Les Québécois sacrent, mangent de la poutine et dansent des sets carrés
Marc-André Séguin
20-04-2010 | 05h19

Les Québécois font tous appel aux jurons, ne vivent que pour la poutine et dansent régulièrement des sets carrés : voilà comment on décrit les gens d'ici dans un livre français qui se trouve dans près de 20 bibliothèques d'écoles primaires de la capitale depuis 2008.
Le livre Kathryn, Sébastien et Virginie vivent au Canada, publié chez l'éditeur de La Martinière, basé à Paris, est un livre pour les enfants du primaire.
De la collection Enfants d'ailleurs, où on raconte divers récits sur des jeunes d'origines différentes, le livre raconte l'histoire de trois enfants appartenant aux cultures canadienne-anglaise, québécoise et autochtone.
Mais voilà, plusieurs des affirmations qu'on y trouve ont toutes les allures de stéréotypes.
Ainsi, Sébastien, un petit garçon de 11 ans habitant Montréal, emploie «comme tous les Québécois» les termes «câlice», «baptême» et «tabernacle» dans ses échanges de tous les jours. Il use aussi, comme «tout le monde», du tutoiement, créant ainsi «une apparente convivialité très agréable».
L'hiver, ajoute le livre, ce garçon se couvre le visage «de crème très grasse» pour «éviter que sa peau ne souffre trop du vent glacial» et «se régale de poutines dégoulinantes de sauce», alors que l'été, il participe aux réunions de famille où on danse des sets carrés après les épluchettes.
Les images des Canadiens anglais et des Autochtones ne sont guère plus factuelles. Kathryn, une jeune fille de Vancouver, porte toujours une clochette lors de sorties en forêt pour «avertir de son approche l'ours qui pourrait s'y trouver».
Quant à Virginie, une jeune Innue du Lac-Saint-Jean, elle court les pow-wow après avoir confectionné avec sa famille des «barrettes avec des perles», des «pendants d'oreilles et même des mocassins qu'ils vont vendre».
Vérification faite, le livre, imprimé en 2007 et qui se vend à un prix d'environ une vingtaine de dollars, se retrouve dans quelque 18 écoles du territoire de Québec depuis 2008.
Alors que la Commission scolaire de la Capitale (CSC) en possède huit dans différentes écoles primaires, la Commission scolaire des Premières-Seigneuries offre ce livre dans une dizaine d'établissements de son réseau. Toutes écoles confondues, leurs exemplaires n'ont été empruntés qu'à quatre reprises depuis leur achat, précise-t-on.
Il n'en demeure pas moins que le contenu du livre est «inacceptable», selon des représentants des deux organisations. Après avoir pris connaissance de son contenu à la suite de nos appels, les Premières-Seigneuries a affirmé qu'elle retirerait le livre controversé de ses tablettes.
«On va peut-être s'en servir pour aborder la thématique des préjugés avec les enfants, affirme le porte-parole de la commission scolaire, Jean-François Parent. Mais il ne faut pas que ça se retrouve entre les mains d'un enfant seul.»
La CSC songe à faire de même et enverra une note à son personnel pour l'aviser sur l'ouvrage.
Au moment de mettre sous presse, les éditions de La Martinière n'avaient toujours pas donné suite aux demandes d'entrevue du Journal, formulées depuis la semaine dernière.
Avec la collaboration d'Alain Rochefort
Quelques extraits
Sur le Québec :
«Au Québec, on se tutoie pour de nombreuses raisons, comme celle, un peu naïve, de faire disparaître les hiérarchies. Le vouvoiement, plus officiel, plus froid, a été laissé de côté au profit du tutoiement direct et amical. Tout le monde se tutoie, le serveur comme les clients, les employés comme le directeur, et cela crée une apparente convivialité très agréable.»
«Beaucoup d'expressions, et notamment d'insultes, appartiennent au vocabulaire religieux. Ainsi, «calice», «baptême» et «tabernacle» sont des mots très injurieux, et Sébastien est comme tous les Québécois, croyants ou non : lui aussi les emploie !"
«Il adore les réunions de famille au cours desquelles on joue de la musique québécoise et l'on chante. Ces soirées se déroulent le plus souvent à la fin de l'été après une partie «d'épluchette», un nom bien trouvé puisqu'il faut éplucher les épis de maïs ! [...] Son grand-père donne alors le rythme avec ses cuillères en bois et entonne des chansons québécoises [...]. Ses tantes, oncles et cousins participent, certains jouent du violon pendant que les autres dansent les «sets carrés», une danse typiquement québécoise."
«Sébastien sort toujours très habillé, avec des couches de vêtements qu'il superpose les unes sur les autres comme un oignon ! Il porte des sous-vêtements longs, une camisole (un tee-shirt près du corps), une tuque (un bonnet), un Kanuk (marque très célèbre de gros manteaux d'hiver résistants au froid), des mitaines (nom donné aux gants) et des bottes d'hiver, qui sont de grosses bottes de neige fourrées. Et, pour éviter que sa peau ne souffre trop du vent glacial, Sébastien se couvre de crème très grasse.»
«Dans un parc du quartier, des planches ont été dressées pour délimiter un terrain de hockey. Les enfants ont jeté de l'eau et avec le froid l'eau a gelé : c'est une patinoire qui s'est créée !»
«Près de la moitié de l'année, de novembre à avril, c'est l'hiver au Québec : selon les régions, il tombe de 3 à 15 mètres de neige durant la saison !»
«À Montréal, on peut se coucher sans qu'il y ait de neige, et, au réveil, le passage d'une tempête a rendu la ville méconnaissable, enfouie sous deux mètres de poudreuse !»
Sur les Autochtones :
«Virginie ne dort pas sous un tipi, ne voyage pas en canot, mange de la poutine, des hot-dogs et des burgers, boit du soda, regarde les séries TV et parle le québécois ! Virginie, sa famille et tous leurs voisins vivent comme tous les autres Québécois.»
«Par facilité et par manque de moyens, beaucoup de parents donnent des produits industriels prêts à être passés au micro-ondes, comme des burgers ou des pizzas. Pourtant, au Québec, il existe une véritable cuisine, réputée dans toute l'Amérique du Nord.»
«La maman de Virginie travaille le soir au «dépanneur», l'épicerie ouverte sept jours sur sept et tard le soir. Le matin, elle dort et n'a pas toujours le temps de préparer un bon déjeuner. Aussi, très souvent, pour le dîner, Virginie mange des saucisses et des patates frites.»
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