Un monde sans visage
06/09/2010 05h05
Richard Martineau
La semaine prochaine, l'écrivain français Philippe Claudel (Les âmes grises, Le rapport Brodeck) sortira son tout dernier livre,
L'enquête, un polar existentiel qui se déroule dans un monde kafkaïen.
Pour l'occasion, Claudel a accordé une entrevue passionnante à l'hebdomadaire L'Express.
LE LABYRINTHE
"J'ai l'impression d'avoir perdu le mode d'emploi du monde, d'être devant une sorte de machine dont je n'ai plus la notice, dit-il. Cela peut être d'ordre très pratique, comme lorsque j'essaie de m'y retrouver dans les méandres d'opérateurs téléphoniques ou de serveurs Internet auxquels je demande de modifier mon abonnement..."
"J'ai le sentiment de parler à des standards électroniques, des voix de synthèse. Je n'arrive plus à savoir vers qui je dois me tourner pour avoir une réponse, un regard. Je ressens cette même absence d'interlocuteur dans le domaine politique..."
"La complexité de nos technologies et de nos systèmes financiers, de nos entreprises sans visage et de nos conseils d'administration mystérieux fait que plus personne ne peut comprendre l'assemblage global."
OÙ LOGE LE POUVOIR ?
Claudel a parfaitement raison. Plus ça va, plus l'homme se sent impuissant face à la complexité et à l'abstraction du monde.
Prenez le monde du travail.
Avant, les entreprises étaient à échelle humaine, les travailleurs connaissaient leur patron, ils pouvaient lui parler, le croiser à la cafétéria.
Les dirigeants d'entreprise participaient à la vie de leur collectivité.
Aujourd'hui, comme dit Philippe Claudel, "on a affaire à des systèmes, des flux d'informations, des transferts de capitaux, des sociétés enchevêtrées..."
On ne connaît plus l'origine exacte des produits que nous consommons.
Avant, le pouvoir était identifiable. "Quand le serf se faisait taper dessus, il savait par qui, explique l'écrivain. Aujourd'hui, on ne sait plus à qui présenter ses doléances. Aux dirigeants? À soi-même? À Dieu?"
UNE COURSE D'OBSTACLES
Le monde ressemble de plus en plus à un labyrinthe.
Qui comprend l'affaire Madoff ou les causes de la dernière crise économique? Le système économique est devenu tellement complexe que même les spécialistes s'y perdent.
C'est comme s'il n'y avait plus personne dans le cockpit. Comme si le pouvoir logeait partout et nulle part à la fois.
Plus moyen de parler à une personne responsable. On vous met toujours en attente. Faites le 1, faites le 2, votre appel est important, entrez votre code, appuyez sur le dièse, revenez en arrière, chaque tentative d'entrer en contact avec un décideur ressemble à une course d'obstacles sans fin, on ne voit jamais le bout et l'on finit toujours par raccrocher, frustré et épuisé.
Ou lorsqu'on réussit enfin à parler à une personne en chair et en os, c'est un sous-traitant qui travaille dans un mégacentre d'appel à Bombay et qui n'a jamais mis les pieds dans l'entreprise que vous tentez désespérément de joindre.
VERS DIEU
L'homme a perdu pied. On n'a plus la maîtrise de rien. Même la politique ressemble à un organigramme délirant.
Pas étonnant que la religion fasse un retour en force. Vers qui se tourner quand plus personne ne nous écoute?
Tant qu'à vivre dans un monde abstrait, aussi bien parler à la plus abstraite des créations, c'est-à-dire Dieu.
Il ne nous répond pas? Qu'importe ! Le monde réel n'est pas moins sourd...
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Un monde sans image
Un monde sans image
Dernière modification par Placeress le lun. sept. 06, 2010 2:32 pm, modifié 1 fois.
Re: Un monde sans image
Il y a du vrai dans ce qu'il dit mais en quelque part je trouve aussi le ton alarmiste et un peu, avouons-le, bébé gâté. Chaque génération en vieillissant se plaint que le monde n'est plus ce qu'il est, comme quand ils étaient jeunes, il n'y a rien de nouveau sous le soleil là-dedans. je ne sais pas.........on voit les pertes mais on ne parle pas des gains. Oui peut-être que la société a fait de grandes pertes, du moins du côté humain de la chose, c'est impersonnel, individuel, etc......mais d'un autre côté la médecine a avancé, la techno aussi, etc.....comment décider si le bilan est positif ou dans le rouge?........c'est toujours un peu comme le verre à moitié plein ou à moitié vide, cela dépend de notre perception sur la réalité. Peut-être aussi que cela tient de posséder une certaine force de caractère et d'adaptation. Tu ne peux pas toujours être le pivot sur lequel le monde s,enroule, vieillir dit aussi prendre conscience de n'être qu'un maillon de la chaîne et en prendre conscience provoque un lâché prise qui me semble nécessaire pour s'adapter à l'évolution autour de ns. Pourquoi avoir soudainement besoin d'une religion x parce que l'on prend conscience de vivre dans un monde abstrait?? Pourtant si on a assez d'esprit critique pour analyser le monde et trouver qu'il a changé on devrait pouvoir aussi s'en servir de la même façon pour se méfier des placebos que sont les religions. Non, je ne peux souscrire à ce qu'il propose comme conclusion à son texte car pour moi, et bien sûr cela n'implique que moi, une des meilleures améliorations dans ma vie, autour de moi, a été la disparition des dictas religieux de mon enfance. 
