Prison
Des détenus nourris au fast-food
Marc Pigeon
Journal de Montréal
04/02/2011 06h23
Si plusieurs prisonniers ont la chance de bien manger derrière les barreaux, d'autres ont perdu à la loto des repas et se retrouvent dans des prisons où le fast-food règne en roi et maître.
Même à l'encontre du souhait du ministère, les repas riches en gras de type pogos, pizza, croquettes de poulet, hot-dogs et viandes froides sont populaires dans certaines prisons provinciales.
Le Journal a décortiqué les menus des prisons provinciales, obtenus par la loi d'accès à l'information, à l'aide de la diététiste Isabelle Huot, docteure en nutrition.
À titre d'exemple, à la prison de Rimouski, là où on mange le plus de friture et de charcuterie parmi les 18 établissements de détention analysés, on remarque une semaine où ces repas riches en gras sont présents quatre soupers sur cinq.
Fast-food nocif
La prison de Rivière-des-Prairies n'est pas en reste, elle non plus : dans une même semaine, quatre des sept dîners sont riches en matières grasses : hot-dogs, poutine, sous-marin, pogos.
Des menus qui ne respectent pas les recommandations des diététistes, selon Isabelle Huot.
«C'est correct d'avoir un ou deux repas moins sains par semaine, mais il faut que ta base soit saine. Quand tu as quatre soupers fast-food dans la semaine, ça commence à être beaucoup», ditelle.
Les effets négatifs de la nourriture grasse et salée ne sont plus à démontrer. Notamment, elle augmente le taux de cholestérol et favorise l'hypertension.
Un comité étudiera la question
«Le fast-food implique un risque élevé de maladies chroniques et une moins bonne santé en général, indique Isabelle Huot. C'est nocif de manger du fast-food plusieurs fois par semaine.»
Sans compter que ces aliments sont dépourvus d'attraits nutritifs (vitamines, minéraux).
Manger lourd engendre aussi un sommeil moins récupérateur, donc moins d'énergie pour vaquer à ses occupations quotidiennes.
Tout ça, le ministère de la Sécurité publique le sait : il s'agit d'un type de repas qui «n'est pas favorisé» par le ministère, a simplement répondu le porte-parole du ministère, Mario Vaillancourt, sans vouloir expliquer les disparités dans la qualité des menus, selon les prisons.
Mais le ministère a refusé qu'un responsable de l'élaboration des menus puisse répondre aux questions du Journal.
Toutefois, il est prévu qu'un comité se penche sur la gestion des menus et leur élaboration, au cours de l'année 2011.
«C'est gênant» -Lisette Lapointe
«On mange mieux dans les prisons que dans un CHSLD. C'est gênant.»
Voilà comment la députée péquiste Lisette Lapointe a réagi, hier, au reportage présenté par le Journal de Montréal sur les menus servis dans les prisons.
Dans un premier reportage, le Journal démontrait que les prisonniers québécois sont mieux nourris que le Québécois moyen, selon une analyse réalisée par la diététiste Isabelle Huot.
On y constatait que les prisonniers mangeaient des brochettes de saumon, du porc à l'oriental et du boeuf stroganoff.
Stupéfaite
Mme Lapointe s'est dite «stupéfaite» par ce qu'elle a appris.
«C'est correct d'offrir de bons menus aux prisonniers, écrit-elle dans un communiqué. Comme société par contre, nous avons le devoir d'en faire autant avec nos aînés dans les CHSLD. Ce n'est malheureusement pas le cas.»
Elle rappelle qu'en 2007, l'Ordre des diététistes du Québec avait fait un constat «accablant» sur la nutrition des aînés. Mais malgré un désir de changer les choses, la ministre Marguerite Blais «a échoué», selon elle.
«C'est renversant de constater que nos aînés n'ont pas droit à autant d'égard. La ministre Blais a le devoir aujourd'hui de prendre l'engagement que nos aînés puissent manger aussi bien que les prisonniers», a indiqué Lisette Lapointe.
Par ailleurs, plusieurs détenus ont contacté le Journal pour souligner que si les menus ont l'air appétissants sur papier, les repas servis dans la réalité sont d'un goût plutôt discutable.
* * * *
Q- Comment les menus sontils élaborés ?
R- La responsabilité des menus incombe à chacun des établissements de détention, rien n'est centralisé ou systématisé. En théorie, les menus devraient être élaborés en considérant les recommandations du guide alimentaire canadien, ce qui n'est pas toujours le cas.
Q- Comment se fait l'approvisionnement ?
R- Les établissements fonctionnent par appels d'offres pour les fournisseurs de produits consommés en grande quantité. Pour les autres produits, notamment les fruits et légumes, des producteurs locaux sont mis à contribution.
Q- Comment les prisons du Québec se situent-elles au niveau des coûts ?
R- Les prisons du réseau provincial font belle figure. Il en coûte 4,65 $ par jour pour nourrir un prisonnier. En comparaison, un prisonnier fédéral coûte 5,03 $ à faire manger, un résident de CHSLD coûte 6,32 $.
Q- Est-ce que des prisonniers travaillent dans les cuisines ?
R- Si dans certains centres les détenus participent à certaines tâches comme laver la vaisselle ou nettoyer cabarets et chariots, ils ne touchent pas aux ustensiles, pas plus qu'à la nourriture. Il faut dire que les gardiens et les employés des prisons mangent aussi cette nourriture.
TOP 5
Junk food
1. Rimouski
2. Rivières-des-Prairies
3. Sorel
4. Valleyfield
5. Baie-Comeau
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