Bertrant Cantat au TNM

Votre tribune, la parole est à vous! Débattez d'idées, d'opinions, de sujets chauds de l'actualité ... bref place aux discussions.
Avatar de l’utilisateur
lucide
Seigneur de la Causerie
Messages : 5688
Inscription : mer. juin 11, 2003 12:00 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par lucide »

Malike a écrit : [...]


Elle met en mots ce que je ressens face à ces crimes "d'amour".

Je partage pas a 100% son avis, mais j'aimerais souligner la beauté de sa prose, la qualité de son francais , l'intelligence et la pertinence de son commentaire.
Je trouve dommage qu'on catalogue cette femme comme chiante et hautaine, je preferais que certains pseudo journalistes la suivent en exemple.
Si la presse écrite possedait un tel niveau de francais et d'écriture on aurait pas besoin de loi 101 ou de s'inquieter pour notre langue.
Avatar de l’utilisateur
Placeress
Immortel du Domaine
Messages : 21514
Inscription : lun. déc. 07, 2009 9:51 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par Placeress »

J'aime bcp son texte....

Et je trouve aussi qu'il y avait un malaise à lire la lettre que Wajdi à écrit à sa fille.... ses entrevues suffisaient à expliquer sa démarche à mon avis....
Avatar de l’utilisateur
Malike
Administrateur
Messages : 39663
Inscription : mar. mars 15, 2005 1:00 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par Malike »

Placeress a écrit : J'aime bcp son texte....

Et je trouve aussi qu'il y avait un malaise à lire la lettre que Wajdi à écrit à sa fille.... ses entrevues suffisaient à expliquer sa démarche à mon avis....
J'aurais aimé lire la lettre qu'il aurait écrit à sa fille si c'était elle qui était morte rouée de coups par son amoureux, pas sûre qu'elle aurait la même teneur. Mais bon c'est un génie artistique qu'il parait. :sarcastic:
Qu'on se le dise : Chacun sa connerie!! - Claude Dubois ;)
Avatar de l’utilisateur
Placeress
Immortel du Domaine
Messages : 21514
Inscription : lun. déc. 07, 2009 9:51 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par Placeress »

Malike a écrit : [...]


J'aurais aimé lire la lettre qu'il aurait écrit à sa fille si c'était elle qui était morte rouée de coups par son amoureux, pas sûre qu'elle aurait la même teneur. Mais bon c'est un génie artistique qu'il parait. :sarcastic:

Bien, dans ses entrevues, il expliquait sa démarche artistique et je peux en comprendre une partie.... mais dans sa lettre... .il minimisait bcp..... on dirait que pour moi, ça donnait l'effet un peu de faire une soustraction à ce qu'il avait expliqué.... c'était trop...
Avatar de l’utilisateur
Anya
Intronisé au Panthéon
Messages : 39599
Inscription : mer. janv. 28, 2009 1:52 pm

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par Anya »

Affaire Cantat — Wajdi Mouawad fustige les médias québécois
Écrit par RueFrontenac.com
Mercredi, 29 juin 2011 13:17

Le dramaturge Wajdi Mouawad estime que les médias du Québec ont sombré dans « la caricature et le populisme » à propos de son projet de pièce de théâtre mettant en vedette Bertrand Cantat, l'ex-chanteur de Noir Désir condamné pour l'homicide de sa conjointe Marie Trintignant.

Dans une entrevue accordée au quotidien Le Parisien, l'homme de théâtre est revenu sur la controverse qui a éclaté en avril quand il a fait part de son intention d'inclure Bertrand Cantat dans le Cycle des Femmes, une pièce de Sophocle qu'il a mis en scène.

Questionné par rapport au lever de bouclier magistral qu'a soulevé sa proposition artistique, il a répondu: « Je m'attendais à ce qu'il y ait des discussions, mais pas à une telle violence. Au Québec,
certains médias se sont déchaînés, on était dans la caricature, le populisme. »

Ceux qui estiment que Bertrand Cantat ne devrait jamais remonter sur scène ont le droit de contester, a-t-il ajouté. « Mais je ne comprend pas qu'on interdise. La question fondamentale, c'est celle de la peine de mort. À partir du moment où on vit dans une société qui a aboli la peine de mort, il faut accepter de vivre avec celui qui a commis un crime et a purgé sa peine. Sinon, on applique une peine de mort psychologique, professionnelle. »

À Montréal en 2012

La pièce de théâtre, qui sera jouée sans Bertrand Cantat sur les planches du Théâtre du Nouveau Monde en 2012, a été présentée pour la première fois mardi soir à Cenon, près de Bordeaux, en France.

L'article du Parisien étant réservé aux abonnés, la firme Influence Communications en a publié une version imagée sur sa page Facebook, que l'on peut consulter ici.

Image

http://www.ruefrontenac.com/spectacles/ ... d-parisien" onclick="window.open(this.href);return false;
Avatar de l’utilisateur
Thewinneris
Seigneur de la Causerie
Messages : 5728
Inscription : mer. avr. 02, 2003 1:00 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par Thewinneris »

Il en remet et veut faire sa loi en méprisant la population pour reprocher aux médias québécois d'être populistes. J'espère qu'ils le sont du côté de la population nos médias et c'est tant mieux. Nous ne sommes pas dans une dictature ou c'est seulement que les élites qui impose leurs caprices aux gens.

Il est bon aussi dans la victimisation quand il dit ''d'une tel violence'' à propos des réactions. J'espères oui! Nous ne sommes quand-même pas des larves qui se laissent imposer n'importe quoi de toute aussi violent d'ailleur et innacceptable aux yeux d'une forte majorité! Sans jamais dire un mot plus fort que l'autre comme les moutons qu'il voudrait, ainsi que la tendence réctitude politique ambiante voudraient qu'on soit.
Dernière modification par Thewinneris le mer. juin 29, 2011 4:44 pm, modifié 3 fois.
Avatar de l’utilisateur
fleurissimo
Manitou de la Parlotte
Messages : 1731
Inscription : sam. juil. 31, 2004 12:00 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par fleurissimo »

Et pourtant, je fais partie de la population et je ne me sens pas méprisée par ses propos.
C'est bien plus Lagacé et Martineau qui m'ont pris pour une épaisse qui n'est pas capable de se faire une opinion. Leur acharnement a me rentrer leurs idées dans la tête a duré des jours et des jours.
[color=#0000FF][b]le hasard ne fait toujours que la moitié du chemin[/b][/color]
Avatar de l’utilisateur
geneviève-2
Immortel du Domaine
Messages : 13820
Inscription : jeu. août 25, 2005 12:00 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par geneviève-2 »

Pas d'accord avec lui s'il faut pardonné va-t-on pardonner aux violeurs et pédophiles car il n'y a pas de peine de mort? :??:
Je ne reçois pas les messages éclairs
Avatar de l’utilisateur
lucide
Seigneur de la Causerie
Messages : 5688
Inscription : mer. juin 11, 2003 12:00 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par lucide »

fleurissimo a écrit : Et pourtant, je fais partie de la population et je ne me sens pas méprisée par ses propos.
C'est bien plus Lagacé et Martineau qui m'ont pris pour une épaisse qui n'est pas capable de se faire une opinion. Leur acharnement a me rentrer leurs idées dans la tête a duré des jours et des jours.

:jap: :jap: :jap:
Avatar de l’utilisateur
Anya
Intronisé au Panthéon
Messages : 39599
Inscription : mer. janv. 28, 2009 1:52 pm

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par Anya »

Publié le 30 juin 2011 à 09h00 | Mis à jour à 09h00
Mouawad comme guide

Image
Félix Beaulieu-Duchesneau, Richard Thériault et Lorraine Pintal derrière les 10 jeunes Montréalais retenus pour ce projet unique pendant 5 ans.

Alexandre Vigneault
La Presse

Prenant au pied de la lettre l'expression voulant que les voyages forment la jeunesse, le dramaturge et metteur en scène Wajdi Mouawad a lancé un vaste chantier de la pensée, auquel participeront 50 adolescents issus de cinq villes francophones, intitulé Avoir 20 ans en 2015. Dix jeunes montréalais sont de cette aventure humaine et intellectuelle qui s'amorce officiellement la semaine prochaine avec un séjour d'une semaine à Athènes, en Grèce, où ils assisteront à la trilogie Des femmes, tirée de Sophocle.

