La chronique de Joseph Facal
Une affaire troublante (2)
Joseph Facal
17/02/2010 06h56
Lundi, j'avais commencé à vous raconter les liens découverts par divers journalistes entre un influent conseiller de l'OMS, spécialisé dans les pandémies, et les compagnies pharmaceutiques chargées de fabriquer les vaccins.
Cet homme est le docteur néerlandais Albert Osterhaus, vétérinaire et virologue de formation. Véritable star aux Pays-Bas et dans les milieux spécialisés dans ces questions, on le surnomme le «Docteur grippe». On lui doit l'identification d'une bonne vingtaine de microorganismes pathogènes.
En 2003, Osterhaus fut le premier à identifier le virus responsable du SRAS, qui fit 900 morts en un clin d'oeil et repartit aussi subitement qu'il était arrivé. Il passa ensuite à la grippe aviaire, puis au virus H1N1. Il s'intéresserait maintenant à la varicelle.
STRATÉGIE
À chaque fois, son discours est le même. Le virus pourrait muter et tuer massivement. Il faut donc des mesures drastiques : vaccinons tout le monde, pas seulement les groupes à risque. Le problème est qu'aucune de ses prédictions apocalyptiques ne s'est réalisée.
On lui reproche surtout une stratégie qu'il semble déployer en deux temps : déguisé en sauveur de l'humanité, il crie d'abord au loup, et il s'enrichit ensuite à partir des liens qu'il entretient avec les compagnies qui fabriquent les vaccins que lui-même recommande.
La chaîne de télévision hollandaise VPRO révélait récemment que le docteur Osterhaus est en effet l'actionnaire majoritaire de ViroClinics, une entreprise de biotechnologie à laquelle le géant pharmaceutique GSK donna le contrat de développer le vaccin pour la grippe H1N1.
Il aurait, allègue-ton, largement profité de l'achat de 34 millions de doses du vaccin par le ministère néerlandais de la Santé, dont le responsable politique était à l'époque Ab Klink, un de ses amis. Osterhaus répond que les profits furent versés à une fondation, que son rôle fut de présenter au ministre divers scénarios, et que c'est le gouvernement qui opta pour le scénario du pire.
La directrice générale de l'OMS, Margaret Chan, fit ensuite passer le niveau d'alerte au seuil maximal sur la base des recommandations d'un groupe de conseillers dont faisait partie Osterhaus. Mais ce dernier préside aussi le Groupe européen de travail scientifique sur la grippe (ESWI en anglais), qui est financé par les principales entreprises de fabrication des vaccins : GSK, Sanofi-Pasteur, Novartis, Baxter et Roche. Comme de raison, le ESWI recommandait de vacciner le monde entier.
ENQUÊTES
Le parlement des Pays-Bas a ouvert une enquête pour conflit d'intérêts et malversation de fonds. Une loi a aussi été adoptée pour forcer les scientifiques à dévoiler les intérêts financiers qu'ils ont dans des entreprises privées.
Cette semaine, la commission de la santé du Conseil de l'Europe entreprend une enquête pour déterminer si la décision de l'OMS de décréter une pandémie ne fut pas manipulée par des intérêts économiques. Critiquée de toutes parts, l'OMS a elle-même chargé un groupe d'experts indépendants de faire la lumière.
Je répète qu'il ne faut pas prendre à la légère les questions de santé publique. Je note seulement qu'année après année, on nous prédit des apocalypses qui ne se réalisent jamais. C'est comme si toute une industrie souhaitait vraiment que le ciel nous tombe sur la tête.
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