Opticiens ou non?
Serge Labrosse
26/09/2010 05h19

Des vendeurs de lunettes de Greiche & Scaff et Optique Laurier ont été mis à l'amende.
© Martin Chevalier/Agence QMI
Greiche & Scaff et Optique Laurier, deux importants commerces de lunettes, ont été rudement écorchés, en Cour du Québec, pour avoir confié la santé visuelle de leurs clients à des vendeurs de montures.
Trois jugements viennent de tomber coup sur coup, ces dernières semaines, et en suivent un autre qui a été rendu en 2009. Le juge Marc Renaud, de la Chambre du Québec, district de Longueuil, y condamne à l'amende des vendeurs qui se sont improvisés opticiens à l'insu de leur clientèle. Ce faisant, estime le magistrat, ils mettaient en péril la santé visuelle de leurs clients.
L'Ordre fait place nette
Ce sont des enquêteurs mandatés par l'Ordre des opticiens d'ordonnances du Québec qui ont permis, ces deux dernières années, de lever le voile sur les pratiques illicites des entreprises en cause.
Les propriétaires des commerces visés invoquent tantôt l'erreur d'une employée, tantôt une certaine confusion au moment de la vente, pour expliquer qu'un opticien d'ordonnances accrédité n'ait pas pris soin d'examiner la vue des clients et de procéder lui-même à l'ajustement des verres achetés dans leur établissement, comme l'exige la pratique.
Dans les faits, c'est souvent en conformité avec les directives de leur patron que des employés non autorisés par l'Ordre s'improvisaient opticiens — eux dont la tâche devait normalement se limiter à conseiller une monture ou un type de verre (antireflet, par exemple).
Opticiens en herbe
Pour leur défense, certains patrons ont prétendu qu'ils avaient eux-mêmes dûment formé leur personnel (comme, antérieurement, Mario Boivin, de la boutique Greiche & Scaff du 1001, boulevard Montarville, à Boucherville, et plus récemment le Dr André Aoun, optométriste propriétaire de quatre cliniques Optique Laurier).
Les employés formés sur le tas étaient alors encouragés à poser certains gestes normalement réservés aux opticiens qualifiés, dans la mesure où un opticien, en finale, devait vérifier leur travail, ce qui n'était pas fait.
Pareille politique obligeait les vendeurs de montures à prendre les hauteurs de foyers, à mesurer les écarts pupillaires avec un appareil spécialisé, et à ajuster les montures de lunettes au niveau des plaquettes — toutes des actions normalement réservées aux seuls opticiens qualifiés et accrédités par l'Ordre.
Malheureusement pour ces employés, c'est pour avoir répondu correctement ou non aux directives qu'ils se retrouvent aujourd'hui — eux, et non leur patron — devant les tribunaux, accusés d'avoir «exercé illégalement la profession d'opticien d'ordonnances», cela, «en procédant à l'ajustement de lentilles ophtalmiques, alors qu'ils n'étaient ni titulaires d'un permis, ni inscrits au tableau de l'Ordre des opticiens d'ordonnances du Québec».
Agents doubles
L'Ordre des opticiens a eu recours à des agents doubles pour identifier et prendre sur le fait les contrevenants. La preuve déposée en cour n'en a été que plus incriminante pour les employés, qui se sont rendus coupables d'infractions et qui ont été condamnés à des amendes variant entre 600 $ et 1 500 $, en plus des frais de quelques centaines de dollars.
Le stratagème a été utilisé avec succès, en 2008, dans les commerces Optique Laurier de la route 132, à Delson et des Promenades St-Bruno, de même que chez Greiche & Scaff, à Boucherville.
Pratique dangereuse pour la vue
Le simple ajustement de confort des branches d'une monture risque d'affecter l'acuité visuelle du client, à plus forte raison, l'ajustement complet des lentilles à la vue du client.
Tel est l'avis du spécialiste Dominique Naneix, opticien d'ordonnances en techniques d'orthèses visuelles.
M. Naneix a été entendu en qualité de témoin expert reconnu par la Cour, dans les différents procès intentés aux opticiens en herbe.
Selon M. Nainex, il est «primordial» que l'ajustement final des lentilles soit effectué par un opticien qualifié, au moins au moment où le client prend possession de ses nouvelles lentilles.
Effets nocifs
Comme en fait foi un document émanant de l'Ordre des opticiens d'ordonnances du Québec, «les lentilles doivent occuper des positions précises en termes d'écartement, de hauteur, de distance et d'inclinaison par rapport aux yeux du porteur».
«Le principal inconvénient des lentilles mal centrées, y ajoute-t-on, est que le verre dévie alors la lumière qui entre dans l'oeil, de la même manière que le ferait un prisme. Cela provoque des effets néfastes sur la vision et impose une fatigue visuelle.»
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PRINCIPAUX DANGERS D'UN MAUVAIS AJUSTEMENT
* Contrastes -- Un défaut assez minime dans les lentilles, sur le plan de la puissance ou du centrage, contribue à une réduction de la perception des contrastes et à une perte de la performance visuelle.
* Vision double -- Un mauvais centrage provoque la déviation des rayons lumineux et contribue à modifier l'alignement des axes visuels du porteur des lentilles. Cet effet est «indésirable, car il peut provoquer une vision double ou un effort visuel pour combattre cette vision double».
* Maux de tête -- Des verres mal ajustés peuvent créer de l'inconfort, des maux de tête.
* Strabisme -- Un mauvais centrage du verre peut enfin encourager un strabisme, avoir des répercussions sur la qualité du travail par des difficultés à lire, à effectuer son boulot.
* Sécurité -- Dans les pires cas, il pourrait s'ensuivre des conséquences plus graves sur la sécurité du travail, conclut le document.
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Votre opinion
Trouvez-vous normal que ce soient les employés qui soient accusés, et non leurs patrons?
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Moi je dis que toutes les personnes concernées doivent être poursuivies.