«Ce serait réducteur de dire que ce projet se résume à un voyage par année», précise d'emblée le comédien Richard Thériault, venu représenter le projet au TNM, hier, en l'absence de Wajdi Mouawad. Le metteur en scène était retenu en France, près de Bordeaux, où sont données ces jours-ci les premières représentations des pièces qui composent l'ensemble Des femmes, spectacle qui a suscité la controverse plus tôt cette année en raison de la participation du controversé rockeur Bertrand Cantat.

Plateforme virtuelle

Avoir 20 ans en 2015 n'est pas seulement axé sur les voyages, même si les jeunes iront notamment à Lyon et à Auschwitz au cours des deux prochaines années. L'idée maîtresse du projet, c'est d'interroger la résonance des tragédies de Sophocle dans le monde d'aujourd'hui et de créer un espace (une plateforme virtuelle, notamment) que les 50 adolescents de Mons, Namur, Nantes, Montréal et de La Réunion pourront utiliser pour partager leurs réflexions et les créations inspirées par le contact avec ces oeuvres.

En jouant les guides intellectuels, l'homme de théâtre souhaite de toute évidence contribuer à former des esprits curieux et des citoyens articulés. Richard Thériault et Lorraine Pintal, directrice artistique du TNM, partenaire du projet, insistent en effet pour dire que le projet placera les jeunes dans des contextes favorables aux discussions politiques et philosophiques. Sophocle servira en outre de tremplin à une exploration artistique et intellectuelle étalée sur toute l'année, puisque les participants seront invités à assister à différents types de spectacles présentés dans leur ville. «Ce n'est pas de l'enseignement, c'est un partage dans un contexte de liberté», précise le comédien.

Apprendre autrement

Apprendre autrement, c'est en partie ce qui a motivé Nadjib Bouazouni à poser sa candidature. «On peut découvrir le monde à travers la littérature, mais ce n'est pas la même chose que d'aller sur place et rencontrer les gens», juge le garçon de 16 ans. Il est très enthousiaste à l'idée d'échanger avec d'autres, plutôt que de simplement écouter un professeur. À ses côtés, Justine Minh Hien, 14 ans, explique que le projet représente pour elle une occasion unique d'élargir ses horizons et de moins juger les autres. «On voit souvent les choses en surface, mais quand on les comprend, on arrête de juger», expose-t-elle.

Les huit autres Montréalais sélectionnés (Natasha Beaudin Pearson, Vladimir Belova, Éléonore Brieuc, Benjamin Charette, Juliane Choquette Lelarge, Alexis Curodeau Codere, Quentin Gagnon et Anne-Marie St-Louis) ont tous 15 ou 16 ans et vivent dans des quartiers aussi divers que Rosemont, Notre-Dame-de-Grâce, Verdun et Hochelaga-Maisonneuve. L'initiative doit donner naissance à une exposition des oeuvres créées par les adolescents présentée à Mons, petite ville belge nommée capitale culturelle de l'Europe pour l'année 2015.

http://www.cyberpresse.ca/arts/spectacl ... cueil_POS1" onclick="window.open(this.href);return false;
Avatar de l’utilisateur
Anya
Intronisé au Panthéon
Messages : 39599
Inscription : mer. janv. 28, 2009 1:52 pm

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par Anya »

Publié le 05 juillet 2011 à 06h58 | Mis à jour à 06h58
Le Québec selon Wajdi Mouawad
Patrick Lagacé
La Presse

Wajdi Mouawad est bien connu comme figure marquante de la littérature et de la mise en scène. De livre en pièce de théâtre, le génie de Mouawad est salué par la critique, le public, l'Ordre national du Québec et l'Ordre du Canada. On peut même mettre les Oscars dans le choeur des admirateurs: avant d'être un film quasi oscarisé, Incendies est une pièce écrite par le grand homme.

Mais connaissez-vous Mouawad le mange-Québécois?

Ce Mouawad-là se tient à carreau, ici. Il faut fouiller un peu, disons dans une émission française diffusée en juillet 2009, pour découvrir Mouawad dans son incarnation mange-Québécois.

De généralisations en caricatures et en énormités, Mouawad, interviewé par Catherine Pont-Humbert pour l'émission À voix nue, diffusée sur France Culture, dessine un beau bonnet d'âne sur la tête des Québécois.

D'abord, il raconte le choc qu'il a éprouvé quand il est arrivé au Québec, à 15 ans. Parce qu'il parlait bien français, parce qu'il était premier de classe dans les compositions, parce qu'il portait des lunettes, il passait pour un intellectuel. «Alors que, deux jours avant, je sortais d'un tournoi de rugby. Mais allez dire le mot «rugby» à des Québécois. Ça ne leur disait strictement rien.»

Bien échauffé, Mouawad dit ensuite que les Québécois sont des émotifs qui non seulement parlent mal, mais qui méprisent les idées au profit des émotions. Pas une nuance, pas un bémol quand l'ancien directeur du Théâtre de Quat'sous dit: «En même temps, il y a un constat que je fais très rapidement: mais c'est mal parlé, quoi! C'est mal enseigné, c'est mal parlé. Quand je dis que c'est mal parlé, je parle de mes camarades à l'école, qui font du théâtre, où, petit à petit, je réalise que dès qu'on se met à articuler une idée un petit peu plus longtemps que le minimum requis, on est un intellectuel.

«Et régulièrement, dans cette période d'apprentissage à l'école, j'entendais souvent des acteurs, j'entendais souvent des artistes dire: «Oui, mais moi, je ne suis pas un intellectuel.» C'est opposer l'intellectuel à l'instinctif... Je suis un instinctif, un émotif, c'est-à-dire que l'émotion est beaucoup plus grande; ce qu'on peut dire avec une émotion, c'est pas nécessaire de le dire avec des grands discours.

«Toutes ces idées qui semblent dire que réfléchir et faire état par des mots de sa réflexion est une chose qui appartient aux prétentieux, aux Français, à ceux qui se prennent pour d'autres, c'est enculer les mouches, etc., etc.»

Attendez. Ce n'est pas fini. Le meilleur s'en vient, dans ce monologue qui aurait pu s'intituler Le Québec selon Wajdi. Décrivant le lien qu'ont les Québécois - TOUS les Québécois - avec la langue, le géant du théâtre peint cette scène délirante de ses compatriotes:

«Voilà, vous rentrez dans une épicerie, vous dites: «Lait.» Ça suffit, le type vous donne du lait. Et voilà. Et c'est bon. On va pas dire: «Bonjour monsieur, j'aimerais bien avoir du lait» - à quoi ça sert? Et l'autre qui vous tend le lait, il vous dit: «Une piasse.» Donc, c'est du troc. Je lui donne un mot, qui est «lait»; il me rend un mot, qui est une «piasse», enfin, un dollar. Et voilà. On va quand même pas s'emmerder plus loin que ça, quoi.»

Y a-t-il un refus de la pensée, de l'intellectuel, au Québec? Bien sûr. Est-ce une spécialité québécoise au même titre que la poutine? Non, et c'est là que la caricature que fait Mouawad des Québécois est perverse.

* * *

Quelque part dans ce troisième épisode - intitulé Wajdi, fils de Zeus - d'une série de cinq, Mouawad raconte gravement son refus d'adopter l'accent québécois quand il a débarqué de France, à 15 ans. Comme si c'était un grand acte de résistance! Comme si on demandait aux gens de laisser l'accent français aux douanes en débarquant! Comme si, à 15 ans, on pouvait «remplacer» son accent! N'importe quoi.

La langue est donc devenue un fossé qui s'est interposé entre les Québécois-qui-parlent-mal et Wajdi-à-l'accent-français, si j'ai bien compris ses explications. C'est ainsi qu'il explique à l'animatrice: «Mes amis les plus intimes et les plus proches sont tous des gens qui viennent d'ailleurs.»

