas quoi faire de toute cette réciprocité et ayant la pornographie comme référence sexuelle, il connaîtra des problèmes érectiles. Manque d’estime personnelle? Incapacité d’aimer et de se faire aimer? Yannick devra réapprendre…
Quant à Maude, elle cherche toujours et encore le mâle idéal. Lasse des manipulateurs (enfin!), elle lorgnera du côté d’un gentil sportif qui fait dans le bénévolat. Trop sage pour elle? Sûrement. Elle sera plus ébranlée par le perte de sa camisole Dolce&Gabbana que des adolescents qui fréquentent les maisons de jeunes. Nous pouvons garder espoir pour elle, elle trouvera chaussure à son pied. Et pas trop loin des Manolo Blahnik.
Une de mes déceptions lorsque j’avais vu le film tiré de la série à succès Sex and the City, je me souviens, était que j’avais la pénible impression que les héroïnes n’avaient pas bougé d’un iota. Toujours à prôner les fringues et les futilités, je me disais, ma trentaine qui tire à sa fin, qu’il était bien dommage que l’auteure n’ait pas tenu compte des nouvelles préoccupations de ses fidèles téléspectatrices.
Dans le cas de C.A., Morissette a eu l’intelligence de faire grandir ces gens, qu’on a découvert encore bien «greens», à la fin de leur vingtaine. Si l’on se fie à ce dernier tome de C.A., je suis bien curieuse de savoir où en sera rendu Morissette pour sa prochaine série dont le titre provisoire est Plan B.
C.A. 4, les lundis, à 21h30, sur les ondes de Radio-Canada, dès le 4 janvier.