Vendredi le 12 mars 2010 02:23
Pierre Duhamel
Journaliste économique
Mon détecteur de foutaise sonne l’alarme !
Clotaire Rapaille est un drôle de numéro. Si vous voulez mon idée, voilà un baratineur de classe mondiale. Les premières ébauches de son analyse «psychanalytique» des Québécois constituent un morceau d’anthologie pour un futur musée de la connerie.
À l’entendre, les Québécois seraient névrotiques et engagés dans une relation sadomasochiste avec le Canada anglais. Le diagnostic de névrose a été rendu parce que les Québécois aiment leur ville tout en ayant un faible pour des animateurs de radio qui la dénigreraient. Ils seraient sados-masos parce qu’ils ne pourraient se passer de cette relation conflictuelle avec le Canada-anglais. Quelles trouvailles !
Qu’un psychanalyste explique certains comportements de ses clients en relevant ses conflits intérieurs profonds, j’en suis. Sauf que pour moi, une telle grille ne peut pas convenir à une collectivité qui, par essence, est tiraillée par des conflits sociaux et des rapports de force. Dans chaque société, il y a des contestataires et des élites, des riches et des pauvres, des perdants et des gagnants, des gens de droite et des gens de gauche, des dévots et des athées, des nationalistes et des mondialistes, des jouisseurs et des frustrés. Il y a de tout dans une société, pas juste à Québec ou au Québec.
La société est tiraillée par des intérêts et des sensibilités qui ne sont pas les mêmes chez chaque individu. Il y a à Québec des gens qui aiment Jeff Filion et d’autres qui préfèrent Gilles Parent (93,3 FM) ou Claude Bernatchez (Radio-Canada). Ils ont tous leur style, leur manière et leurs fans, mais cela ne veut pas dire que Québec est névrosée parce qu’il y a des citoyens qui préfèrent un animateur plutôt qu’un autre. Rapaille va encore plus loin dans la bêtise en statuant que certains animateurs n’aiment pas leur ville et que cette attitude est partagée par tous leurs auditeurs. C’est un grossier jugement de valeur.
Dit-on que les Américains sont schizophrènes parce qu’ils élisent un président une année et un congrès d’un autre parti deux ans plus tard, et ce, depuis des décennies ? Bien sûr que non. Cela reflète le rapport de force entre les deux partis politiques et la volonté des électeurs de contrebalancer le pouvoir des uns et des autres.
Québec est franchement belle, vibrante et allumée. Elle est aussi complexe et pleine de contradictions, comme toutes les villes. New York, c’est Wall Street Et Soho ET Greenwich Village ET le Bronx Et Harlem Et tout le reste. Qui serait assez niais pour dire que New York souffre d’un problème de multiples personnalités et qu’elle est névrosée ?
Allez Monsieur Rapaille, encaissez votre chèque et allez vendre votre salade ailleurs.
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