J'insiste: Mouawad n'a aucun indigène parmi ses amis les plus proches. Malgré une vie passée ici! J'ai envie de parler de rejet du Québec. Mais, si je me fie à l'entrevue de Mouawad à France Culture, je serais dans l'erreur.

En effet, Mouawad se sent proche de Robert Lepage, qui, comme chacun le sait, n'est pas un joueur de rugby mais un génie de la mise en scène. Comme Wajdi.

Pur hasard, sûrement.

* * *

Ce qu'a dit Mouawad à France Culture à propos du Québec (on se demande les horreurs qu'il peut dire de nous en privé, au fait) tient de la caricature méprisante. C'est donc parfaitement ironique de l'entendre se plaindre dans les journaux parisiens, ces jours-ci, du traitement de l'affaire Cantat par des médias québécois: caricatural, pleurniche-t-il.

On pourrait se demander pourquoi Wajdi Mouawad persiste à habiter ici, dans cette colonie d'hommes de Cro-Magnon réfractaires aux idées et aux intellos à lunettes.

Mais moi, Wajdi, je vous comprends de rester au Québec. Il y a des avantages à vivre parmi des demeurés. Comme celui d'être toujours considéré comme un peu plus génial que vous ne l'êtes en réalité, par exemple?

http://www.cyberpresse.ca/chroniqueurs/ ... cueil_POS1" onclick="window.open(this.href);return false;
Avatar de l’utilisateur
lucide
Seigneur de la Causerie
Messages : 5688
Inscription : mer. juin 11, 2003 12:00 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par lucide »

Pour ma part, c'est plus cet opinion que je partage que celle de Monsieur Lagacé...

Le Québec anti-intellectuel

Marc Cassivi
La Presse


Je ne voudrais pas accabler davantage le camarade Lagacé. Mon collègue souffre d'une pierre au rein (sans blague). Ce sont les risques douloureux du métier. Mais en lisant sa chronique de mardi, «Le Québec selon Wajdi Mouawad», je me suis presque étouffé sur ma tartine de foie gras. Heureusement que la coupe de champagne n'était pas loin.

Patrick se vexait de ce que Wajdi Mouawad caricature à outrance le Québec et les Québécois. Vrai qu'il a de fâcheuses manies de sermonneur, Mouawad, surtout lorsqu'il s'agit de «ce pays monstrueusement en paix». Il n'y a pas que Serge Denoncourt pour le dire. On se gardera pourtant, par prudence plus que par politesse, de lui jeter la première pierre...

L'homme de théâtre d'origine libanaise pose de façon générale un regard très critique sur son pays d'adoption. Un regard qui peut parfois paraître brutal, ingrat, méprisant, mais qui a le mérite d'être franc. C'est celui d'un médecin qui ne tergiverse pas avant de livrer son diagnostic. Même si son pronostic est pessimiste et que son patient n'est pas prêt pour l'électrochoc.

Le point de vue tranchant de Wajdi Mouawad, qu'il nous plaise ou pas, même s'il dépeint parfois un portrait exagérément sombre de notre société, est utile - j'oserais dire nécessaire - dans l'espace public. Parce que cet artiste d'exception s'intéresse sincèrement, avec acuité et éloquence, sans détour ni complaisance, à ce que nous sommes. Et que ce genre d'introspection est rare. Nos blessures d'orgueil, notre susceptibilité, notre déni de certaines réalités nous empêchent parfois collectivement d'y voir clair.

Le Québec est une société anti-intellectuelle. C'est dans l'essence ce que Wajdi Mouawad a confié à une journaliste de France Culture il y a deux ans, comme le rapportait mardi Patrick. «Dès qu'on se met à articuler une idée un petit peu plus longtemps que le minimum requis, on est un intellectuel», dit Wajdi Mouawad de la perception de l'intellectuel au Québec. «Toutes ces idées qui semblent dire que réfléchir et faire état par des mots de sa réflexion est une chose qui appartient aux prétentieux, aux Français, à ceux qui se prennent pour d'autres, c'est enculer les mouches, etc., etc.», ajoute-t-il.

Pour ce type de généralisation, Patrick traite Wajdi Mouawad de «mange-Québécois». C'est vrai que le portrait qu'il fait du Québec est réducteur et sans nuance. Pourtant, si l'on s'adonne avec franchise à un réel exercice d'introspection, il faut reconnaître que sur le fond, ce qu'exprime Mouawad en des termes caricaturaux, de manière cassante, sans épargner sa société d'accueil, n'est pas loin de la vérité.

Son «crime» est peut-être de ne pas avoir épargné le Québec dans un média étranger. Qu'un artiste né au Liban, exilé en France mais formé dès l'adolescence chez nous déclare, dans la patrie qui nous renvoie à la plupart de nos complexes en la matière, que le Québec est une société anti-intellectuelle, n'est certes pas diplomatique. C'est pourtant vrai. Ce qui ajoute à la blessure.

Le Québec n'est pas seulement une société anti-intellectuelle. C'est une société profondément anti-intellectuelle. Où la culture et le savoir ont une odeur suspecte. Où la suffisance et la prétention se mesurent au nombre de diplômes que l'on a pu obtenir, au nombre de livres que l'on a pu lire ou encore au nombre d'auteurs que l'on ose citer, en s'excusant presque chaque fois d'admettre leur existence.

L'anti-intellectualisme est un trait nord-américain, soit. Mais c'est un phénomène ancré dans la culture québécoise, où il vaut mieux, non seulement ne pas faire étalage de son érudition, mais masquer sa curiosité intellectuelle, pour ne pas être perçu comme un élitiste hautain, détaché des préoccupations de ses concitoyens.

Le Québec est non seulement une société qui semble se complaire dans son inculture. Elle s'en fait une fierté. En forgeant ses héros populaires chez les hommes des «vraies affaires», ceux qui n'en savent pas davantage - ou du moins le prétendent à dessein - que la moyenne des ours. En jouant la carte du populisme et en sous-estimant, précisément, l'intelligence de ceux qui les entourent.

L'intellectualisme est à ce point perçu comme une tare, un vice rédhibitoire dans nos médias, par exemple, que les intellectuels n'osent plus sortir de leurs universités, de leurs séminaires et de leurs essais pour prendre la parole. L'espace public québécois a été expurgé du discours de l'intellectuel, qui n'a plus voix au chapitre depuis si longtemps - à quelques exceptions près, qui confirment la règle -, qu'il préfère désormais se taire. La perte, on ne le regrette pas assez, est immense.

Dans le contexte, reproche-t-on à Wajdi Mouawad son regard méprisant sur la société québécoise, ou son point de vue d'intellectuel sur sa cité? Le mépris n'est peut-être pas seulement là où on le pense.
Avatar de l’utilisateur
Jannic
Seigneur de la Causerie
Messages : 5143
Inscription : ven. févr. 02, 2007 1:00 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par Jannic »

fleurissimo a écrit : Et pourtant, je fais partie de la population et je ne me sens pas méprisée par ses propos.
C'est bien plus Lagacé et Martineau qui m'ont pris pour une épaisse qui n'est pas capable de se faire une opinion. Leur acharnement a me rentrer leurs idées dans la tête a duré des jours et des jours.

J'endosse
Avatar de l’utilisateur
Thewinneris
Seigneur de la Causerie
Messages : 5728
Inscription : mer. avr. 02, 2003 1:00 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par Thewinneris »

Ce n'est pas qu'on n'apprécie pas les gens éduqués, c'est qu'on se refuse de les mettre sur un pied d'estale et on considère qu'une personne moins éduquée peut être aussi intelligente et avoir des opinions qui se valent par rapport aux intellectuels et avoir autant son mot à dire qui penchera autant dans la balance même si ce n'est pas exprimé avec de la dentelle! Ce n'est pas une honte, au contraire, de ne pas aimer les intellectuels aveuglément.
Dernière modification par Thewinneris le jeu. juil. 07, 2011 4:16 pm, modifié 3 fois.
Avatar de l’utilisateur
GI.Joe
Magicien des Mots
Messages : 4053
Inscription : sam. avr. 05, 2008 12:00 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par GI.Joe »

http://www.cyberpresse.ca/opinions/2011 ... ez-lui.php" onclick="window.open(this.href);return false;

Publié le 07 juillet 2011 à 06h00 | Mis à jour à 06h00


Mouawad est ici chez lui

Charles Ghorayeb
Homme d'affaires, l'auteur habite Châteauguay. Il commente ici la chronique de Patrick Lagacé publiée hier.



