Accommodement - Le lobbyiste des écoles juives était militant du PLQ
Accommodement - Le lobbyiste des écoles juives était militant du PLQ
Hugo Delorme devait traiter avec les cabinets de Charest et de Courchesne
Québec — Pour obtenir un accommodement scolaire de la part du premier ministre Charest et de sa ministre de l'Éducation,
la communauté hassidique a embauché en juin un lobbyiste qui est aussi militant actif et de longue date du Parti libéral, Hugo Delorme.
Le mandat de M. Delorme, qui travaille pour la firme National, se présentait ainsi, dans le Registre des lobbyistes: «Démarches quant à l'application de la Loi sur l'enseignement privé et le règlement sur le régime pédagogique afin que l'École communautaire Belz présente une proposition aux autorités gouvernementales afin que sa conformité soit reconnue.»
Dans sa déclaration, M. Delorme a soutenu qu'il allait effectuer des démarches auprès du cabinet du premier ministre Jean Charest, de celui de la ministre de l'Éducation, ainsi qu'auprès des députés de l'Assemblée nationale.
Après l'avoir nié à plusieurs reprises, la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a admis au Devoir la semaine dernière que les changements qu'elle entend apporter au calendrier scolaire visaient entre autres choses à satisfaire les écoles privées juives orthodoxes, lesquelles pourraient désormais ouvrir leurs portes les fins de semaine.
Président du comité organisateur du Congrès des jeunes libéraux de 2008, Hugo Delorme a aussi été vice-président de la Commission-Jeunesse du PLQ. Il milite depuis une dizaine d'années chez les libéraux de la région de Laval, dont Michelle Courchesne est ministre responsable. Lors de l'élection à la présidence du PLQ, à l'été 2009, il a appuyé publiquement, en tant que «responsable du Regroupement des 25-35 du PLQ», la candidature de celui qui l'a emporté, Marc Tanguay.
Comme lobbyiste, M. Delorme a obtenu le mandat de la part de la «Communauté Belz» qui loge à la même adresse que la Talmud Torah Belz School. L'autre client de M. Delorme est la Skver Hassidic Community, qui a pignon sur rue au 1235 avenue Ducharme, tout comme l'école Taldos Yakov Yosef.
Ce sont là deux des écoles juives orthodoxes considérées depuis longtemps comme «illégales», puisqu'elles ne respectent pas le régime pédagogique québécois en ne dispensant pas tous les cours requis, le cours éthique et culture religieuse, notamment, même s'il est obligatoire depuis septembre 2008. Privées, ces écoles sont toutefois subventionnées par Québec.
De juin à septembre
La période couverte par le mandat de lobbyisme d'Hugo Delorme a commencé le 17 juin 2009, soit quelques jours après que Le Devoir eut révélé que la ministre Courchesne avait contrecarré une importante décision de ses fonctionnaires: en guise de sanction, ceux-ci avaient coupé les subventions à une école juive orthodoxe, l'École première Mesifta, qui ne respectait pas le régime pédagogique québécois.
Le lendemain (Le Devoir du 5 juin 2009), Mme Courchesne avait avoué que le politique avait contredit l'administratif. Mais elle avait ajouté, au sujet des écoles illégales: «
Ça fait 30 ans qu'elles sont subventionnées et 50 ans qu'elles ne sont pas conformes. Tous les gouvernements ont exercé une tolérance. [...] Depuis un an, un an et demi, on essaie de les ramener dans la conformité. J'ai fixé une date: septembre 2009. Si ce n'est pas réglé, deux choses vont se passer: il n'y aura plus d'argent et des procédures judiciaires vont être entreprises. C'est clair depuis le début.»
Au lieu d'une «suspension du financement», la ministre a négocié avec les représentants de la communauté hassidique et avec leurs lobbyistes. Le résultat fut l'entente de septembre — restée secrète jusqu'à la semaine dernière — avec six écoles, mais qui a eu pour conséquence une modification profonde du régime pédagogique. (Deux écoles, le Collège rabbinique de Montréal, de Boisbriand, ainsi que Toras Moshe, de Montréal, ont refusé de se joindre à l'entente et pourraient se retrouver devant les tribunaux.)
C'est justement le 30 septembre que le mandat de lobbyiste d'Hugo Delorme a pris fin, soit au moment où l'entente a été conclue avec les six écoles. La Communauté Belz n'en fait toutefois pas partie. La lettre dont Le Devoir a obtenu copie et dans laquelle les écoles promettaient de dispenser «des cours dans les matières visées au régime pédagogique le dimanche» était datée du 29 septembre 2009.
Dans cette même lettre, on pouvait lire que le ministère partage le point de vue des écoles selon lequel «des cours peuvent être dispensés le dimanche malgré l'article 19 du régime pédagogique, compte tenu des exigences imposées par la religion des personnes fréquentant nos établissements».
Le projet de règlement modifiant le régime pédagogique, publié à la Gazette officielle récemment, abolit justement la liste des congés énumérés à l'article 19, ce qui a pour effet de lever l'interdiction d'enseigner le dimanche, ce que les écoles juives ont exigé en septembre . On peut lire aussi dans la lettre que les cours d'histoire et d'éducation à la citoyenneté «pourraient être offerts durant l'été afin de nous assurer, notamment, d'atteindre le nombre de 180 jours de classe pouvant poser problème certaines années où les fêtes juives ne correspondent pas aux fêtes séculières en nombre suffisant». Les écoles promettent de réaliser une partie des changements exigés dès le début de l'année scolaire 2010-2011, «le reste pouvant être réalisé pour le début de l'année scolaire 2011-2012».
Dénoncé
Par ailleurs, la mise en place du Registre des lobbyistes a permis de constater que des lobbyistes chargés de dossiers délicats occupent parfois des postes dans les hautes instances des grands partis. En juin, on a découvert par exemple que la présidente du Comité national des jeunes du Parti québécois, Isabelle Fontaine, avait obtenu d'Osisko un important mandat pour défendre le projet minier controversé de Malartic. Rien dans le code de déontologie des lobbyistes n'interdit cependant de telles pratiques.
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