Analyse
Engagez-vous, les infirmières
Éric Yvan Lemay
03/07/2010 08h20
Si j'étais une jeune femme qui souhaite devenir infirmière (ou un jeune homme parce qu'eux aussi peuvent être intéressés), je me demanderais à quoi jouent les infirmières. Depuis des semaines, leurs syndicats* dénoncent leurs conditions de travail exécrables, les millions d'heures supplémentaires et le peu de reconnaissance.
Ça ne me donnerait pas nécessairement le goût de me lancer dans la profession. Récemment, j'ai eu une longue conversation avec une infirmière qui a quitté le réseau public il y a deux ans. Pour elle, le privé était plus attrayant. Aujourd'hui, elle regrette un peu son choix, mais pas question pour elle de retourner à l'hôpital: les horaires sont trop contraignants. Si elle y retourne, elle ne pourra faire que les horaires de soir ou de nuit dont personne ne veut.
Elle n'est pas seule. Pourtant, il existe des solutions et elles sont à portée de mains. Prenez l'urgence de Rouyn-Noranda. Les infirmières tannées de faire du temps supplémentaire obligatoire ont décidé de demander un nouvel horaire.
NE PAS ATTENDRE LE MINISTRE
La direction a accepté de s'asseoir avec elles. Leur syndicat aussi. On a déterminé qu'elles feraient des quarts de 12 heures avec des rotations jour et nuit. En échange, elles gagnent des jours de congé. Elles ne travaillent plus que trois à sept jours par deux semaines. Elles rentrent une fin de semaine sur trois plutôt qu'une sur deux. Et surtout, elles ne font pratiquement plus de temps supplémentaire obligatoire.
Même chose du côté de l'Hôpital Général Juif où le temps supplémentaire obligatoire n'existe pas. On règle les horaires à l'amiable. Des infirmières de l'Hôpital Général de Montréal font également des shifts de 12 heures.
Qu'est-ce qui caractérise ces trois exemples? Elles n'ont pas attendu que le ministre de la Santé vienne leur dire quoi faire, elles ont pris leur horaire en main.
C'est trop facile pour certains syndicats de se plaindre en disant que c'est de la faute aux agences privées ou des postes à temps partiel. La vérité, c'est que bien des jeunes infirmières sont forcées de faire les quarts de soir et de nuit dont personne ne veut. Plusieurs d'entre elles préfèrent se tourner vers les agences.
LES INFIRMIÈRES IRONT AILLEURS
Fermer les agences? Il y a aussi des emplois de jour qui les attendent dans des entreprises, dans la recherche ou même dans certaines pharmacies.
Ensuite, demandez-vous pourquoi il y a 250 infirmières québécoises qui travaillent dans le seul CHUV à Lausanne en Suisse. La plupart sont sur des horaires de douze heures. Oui, il y a les salaires plus élevés et les beaux paysages, mais il y a surtout bien plus de congés qu'ici.
Ça donne du temps pour vivre, profiter de ses enfants et voyager. Alors, contrairement à ce que propose la FIQ avec 32 heures par semaine sur quatre jours, disons qu'on parlait plutôt de 36 heures, mais seulement trois jours par semaine. Ça vous dirait? Je suis sûr que ce serait pas mal plus efficace que toutes les dénonciations actuelles faites à gauche et à droite pour ramener des filles (et des gars) dans le réseau.
Et vous savez quoi, l'infirmière du privé à qui j'ai parlé m'a avoué qu'un tel horaire pourrait la ramener dans le public. À moins que ce ne soit pas ce que vous souhaitiez?
* Les infirmières liées à la CSN et la CSQ se sont entendues sur les horaires avec le gouvernement, mais la majorité sont regroupées au sein de la FIQ qui n'a toujours pas d'entente.
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