Je n'ai pas eu l'occasion de visionner l'entrevue de Wajdi Mouawad à laquelle vous faites allusion dans votre chronique («Le Québec selon Wajdi Mouawad»), mais je m'imagine très bien la chose.
Comme M. Mouawad, je suis arrivé au Québec à l'âge de 15 ans. Comme M. Mouawad, je viens du Liban, pays francophone et même francophile dans l'avant-guerre. Comme M. Mouawad, j'étais premier de classe en composition, rédaction et littérature française. Finalement, comme M. Mouawad, je me suis retrouvé déraciné et dépaysé en arrivant au Canada en 1970, d'autant plus que la xénophobie qui régnait au Québec dans ce temps m'a vu refuser l'accès à l'éducation francophone que mes parents et moi recherchions pour me renvoyer à l'école anglaise qui elle, était heureuse de me recevoir. Je ne parlais pas un traître mot d'anglais.

Je connais les Wajdi Mouawad de ce monde pour les avoir côtoyés toute ma vie au Liban et même au Québec. Ce petit snobisme prétentieux et précieux du Libanais est en lui-même une caricature bien dépeinte par tous les humoristes libanais et français. «Mooooouuuuaaaa, je sssuis un libané et je sssuis supppérieur à tout le moooonde, parce que vous saveeeeez, le Liban c'était comme le Paris ou le Monaco du Moyen-Orient ma chèèèère!» Pire encore pour les Wajdi de ce monde, ils se pensent très proches des Français, alors qu'en fait, ces derniers se fichent des Libanais à longueur de journée et trouvent qu'ils sont beaucoup trop nombreux en France.

Mouawad est de ces Libanais qui ont tout à enseigner et rien apprendre, oui. Mouawad s'imagine que les Français apprécient ce genre de caricature venant d'un Libanais, soit. Tant pis pour lui.


Là ou vous me perdez M. Lagacé, c'est que M. Mouawad a tout autant le droit de se plaindre et de nous critiquer que tout autre Québécois. Vous lui demandez pourquoi il demeure ici? Il est ici chez lui. Au même titre que vous, au même titre que n'importe quel médiocre comédien ou artiste ou journaliste ou pseudo-intellectuel «de souche» qui nous traite de «gang de suiveux» ou «de peuple de colonisés» ou «de gang de soumis» ou «d'hostie de caves». Falardeau, Elvis Gratton, ça vous dit quelque chose? Ces gens-là, on les renvoie où? C'est là que votre coté envieux se pointe bien malgré vous et franchement, il est aussi laid que le snobisme de Wajdi Mouawad.

* * *

Patrick Lagacé répond: Wadji Tremblay?


Wajdi Mouawad, grâce à son talent, est sollicité partout. Je suis étonné de le voir rester dans une société qu'il décrit comme étant un repaire de Cro-Magnon incapables de réflexion. J'aurais écrit la même chronique s'il s'était appelé Wajdi Tremblay.

Patrick Lagacé
Avatar de l’utilisateur
GI.Joe
Magicien des Mots
Messages : 4053
Inscription : sam. avr. 05, 2008 12:00 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par GI.Joe »

http://blogues.cyberpresse.ca/lagace/20 ... se-a-marc/" onclick="window.open(this.href);return false;

Le Jeudi 7 juillet 2011 | Mise en ligne à 15h13 | Commentaires (7)

Wajdi Mouawad, l’entrevue (et ma réponse à Marc)

Tel que promis, voici l’entrevue de Wajdi Mouawad chez France Culture, que je commentais en chronique plus tôt cette semaine dans La Presse. L’émission s’appelle À voix nue et fut diffusée en juillet 2009, dans le cadre d’une série portant sur la vie et l’oeuvre du dramaturge libano-québécois.

entrevue de Wajdi Mouawad (audio)
http://cyberpresse.media.streamtheworld ... 168561.mp3" onclick="window.open(this.href);return false;

Comme je vous le disais il y a deux jours, j’avais prévu publier l’entrevue mardi dernier, jour de la publication de la chronique. Mais un voyage aux urgences provoqué par une pierre au rein a comme gâché tout ce que j’avais au programme, à partir de mardi midi…

***

Avant de répondre à Marc Cassivi, qui a répondu à ma chronique sur Wajdi Mouawad dans le journal de ce matin, un petit mot sur mon collègue des Spectacles : je l’adore. Je le précise parce que quelques lecteurs se sont inquiétés — ou délectés — à l’idée que Marc et moi soyons en chicane via les pages de La Presse. Même au sein d’un même journal, entre collègues, le débat est sain. Tant que c’est fait directement et sans vacheries, je n’en prends pas ombrage. Je l’adore, donc, même si je suis rarement d’accord avec lui : j’admire ce guts, ce goût de se battre, la démarche qui mène à ses chroniques.

Le titre de la chronique de Marc, donc : Le Québec anti-intellectuel. C’est gros. C’est énorme. C’est trop gros, même. Le Québec est aussi anti-intellectuel. Il n’est pas qu’anti-intellectuel. Le rejet des idées, le mépris de l’intellectuel n’est pas une spécialité québécoise. Ces courants existent ailleurs, aux États-Unis, par exemple. Et, oui, en France. Évidemment que la France est un phare de la pensée, bien sûr qu’on y valorise la contribution des intellectuels. Mais la France n’échappe pas au mépris des idées et de ceux qui les expriment. À ce sujet, un petit livre, lumineux : C’est la culture qu’on assassine, de Pierre Jourde, qui dresse un état des lieux impitoyable sur l’état actuel de la production culturelle, de la diffusion des idées et de la montée de la bêtise, télévisuelle et autre. Après la lecture des chroniques de Jourde, il est impossible d’idéaliser la France à cet égard.

Convenons d’une chose, dans la foulée des propos de Wajdi Mouawad sur le Québec, comme terre réfractaire aux intellectuels : nous sommes dans le domaine du senti, du subjectif et de l’impression, principalement. Impossible de régler définitivement un tel débat. Je reconnais que j’ai une façon un peu carrée, des fois, d’expédier mes arguments, en chroniques : je ne suis pas le plus nuancé des membres en règle du commentariat québécois. C’est peut-être pourquoi les propos de Mouawad, sur France Culture, m’ont tellement irrité. Mouawad, c’est un intellectuel. C’est un type qui nous pousse à réfléchir. J’ai exprimé mon désaccord avec lui dans l’affaire Cantat, mais il nous enjoignait à réfléchir et surtout à faire des nuances. Qu’il sombre dans la caricature et la généralisation outrancière, comme il l’a fait avec son exemple stupide d’une conversation entre un épicier et un client cherchant du lait, sans aucune nuance, c’est un raccourci qui rappelle davantage les fleurons de CHOI FM le midi qu’un dramaturge primé partout où il passe.

Marc dit que le Québec est une société « où la culture et le savoir ont une odeur suspecte ». On peut sans doute trouver des exemples en ce sens. J’en vois beaucoup qui démontent ce mythe, pourtant. En 2008, quand les conservateurs de Stephen Harper ont émis l’idée de couper des tas de programmes en culture, qui est monté au créneau, en premier ? Le Québec. Un cynique peut voir le mouvement de l’époque comme étant noyauté par les artistes, les intellectuels et les faiseurs d’opinion. J’y ai vu une vague de fond, une réaction viscérale au mépris affiché des conservateurs envers la culture. Il est périlleux de décréter qu’un parti politique a gagné ou perdu pour une seule raison. Mais j’ose dire ceci : si les conservateurs n’ont jamais « passé » au Québec, c’est en partie à cause de ce mépris affiché pour les idées, pour les artistes, pour la culture.

