Valérie Gaudreau
Le Soleil
(Québec) «Un jour, tout le monde vivra son 15 minutes de gloire.» Cette phrase célèbre, l'artiste Andy Warhol l'a formulée dans les années 60. Elle est devenue slogan dans les années 80. Et réalité dans les années 2000.
« Les 10 dernières années ont été celles de la culture narcissique où tout le monde peut devenir une petite vedette », lance d'entrée de jeu le sociologue et professeur à l'Université d'Ottawa Luc Dupont.
Cet observateur de la culture populaire est catégorique : les années 2000 sont obsédées par le moi, par la vraie vie, par le «tout le monde peut s'exprimer».
Un phénomène qui a littéralement explosé avec l'omniprésence d'Internet. Blogues, vidéos en ligne, médias sociaux, journalisme citoyen, téléréalité, tout le monde est une star dans le nouveau siècle. « Il y a 25 ans, on parlait de média podium, explique M. Dupont. Pour être dans les journaux ou à la télévision, il fallait faire quelque chose de spécial. Aujourd'hui, tout le monde a accès aux médias démocratisés à l'excès .»
Et tout le monde peut se penser intéressant, ajoute-t-il. Pour le meilleur et pour le pire. « Beaucoup de gens pensent que leur vie personnelle est extraordinaire.» Or, ce n'est pas vrai , estime Luc Dupont, qui est par ailleurs aussi blogueur et utilisateur de Twitter. «Je vois des trucs des fois tellement insignifiants», lance-t-il.
Plus que simple diffusion d'opinion en ligne, l'ère du soi amène un sans-gêne parfois étonnant, note le sociologue et conférencier. «On assiste à la première génération qui ne fait plus la différence entre vie privée et vie publique. Vous et moi, il y a des choses qu'on ne se dira pas parce qu'on voit la ligne. Mais tout ce que peuvent se dire les jeunes d'aujourd'hui est renversant. Ils racontent des choses extraordinairement personnelles!»
Autre illustration incontournable de l'obsession du moi dans les années 2000 : la montée de la téléréalité, sujet auquel Luc Dupont a consacré en 2007 le livre Téléréalité, quand la réalité est un mensonge. L'ouvrage explore la popularité de la téléréalité, ses mécanismes d'identification, sa mise en scène de la «vraie vie», autant de thèmes bien de notre époque.
Le soi et Internet
Ère du moi, ère du Web, donc. Deux mots qui traduisent vraiment le début de millénaire? Dès 2004, l'équipe de la défunte émission Indicatif présent animée par Marie-France Bazzo à la radio de Radio-Canada avait fait figure de pionnière en lançant le concours Nommez l'époque. Le nom choisi par les auditeurs parmi des milliers de proposition : Ego.com, proposé par une directrice d'école à la retraite, Céline Harvey. Une formule brillante qui conjuguait l'omniprésence du soi et la force d'Internet. Tout ça, avant même la consécration de Facebook, de Twitter et autres YouTube.
La publicitaire et spécialiste des tendances de consommation Anne Darche faisait partie du jury avec l'historien Gérard Bouchard et le comédien Pierre Curzi, avant qu'il ne devienne député péquiste. Six ans plus tard, Mme Darche estime qu'Ego.com tient plus que jamais la route. «C'est un nom centré sur soi et sur les communications, ça évoque l'individu devenu média», dit-elle en entrevue.
Au-delà du nom lui-même, Mme Darche se rappelle des commentaires des auditeurs sur le site Internet de l'émission, qui sont d'ailleurs toujours en ligne.
«La moitié des gens étaient en désaccord avec le nom, il n'a laissé personne indifférent, il y a eu beaucoup de commentaires et plusieurs de grande qualité, relate-t-elle. Ça aussi, ça reflète bien notre époque d'opinions tranchées, sans demi-mesure.»
Avec leur Ego.com, les auditeurs de Bazzo avaient vu juste. Et ce, bien avant que le magazine américain TIME ne marque un grand coup en nommant sa personnalité de l'année 2006. Pas de président, d'artiste ou de philanthrope influent cette année-là. La personne de l'année tenait en un mot : vous. «Oui, vous. Vous contrôlez l'ère de l'information. Bienvenue dans votre monde», écrivait le magazine en couverture. L'illustration : un ordinateur dont l'écran a été remplacé par un miroir. Narcisse à l'ère du Web 2.0.
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Qu'en pensez-vs?
Vers quoi au juste cela peut-il mener ? Est-ce une perte ou un plus ?
Comme à chaque 2 ou 3 générations, il y a un retour du balancier où les plus jeunes décident de faire exactement le contraire de ceux qui les ont précédé, pourront-ils retourner vers ce que ns, ns connaissions, soit une délimitation entre le privé et le public, une solidarité naturelle, etc....
