Une onde de choc frappe le Moyen-Orient
Marco Bélair-Cirino 15 février 2011 Proche-
Plusieurs États du Moyen-Orient ont été le théâtre, hier, de manifestations anti-régime, s'inscrivant dans la foulée de celles ayant culminé, en Tunisie et en Égypte, avec la chute des autocrates Zine El-Abidine Ben Ali et Hosni Moubarak. Des appels à la mobilisation ont été entendus notamment en Iran, au Yémen, à Bahreïn et en Irak.
À Téhéran, des milliers de militants anti-gouvernementaux sont descendus dans les rues, officiellement afin de faire l'éloge des soulèvements populaires en Tunisie et en Égypte, mais, dans les faits, ils ont vitupéré la conduite de l'État.
Il s'agissait de la première manifestation contre le président de l'Iran, Mahmoud Ahmadinejad, depuis un an dans la capitale, malgré les avertissements des autorités qui avaient déployé des forces de l'ordre en grand nombre.
Une personne a été tuée, alors que plusieurs autres ont été blessées par des coups de feu, a fait savoir l'agence de presse semi-officielle Fars.
Dans la capitale yéménite, Sanaa, des heurts ont opposé des milliers de sympathisants et d'opposants au président, Ali Abdallah Saleh.
Des centaines de partisans du Congrès populaire général (CPG), dont fait partie M. Saleh, ont attaqué à coup de bâtons et de pierres les manifestants venus réclamer la démission du chef de l'État, avant que les forces policières n'interviennent pour les séparer, selon le correspondant de l'AFP, qui a fait état de quelques blessés légers parmi les dissidents.
«Après Moubarak, Ali», ont scandé les anti-régime, comparant Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, à l'ancien dirigeant égyptien Hosni Moubarak, déboulonné de la présidence vendredi dernier, après 29 ans à la tête du pays. «Le peuple veut la chute du régime», répétaient-ils, reprenant le principal slogan du soulèvement en Égypte.
Plusieurs milliers de personnes ont également exigé un changement de régime, à Taëz et à Aden, aux cris de «Dégage Ali!» et «Pas de dialogue avant la chute du régime», toujours selon l'AFP. La mise au rancart des amendements constitutionnels autorisant M. Saleh à briguer un nouveau mandat en 2013 et l'assurance que son fils ne lui succédera pas à la tête du pays ne suffisent pas, selon eux.
Dans le Royaume de Bahreïn, les forces de l'ordre ont tiré, hier, des grenades lacrymogènes et des balles en caoutchouc afin de disperser des milliers de manifestants hostiles au gouvernement.
Des troubles ont notamment éclaté à Newidrat, une localité principalement chiite du sud-ouest du pays, faisant plusieurs blessés, selon des témoins s'exprimant sous le couvert de l'anonymat. Au moins 25 personnes auraient été traitées pour des blessures. Un homme serait aussi mort après avoir été retrouvé dans la rue, souffrant de graves blessures à la tête, selon ses proches.
À Diraz, autre village essentiellement chiite, les policiers s'en sont pris à des centaines de manifestants pacifiques qui défilaient en brandissant des drapeaux aux cris de «Ni chiites ni sunnites, seulement des Bahreïnis». Une femme s'est assise sur la route devant les policiers anti-émeute, réclamant la libération de tous les prisonniers politiques.
C'est la deuxième fois en deux jours que de tels incidents sont rapportés, sur fond de hausse des tensions, dans ce petit État insulaire du Golfe, allié stratégique de Washington qui héberge sur son territoire la Ve Flotte de la Marine américaine.
Un texte mis en ligne sur Facebook appelait à «ouvrir la voie à des réformes politiques et sociales, notamment dans la ligne des changements en cours au Moyen-Orient». «Nous allons scander tous ensemble le 14 février: "Le peuple veut une réforme du régime"», était-il écrit en guise de mot d'ordre.
La famille régnante de Bahreïn — de confession sunnite alors que la population est majoritairement chiite — avait entre autres choses promis la semaine dernière de distribuer 1000 dinars (2700 dollars) à chaque famille du pays.
En Irak, quelques centaines de jeunes se sont rassemblées à l'occasion de la Saint-Valentin, avec des roses et des ballons rouges, dans le centre de la capitale, Bagdad, pour exprimer «l'amour de leur pays» tout en condamnant la cupidité des dirigeants.
Par ailleurs, des appels à manifester, après-demain, contre la corruption et le népotisme en Libye ont par ailleurs été lancés depuis quelques semaines sur Facebook.
Enfin, en Algérie, où une marche de l'opposition, interdite, s'était heurtée, samedi, à un dispositif de sécurité très renforcé, une nouvelle manifestation est prévue samedi prochain.
Grève en Égypte
En Égypte, aux commandes du pays depuis la démission du président, Hosni Moubarak, l'armée a fait comprendre qu'elle ne tolérerait pas que le mouvement de grogne prenne de l'ampleur.
Dans un communiqué lu à la télévision nationale, un porte-parole du Conseil suprême des forces armées en a appelé, en cette «période cruciale», à la responsabilité de tous les Égyptiens afin qu'un climat apaisé puisse permettre la transition promise par les militaires vers un gouvernement civil élu. La poursuite des grèves et des manifestations mettrait en péril l'économie du pays et permettrait à des «éléments irresponsables» de perpétrer des «actes illégaux», a mis en garde l'armée.
Malgré cela, des milliers de fonctionnaires égyptiens ont fait grève et ont manifesté afin de réclamer de meilleurs salaires et conditions de travail.
Les généraux au pouvoir ont aussi rencontré dimanche des représentants des groupes de jeunes et cybermilitants à l'origine du soulèvement, a-t-on appris hier. Le responsable du marketing de Google pour le Proche-Orient et l'Afrique du Nord, Wahel Ghonim, qui a émergé comme un des porte-parole du mouvement, a jugé cet entretien encourageant. Les militaires, a-t-il expliqué sur sa page Facebook hier, ont fait savoir que des amendements constitutionnels seraient étudiés au cours des dix prochains jours par un comité indépendant, puis soumis à référendum d'ici à deux mois. «Nous avons senti un désir sincère de protéger les gains de la révolution et un respect sans précédent pour le droit des jeunes Égyptiens à exprimer leurs opinions», a affirmé Wahel Ghonim.
L'armée a aussi demandé au Royaume-Uni et à d'autres États européens de geler les biens de membres de l'ancien régime.
Les guides et professionnels du tourisme ont quant à eux manifesté, hier, devant les pyramides, à Gizeh, pour inviter les touristes à revenir en Égypte. «Dites à tout le monde que l'Égypte est sûre. Nous sommes prêts à accueillir des millions et des millions de gens comme avant. S'il vous plaît, revenez», a lancé le guide Shahindar Adel.
D'après l'AFP, l'AP, Reuters et Le Monde
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