Il y a quelques années, aux Francs tireurs, j’ai interviewé Stéphan Bureau. J’ai demandé au créateur-animateur de Contact s’il était déçu des cotes d’écoute faméliques de son émission lumineuse d’entrevues avec des phares de la pensée d’ici et d’ailleurs. Bien sûr, qu’il m’avait répondu : on souhaite toujours être regardé par un nombre maximal de gens. Mais, a nuancé Bureau, même si les cotes d’écoute de Contact étaient meilleures en France, la part de marché française était équivalente à celle du marché québécois ! « Évidemment, on ne peut pas résumer la vie intellectuelle d’une société à la télévision, me disait-il ce matin, quand je l’ai relancé à ce sujet. Reste que Contact a été lancé par un diffuseur québécois, Télé-Québec ! »

Un autre exemple : Le Devoir. Avant d’aborder la question du quotidien de la rue Bleury, j’aimerais y aller d’un mea culpa qui tombe pile. En 2007, invité à Tout le monde en parle alors que je venais de quitter le JdeM, j’ai lancé une vacherie à propos du Devoir. Je regrette cette vacherie parce qu’elle était injuste, d’abord : j’ai visé tout le journal alors que j’aurais dû nommer les deux ou trois plumes qui me tapent sur les nerfs. J’ai stupidement dit quelque chose qui pouvait passer pour une attaque sur le côté plus intello, plus centré sur les idées du Devoir, alors que ce n’était pas mon intention. Ensuite, je me suis mis les pieds dans les plats parce que j’ai voulu frapper l’imaginaire, j’ai caricaturé à outrance et j’ai tenté de résumer quelque chose de compliqué avec une boutade. C’est le danger qui vous guette quand on vous donne une tribune comme TLMEP, où vous êtes LE centre d’attention.

Et, si je puis dire, c’est le danger qui vous guette si vous êtes Wajdi Mouawad et que partout, on boit vos paroles comme si vous étiez Sophocle en personne : dire un truc explosif pour épater la galerie. Je soupçonne que Mouawad tombe dans ce piège à répétition. C’est peut-être ce qui arrive quand on s’attend à ce que vous disiez quelque chose de transcendant chaque fois que vous ouvrez la bouche. Je ne peux pas croire que Mouawad pense vraiment que son anecdote débile à propos d’une conversation monosyllabique entre un épicier et un client représente le Québec. En tout cas, il s’est bien gardé de dire qu’il s’agissait d’une caricature.

Mais je m’égare : je voulais vous parler du Devoir, donc : dans un marché comme le Québec, il s’agit d’une curieuse exception. Normalement, le marché publicitaire d’ici est trop petit pour soutenir un tel quotidien. Mais il se passe quand même un petit miracle, au quotidien, parce qu’un jour des gens venant d’un tas d’horizons de la société québécoise ont décidé que ça n’avait pas de bon sens, que ce journal ferme ses portes. C’était autour de 1993. Près de 20 ans plus tard, le Devoir est là. Il est en bonne santé. Son tirage est bon, il progresse, même. Il y a quelque chose comme un effort collectif dans la vie de ce journal, ce n’est pas le fait d’un seul donateur généreux. Et même s’il m’écorche à l’occasion, même s’il écorche La Presse de temps à autre, je m’en fiche : le Québec est une meilleure société avec ce journal que sans ce journal. Sa contribution à la vie intellectuelle du Québec est capitale. Bref, l’existence même du Devoir est une preuve que le Québec n’est pas « profondément anti-intellectuel ». Un peu ? Peut-être. Aussi ? Profondément ? Jamais.

Marc dit que l’espace public québécois a été « expurgé » du discours de l’intellectuel, à tel point que ceux-ci n’ « osent plus sortir de leurs universités »… Là, je suis bouche bée. Y a-t-il une chasse aux intellectuels ? Les lapide-t-on sur la place publique ? En sont-ils réduits à se dire pianistes dans des bordels pour ne pas être conspués à la taverne du coin ? La Presse publie régulièrement des points de vue de professeurs d’université. Ils sont régulièrement cités dans nos pages dans les textes de nouvelles, et dans d’autres médias. J’aimerais voir des preuves, systémiques, de ce rejet généralisé.

Exprimer son désaccord — avec un dramaturge, avec un chroniqueur, avec un prof de philo —, ce n’est pas conspuer les idées. Comme disait Parizeau aux « jeunes » députés qui lui ont récemment écrit la lettre que l’on sait : personne ne va vous donner votre place, prenez-la…

Voilà.
Avatar de l’utilisateur
GI.Joe
Magicien des Mots
Messages : 4053
Inscription : sam. avr. 05, 2008 12:00 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par GI.Joe »

Réponse plus posée de notre ami Patrick. Quand il se force, c'est bien. :)
Avatar de l’utilisateur
Placeress
Immortel du Domaine
Messages : 21514
Inscription : lun. déc. 07, 2009 9:51 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par Placeress »

lucide a écrit : Pour ma part, c'est plus cet opinion que je partage que celle de Monsieur Lagacé...

Le Québec anti-intellectuel

Marc Cassivi
La Presse


Je ne voudrais pas accabler davantage le camarade Lagacé. Mon collègue souffre d'une pierre au rein (sans blague). Ce sont les risques douloureux du métier. Mais en lisant sa chronique de mardi, «Le Québec selon Wajdi Mouawad», je me suis presque étouffé sur ma tartine de foie gras. Heureusement que la coupe de champagne n'était pas loin.

Patrick se vexait de ce que Wajdi Mouawad caricature à outrance le Québec et les Québécois. Vrai qu'il a de fâcheuses manies de sermonneur, Mouawad, surtout lorsqu'il s'agit de «ce pays monstrueusement en paix». Il n'y a pas que Serge Denoncourt pour le dire. On se gardera pourtant, par prudence plus que par politesse, de lui jeter la première pierre...

L'homme de théâtre d'origine libanaise pose de façon générale un regard très critique sur son pays d'adoption. Un regard qui peut parfois paraître brutal, ingrat, méprisant, mais qui a le mérite d'être franc. C'est celui d'un médecin qui ne tergiverse pas avant de livrer son diagnostic. Même si son pronostic est pessimiste et que son patient n'est pas prêt pour l'électrochoc.

Le point de vue tranchant de Wajdi Mouawad, qu'il nous plaise ou pas, même s'il dépeint parfois un portrait exagérément sombre de notre société, est utile - j'oserais dire nécessaire - dans l'espace public. Parce que cet artiste d'exception s'intéresse sincèrement, avec acuité et éloquence, sans détour ni complaisance, à ce que nous sommes. Et que ce genre d'introspection est rare. Nos blessures d'orgueil, notre susceptibilité, notre déni de certaines réalités nous empêchent parfois collectivement d'y voir clair.

Le Québec est une société anti-intellectuelle. C'est dans l'essence ce que Wajdi Mouawad a confié à une journaliste de France Culture il y a deux ans, comme le rapportait mardi Patrick. «Dès qu'on se met à articuler une idée un petit peu plus longtemps que le minimum requis, on est un intellectuel», dit Wajdi Mouawad de la perception de l'intellectuel au Québec. «Toutes ces idées qui semblent dire que réfléchir et faire état par des mots de sa réflexion est une chose qui appartient aux prétentieux, aux Français, à ceux qui se prennent pour d'autres, c'est enculer les mouches, etc., etc.», ajoute-t-il.

Pour ce type de généralisation, Patrick traite Wajdi Mouawad de «mange-Québécois». C'est vrai que le portrait qu'il fait du Québec est réducteur et sans nuance. Pourtant, si l'on s'adonne avec franchise à un réel exercice d'introspection, il faut reconnaître que sur le fond, ce qu'exprime Mouawad en des termes caricaturaux, de manière cassante, sans épargner sa société d'accueil, n'est pas loin de la vérité.

Son «crime» est peut-être de ne pas avoir épargné le Québec dans un média étranger. Qu'un artiste né au Liban, exilé en France mais formé dès l'adolescence chez nous déclare, dans la patrie qui nous renvoie à la plupart de nos complexes en la matière, que le Québec est une société anti-intellectuelle, n'est certes pas diplomatique. C'est pourtant vrai. Ce qui ajoute à la blessure.

Le Québec n'est pas seulement une société anti-intellectuelle. C'est une société profondément anti-intellectuelle. Où la culture et le savoir ont une odeur suspecte. Où la suffisance et la prétention se mesurent au nombre de diplômes que l'on a pu obtenir, au nombre de livres que l'on a pu lire ou encore au nombre d'auteurs que l'on ose citer, en s'excusant presque chaque fois d'admettre leur existence.

L'anti-intellectualisme est un trait nord-américain, soit. Mais c'est un phénomène ancré dans la culture québécoise, où il vaut mieux, non seulement ne pas faire étalage de son érudition, mais masquer sa curiosité intellectuelle, pour ne pas être perçu comme un élitiste hautain, détaché des préoccupations de ses concitoyens.

Le Québec est non seulement une société qui semble se complaire dans son inculture. Elle s'en fait une fierté. En forgeant ses héros populaires chez les hommes des «vraies affaires», ceux qui n'en savent pas davantage - ou du moins le prétendent à dessein - que la moyenne des ours. En jouant la carte du populisme et en sous-estimant, précisément, l'intelligence de ceux qui les entourent.

L'intellectualisme est à ce point perçu comme une tare, un vice rédhibitoire dans nos médias, par exemple, que les intellectuels n'osent plus sortir de leurs universités, de leurs séminaires et de leurs essais pour prendre la parole. L'espace public québécois a été expurgé du discours de l'intellectuel, qui n'a plus voix au chapitre depuis si longtemps - à quelques exceptions près, qui confirment la règle -, qu'il préfère désormais se taire. La perte, on ne le regrette pas assez, est immense.

Dans le contexte, reproche-t-on à Wajdi Mouawad son regard méprisant sur la société québécoise, ou son point de vue d'intellectuel sur sa cité? Le mépris n'est peut-être pas seulement là où on le pense.

Me semble généralement faire preuve de nuance, je dis bien, généralement.

Mais là, secuzez monsieurs les intelligents intellos de ce Québec de vous barrer la route......

Vraiment...... victimisation quand tu nous tiens....... si je n'avais aucunement a prime abord cet état d'esprit par ce qu'il évoque..... a le lire, ca m'en crée.... bizarre hein...... mais bon, mon cerveau de petite minable non intellectuelle doit etre en dessous de cette capacité a comprendre ce genre de message.... s'cusez-moi.... je vais aller traire mes vaches en paix. :sarcastic:
Avatar de l’utilisateur
MsPontchartrain
Immortel du Domaine
Messages : 11649
Inscription : mar. mai 04, 2010 1:55 am

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par MsPontchartrain »

Je ne suis pas complètement en désaccord avec cela.

Ici je trouve que j'ai un style relativement correct d'écriture, sans être hyper recherché. Sur MSN, je me permets parfois un style plus SMS.

Il y a quelques mois, j'ai adhéré à un forum général parce qu'il y avait une section intéressante sur laquelle j'avais décidé d'employer mon écriture ''professionnelle'' (structurée, vocabulaire juste et emploi de concepts précis) dans certains débats, ce qui me paraissait de circonstance étant donné que de tels débats doivent être exprimés clairement et recourent parfois à des notions précises pour être mieux argumentées. Aussitôt, j'étais pédante, une autre conne qui abuse du système et qui doit pelleter des nuages dans un domaine inutile à l'université, etc.

Pourtant, je n'avais jamais repris qui que ce soit sur leur français, et n'avait jamais laissé sentir que mon éducation ou la leur entrait en ligne de compte dans la validité de nos opinions. Je débattais de ce que je connaissais, avec les notions que je connaissais, et les auteurs que je connaissais, point. N'est-ce pas là ce qui fait toute la profondeur, tout le plaisir du débat ?

Dans la vie de tous les jours aussi, j'ai été heurtée à des gens qui me demandaient de façon plutôt agressive, ce que ça me donnait de faire une maîtrise ou un doc, ou pourquoi dans ce domaine ''inutile'' (parce que toutes les sciences humaines sont inutiles, c'est connu).

Évidemment ce n'est pas une majorité, et sans qualifier le Québec en entier ''d'anti-intellectuel'' (je trouve ça vraiment exagéré), je peux quand même dire que oui, ça existe, il m'est arrivé de le vivre assez souvent dans ma vie, les gens sont parfois soupçonneux de ceux qui ont une culture ou un certain vocabulaire.

Quant aux intellectuels qui ''n'osent pas'' se prononcer, je ne suis pas d'accord. Plusieurs d'entre eux le font, même dans les tribunes populaires, mais on préfère entendre Roger de Saint-Glin-Glin chialer en joual sa haine des turbans, plutôt que de demander à un expert de se prononcer sur une question d'actualité. C'est souvent exaspérant. Les gens ont droit à leur opinion même sans avoir une expertise, ça va de soi. Mais pourquoi ne laisse-t-on pas la place à une forme de vulgarisation de la part de ceux qui l'ont, cette expertise ?

Je trouve que le problème, de toute façon, va dans les deux sens. Si les gens préfèrent ne pas entendre les intellectuels dans les médias et que les intellectuels snobent les autres en disant qu'ils sont trop bons pour eux, on entre dans un cercle vicieux qui n'aboutit nulle part. La communication doit se faire dans les deux sens. C'est d'ailleurs ce que je reproche au monde universitaire, qui est pourtant le mien : je trouve qu'il y a souvent très peu de place pour la vulgarisation, la communication et l'accessibilité à la connaissance. Moins au Québec que dans d'autres pays, cela entraîne parfois une sorte d'élitisme et je n'apprécie pas du tout ce type de mentalité.
Avatar de l’utilisateur
Anya
Intronisé au Panthéon
Messages : 39599
Inscription : mer. janv. 28, 2009 1:52 pm

Re: Bertrant Cantat au TNM

Message par Anya »

Le blogue de Jean-François Lisée
Le Québec, anti-intello? Wô Menute !
7 juillet 2011

Au Québec où, comme chacun sait, il n’y a jamais de débats, un de ces débats inexistants oppose deux chroniqueurs de La Presse, Patrick Lagacé et Marc Cassivi, au sujet de propos tenus à la radio française par Wajdi Mouawad un homme autour duquel, on le sait, aucun débat n’a jamais lieu.

Patrick (transparence totale: un ami) a mis au jour dans La Presse de mardi quelques avis rendus sur le Québec en 2009 à la radio de France Culture par le dramaturge, dans une entrevue très posée, très réfléchie, très calme. Dans le Québec contemporain, explique Mouawad:

«« dès qu’on se met à articuler une idée un petit peu plus longtemps que le minimum requis, on est un intellectuel. [...] Toutes ces idées qui semblent dire que réfléchir et faire état par des mots de sa réflexion est une chose qui appartient aux prétentieux, aux Français, à ceux qui se prennent pour d’autres, c’est enculer les mouches, etc., etc.»»


Oui, oui. On se retrouve bien là. Le filon anti-intellectuel est bien présent parmi nous, c’est indéniable. Un de nos grands intellectuels, Gérard Bouchard, en avait diagnostiqué la cause: cela vient du parti pris historique de l’élite québécoise pour la France et sa culture et de celui du peuple québécois pour les États-Unis et sa culture. Ce grand écart d’affiliation culturelle aurait, selon Bouchard, longtemps nourri le mépris de la basse ville pour la haute ville et le dédain de la haute pour la basse. Il a fallu attendre la fin du dernier siècle pour opérer une réconciliation entre la francité et l’américanité québécoise.

Wajdi Mouwad poursuit sur la langue, mal parlée et mal enseignée:

««Voilà, vous rentrez dans une épicerie, vous dites: «Lait.» Ça suffit, le type vous donne du lait. Et voilà. Et c’est bon. On va pas dire: «Bonjour monsieur, j’aimerais bien avoir du lait» – à quoi ça sert? Et l’autre qui vous tend le lait, il vous dit: «Une piasse.» Donc, c’est du troc. Je lui donne un mot, qui est «lait»; il me rend un mot, qui est une «piasse», enfin, un dollar. Et voilà. On va quand même pas s’emmerder plus loin que ça, quoi. Et ça c’était extrêmement, extrêmement, extrêmement récurrent, je dirais.»»

Allo ? Je dois avouer à ce point du récit que j’ai grandi à Thetford Mines, ville pour l’instant pas encore reconnue comme un haut lieu de l’intelligentsia cosmopolite internationale. De plus, j’ai grandi dans l’épicerie familiale, ce qui fait de moi un témoin privilégié des conversations entourant la vente de pintes de lait. Mon rapport: je n’ai jamais entendu le dialogue: lait/piasse. Jamais. J’appelle les internautes (ou Wajdi) à nous indiquer le lieu où se déroulent ces conversations monosyllabiques.

Un mange Québécois ? D’abord, ça goûte quoi?

Patrick Lagacé qui est, vous le savez, franc et tireur, dégaine aussitôt son accusation de “mange québécois” contre le dramaturge. Il l’accuse d’avoir proféré des “généralisations, caricatures et énormités”. Il lui en veut d’avoir présenté ces choses comme si elles concernaient “tous les Québécois”.

Étant, pour ma part, partisan du bénéfice du doute, j’estime — à ce point du récit — que Wajdi voulait dire “certains Québécois”, ou “beaucoup de Québécois”, voire “un très grand nombre de Québécois”. Que si on le lui demande, il avouera n’avoir pas parfaitement introduit les nuances qui attendaient sagement dans son considérable intellect. Qu’il ne parlait certainement pas de “tous” les Québécois.

Malheureusement, nous n’en restons pas à ce point du récit car Mouawad poursuit:

««Très rapidement je me suis rendu compte que ce genre de choses, je ne pouvais en parler qu’avec des gens qui venaient d’ailleurs. Une séparation (…) qui a fait en sorte que mes amis les plus intimes et les plus proches sont tous des gens qui viennent d’ailleurs.»»


Wow ! On ne se trompe pas. Aucun Québécois n’est digne d’être son intime. Aucun Québécois ne comprend, ou ne peut discuter, de cette problématique.

Je suis désolé d’avoir à apprendre à un de nos Québécois d’origine étrangère favori qu’en un demi-siècle d’existence j’ai du avoir, avec des Québécois, au moins 100 000 conversations sur ces sujets. Prenez Denise Bombardier, par exemple, qui tient régulièrement ce discours. (Oui, de grâce, prenez-la!) Est-ce qu’elle “ne peut en parler qu’avec des gens d’ailleurs” ? Bizarre car elle en parle presque tous les jours sur la plus écoutée des radios d’informations, puis presque tous les soirs au bulletin télévisé le plus écouté.

Une société profondément anti-intellectuelle

Image
Illustration qui n'accompagnait pas la chronique de Marc Cassivi.

Marc Cassivi (transparence totale: ce n’est pas un ennemi) a pris plume et cause en faveur de Wajdi Mouwad dans La Presse de ce mercredi, sous le titre: Le Québec anti-intellectuel.

«« Le Québec n’est pas seulement une société anti-intellectuelle. C’est une société profondément anti-intellectuelle.

Où la culture et le savoir ont une odeur suspecte. Où la suffisance et la prétention se mesurent au nombre de diplômes que l’on a pu obtenir, au nombre de livres que l’on a pu lire ou encore au nombre d’auteurs que l’on ose citer, en s’excusant presque chaque fois d’admettre leur existence.

L’anti-intellectualisme est un trait nord-américain, soit.

Mais c’est un phénomène ancré dans la culture québécoise, où il vaut mieux, non seulement ne pas faire étalage de son érudition, mais masquer sa curiosité intellectuelle, pour ne pas être perçu comme un élitiste hautain, détaché des préoccupations de ses concitoyens.»»


Vous venez de lire une phrase de 42 mots. Toutes nos excuses pour ceux qui sont étourdis. Faites une pause et revenez quand vous serez remis.

Bon, ça va mieux? On continue. Il y a plusieurs Québecs dans le Québec. Il y a, certes, un “parti anti-intellectuel” au Québec. On raconte que Duplessis faisait exprès de paraître moins cultivé qu’il n’était. Il est mort en 1959.

Mais, c’est bizarre, je me souviens d’avoir travaillé pour le premier ministre le plus populaire du Québec contemporain — Lucien Bouchard — qui ne cachait pas son statut de lecteur vorace, ni la présence de la collection complète des livres de La Pléiade dans son bureau.

Lorsque je lui ai mis une citation de Sénèque dans son discours inaugural, la dite citation s’est retrouvée dans tous les journaux — et personne ne lui a reproché de l’avoir utilisée. (En fait, n’étant, je l’avoue, pas lecteur de Sénèque, j’avais piqué la citation dans un discours de Claude Béland, présenté devant une assemblée d’administrateurs de Caisses Po-pu-lai-res qui, apparamment, ne lui avaient pas envoyé de tomates au visage.) Laquelle ? C’était: « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ».

En fait, Sénèque avait fait un tel tabac que Bouchard et moi avons pris les oeuvres complètes de Sénèque dans la Pléiade pour trouver un autre joyau à utiliser. Croyez-nous, il n’y en a pas !

Je sais, je sais, les premiers ministres du Québec ne citent pas toujours Sénèque. Non. J’ai aussi placé Platon dans un discours de Bouchard, Fukuyama et… James T. Kirk dans un discours de Parizeau.

Le mystère des billets vendus d’Incendies

Cassivi affirme que le Québec est “profondément anti-intellectuel”. Si c’était vrai, le Québécois normal ne serait pas à même de comprendre une œuvre aussi fine que, disons, Incendies, de Mouwad, mis en film par Denis Villeneuve. Mais qui sont donc le quelque quart de million de Québécois qui sont allés voir le film ?

Pourquoi, dans une société “profondément anti-intellectuelle” le dernier Umberto Eco est-il 6e au palmarès des ventes de livres de Renaud-Bray. Pourquoi, si on refuse de nommer les auteurs qu’on a lus récemment, se marche-t-on sur les pieds au Salon du livre de Montréal, de Québec, et à la Grande Bibliothèque?

Une autre plume de La Presse, Nathalie Collard, écrivait récemment que j’étais un “intello-blogueur”. Si nous vivons dans une société profondément anti-intellectuelle, pourquoi votre blogue favori est-il le second au Québec selon le palmarès de Wikio ? Devant “les gourmandises d’Isa” et le blogue de ce fieffé populiste qu’est Patrick Lagacé ?

Pourquoi les parts de marché d’ARTV et de Télé-Québec sont-ils similaires, dans ce pays qui déteste les idées, à celles d’ARTE en France ou de PBS aux États-Unis ? Mystère. Je sais cependant que l’excellente émission Apostrophe de Bernard Pivot (ai-je dit que son dernier livre est aussi sur le palmarès de Renaud-Bray?) était, en fin de vie, diffusée en France après 23h00, mais au Québec, sur TV5, en heure de grande écoute. Je le sais car mon père, épicier et diplômé de l’école de commerce, l’écoutait religieusement.

Le problème est qu’il est difficile de quantifier ce genre d’affirmation. Que signifie, pour le Québec, d’être décoté de son statut d’”anti-intellectuel” à celui de “profondément anti-intellectuel” ? Heureusement, Marc Cassivi nous donne une piste:

«« L’intellectualisme est à ce point perçu comme une tare, un vice rédhibitoire dans nos médias, par exemple, que les intellectuels n’osent plus sortir de leurs universités, de leurs séminaires et de leurs essais pour prendre la parole.

L’espace public québécois a été expurgé du discours de l’intellectuel, qui n’a plus voix au chapitre depuis si longtemps – à quelques exceptions près, qui confirment la règle -, qu’il préfère désormais se taire. La perte, on ne le regrette pas assez, est immense.»»


Bien. Enfin quelque chose de mesurable. La présence — en l’espèce, l’absence — des intellectuels dans le débat public. Le fait que le gouvernement Charest ait choisi deux des plus grands intellectuels du Québec, Gérard Bouchard et Charles Taylor, pour présider une commission sur un sujet chaud ne doit être qu’un accident de parcours.

Le fait que des dizaines d’intellectuels aient participé à ce débat public, se lançant dans les journaux et sur internet des manifestes sur le pluralisme et la laïcité et soient invités sur les tribunes audio-visuelles pour en discuter doit faire partie de l’exception qui confirme la règle.

Moi, par exemple, au CÉRIUM, je puis attester qu’il n’y a pas un jour qui passe sans qu’un des chercheurs/universitaires affiliés au centre ne soit sollicité par un média québécois. Mais excluons cet appel de savoir par les médias petits et grands, qui ne concernent que les affaires internationales.

Y aurait-il une façon de vérifier si, dans les vrais médias, ceux du vrai peuple anti-intellectuel, ce dédain pour la pensée, les idées, est palpable ? Bon, c’est vrai, le jour de la publication de la chronique de M. Cassivi, le sociologue Mathieu Bock-Côté publiait dans la page opinion de La Presse un de ses textes où il utilise des mots de plus de trois syllables et des phrases d’au moins 10 mots.

Cela ne prouve rien. Comme le fait qu’il tienne une chronique hebdomadaire dans un quotidien gratuit distribué dans le métro. Hubert Reeves qui, m’a-t-on dit, ne cache pas son statut d’intellectuel engagé, a bien tenu le crayon pendant des années dans Le Journal de Montréal, où il fait toujours des apparitions.

Ce sont des exceptions. D’autant plus nombreuses qu’elles confirment la règle. Et ne me dites pas que les intellectuels français de passage sont presque tous invités à la radio de Radio-Canada (pire: lorsqu’ils sont les invités du CÉRIUM, il arrive que les émissions se battent entre elles pour en avoir l’exclusivité. C’est lassant!) C’est une radio publique, qui ne parle pas au peuple. Seulement aux intimes de Wajdi (et peut-être de Marc) qui, eux seuls, aiment les idées et viennent d’ailleurs. (Mais j’y pense, Marc… En quelle année as-tu immigré au Québec ? Peu importe, je te souhaite la bienvenue.)

Le stupéfiant silence des intellectuels québécois

Ce serait aussi un épiphénomène que de relever que le dialogue entre les universitaires québécois, notamment des sciences sociales et du droit, avec les concepteurs de politiques publiques au Québec (davantage encore sous des gouvernements du PQ, mais pas seulement) est remarquablement fécond. Et que plusieurs de nos politiques publiques sont le fruit direct de ce dialogue.

Ce maillage, cette fluidité entre les mondes québécois des idées et des politiques publiques étonne souvent nos collègues Français et Américains. (Comment le sait-on ? Dans une année normale, les unités du CÉRIUM reçoivent 180 universitaires étrangers.)

Non. J’ai voulu faire les choses sérieusement et voir si, dans une radio d’information privée, donc complètement inféodée aux cotes d’écoutes de la plèbe profondément anti-intellectuelle, l’immense-absence-des-intellectuelles-expurgés-de-la-prise-de-parole était vérifiable. Si on avait daigné les faire descendre de leur tour d’ivoire (voir photo).

J’ai donc fouillé sur le site internet de l’émission Isabelle le matin, de 98,5. Vous savez ? Isabelle Maréchal, à qui même mon ami Patrick Lagacé, dans une entrevue fort méchante aux Francs-Tireurs il y a quelques années reprochait, au fond, d’être trop populiste.

Pour le seul mois de juin dernier, Isabelle-la-populiste-à-la-radio-privée a osé faire sortir de leur mutisme:

Estelle Bouthilier, spécialiste de la monarchie à l’Université Concordia
Christian Dufour, politologue à l’ÉNAP. (5 fois !)
Marcel Leboeuf et Carl Béchard pour parler de… Molière !
Jacques Florent, directeur éditorial des dictionnaires de langue française des éditions Larousse
André Richelieu, professeur de marketing à l’Université Laval
Donald Cuccioletta, membre associé de l’Observatoire sur les États-Unis de la chaire d’études Raoul-Dandurand de l’UQAM.
Michèle Prévost, professeur titulaire à l’École Polytechnique
André Normandeau, criminologue et professeur à l’Université de Montréal
Martin Courcy, psychologue spécialisé en gestion de crise,
Karl Weiss, microbiologiste et infectiologue à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Dr Anne Fortin, médecin conseil maladies infectieuses à l’Institut national santé publique
Mathieu Bock-Côté, de l’UQAM, (4 fois !)

Et je ne compte pas les médecins et avocats, les hauts fonctionnaires et les directeurs d’associations culturelles. Ce serait trop long.

Juste avant elle, pour ce même mois de juin, le populiste Paul Arcand a reçu:

Céline Anthonin, économiste au Centre de recherche en économie de Sciences Po (OFCE)
Louis-Gilles Francoeur, chroniqueur au journal Le Devoir. (oui, j’ose le compter parmi ceux qui ont des idées)
Raymond Chrétien, ancien diplomate et ambassadeur canadien: sur le conflit en Libye
Marcel Mazoyer (Ingénieur agronome)
Dre Dominique Synnott, chirurgienne générale. Responsable de la clinique du sein de l’hôpital du Sacré-Coeur de Montréal et professeure à la faculté de médecine de l’Université de Montréal.
Dre Marie-Chantal Fortin, Néphrologue-transplanteur, Chercheuse au Centre de recherche du CHUM: dons d’organes, trafic et vente
Martin Coiteux (Professeur, Service de l’enseignement des affaires internationales, HEC) et votre humble serviteur, pour un débat (comme il n’en existe pas au Québec) sur la richesse comparée entre Américains et Québécois.

Je n’ai pas eu le temps de compter le nombre d’universitaires invités pendant le reste de la journée, aux émissions de Dutrizac et de Paul Houde. Je n’ai pas que ça à faire, quand même. Je suis au milieu des Écoles internationales d’été du Cérium où, en plus des étudiants, tout plein de gens de la société civile — ONGs, syndicalistes, gens d’affaires, retraités — prennent plusieurs jours de leur été pour entendre des universitaires leur parler du monde arabe, de la Chine, de la Scandinavie, des droits de la personne…

Ma théorie sur l’anti-intellectualisme

Mais j’ai une petite idée sur l’anti-intellectualisme. Dans ma tour d’ivoire de l’Université de Montréal dont je ne sors pas car personne ne m’invite jamais nulle part dans cette société où il n’y a ni idées ni débats, je me dis que, l’anti-intellectualisme, surtout le profond, c’est d’affirmer des choses sans prendre la peine de les démontrer.

Non, sérieusement. C’est bizarre, dans cette société où n’y a pas de “curiosité intellectuelle”, au cours de la seule dernière année mes livres “‘Pour une gauche efficace” et “Imaginer l’après crise” m’ont valu d’être invité à donner des conférences à: des infirmières, des directeurs d’école, des avocats, des métallos, des travailleurs de l’alimentation, des gestionnaires de coopératives, des cadres de la santé, des comptables, des profs et des étudiants de cégeps et d’écoles secondaires.

Ce n’est pas l’absence de curiosité intellectuelle qui m’a frappé, à chacun de ces arrêts. Plutôt l’inverse.

En fait, le plus beau compliment que l’on me fait, parfois, après ces prestations, est : “vous n’avez pas insulté notre intelligence”. Comme si l’inverse leur arrivait régulièrement. Intéressant.

Tiens, ça me tente d’affirmer quelque chose. Je dirais: “le Québec n’est pas une société où les élites insultent l’intelligence populaire. C’est une société où elles insultent profondément l’intelligence populaire”.

Mais je ne le dirai pas. D’abord parce que ce serait une grossière généralisation des élites. Ensuite parce que je ne puis le démontrer. Ce serait, au fond, profondément anti-intellectuel.

* * *

L’entrevue de Mouawad est maintenant disponible en ligne ici.
http://cyberpresse.media.streamtheworld ... 168561.mp3" onclick="window.open(this.href);return false;

http://www2.lactualite.com/jean-francoi ... ute/10072/" onclick="window.open(this.href);return false;
Répondre

Revenir à « LA TRIBUNE »