Publié le 17 avril 2011 à 11h02 | Mis à jour à 23h30
Marois tient tête aux radicaux
Tommy Chouinard
La Presse
Au lendemain d'un appui à son leadership sans précédent au Parti québécois, Pauline Marois a subi un autre test, dimanche. Elle a dû utiliser toute son influence pour faire renverser une mesure sur l'interdiction de l'anglais dans l'affichage commercial.
C'était la commotion dans les hautes instances du parti après la victoire-surprise de l'aile radicale sur le parquet du congrès, en avant-midi. Une courte majorité des quelque 1500 délégués avaient voté pour une mesure controversée, voire explosive: l'affichage unilingue. Une douche froide pour la chef, elle qui venait d'être plébiscitée par 93,08% des délégués à l'issue d'un vote de confiance samedi.
Mais une volte-face spectaculaire est survenue en après-midi à la suite d'un branle-bas de l'état-major, qui a eu recours à une mesure exceptionnelle.
En assemblée plénière, une militante qui avait appuyé la proposition sur l'affichage unilingue a présenté une demande pour reprendre le débat et le vote. Les deux tiers des délégués ont accepté.
La loi 101 au cégep
Pauline Marois s'est alors adressée à ses militants, déterminée à prendre sa revanche sur l'aile radicale de son parti. «Je ne souhaite pas que l'on s'engage dans un nouveau débat juridique sur la langue d'affichage. Nous avons été déboutés jusqu'à l'ONU sur cette question», a affirmé la chef.
«Je comprends l'inquiétude et le désarroi à l'égard du recul de la langue française, en particulier à Montréal», a-t-elle ajouté. Mais le congrès a déjà adopté des «mesures structurantes majeures», comme appliquer la loi 101 au cégep. «Je vous demande de rejeter cette proposition» sur l'affichage unilingue français, a-t-elle conclu.
Pierre Dubuc, rédacteur en chef de L'Aut'Journal et membre du SPQ Libre - qui n'est plus un club politique au sein du PQ -, est revenu défendre sa proposition. Un membre du Réseau de résistance du Québécois, Dominique Beaulieu, lui a prêté main-forte. Mais la zizanie soulevée par la décision de la matinée avait fait grand bruit dans les médias. Et au moment du vote, une forte majorité de délégués ont finalement rejeté la proposition, soucieux de mettre un terme à la controverse.
Cette proposition avait fait son chemin jusqu'à l'assemblée plénière dans une cascade d'événements rocambolesques. À la surprise générale, elle avait été adoptée à l'unanimité lors d'un atelier sur la langue samedi. Pauline Marois s'attendait plutôt à ce qu'elle soit battue. Mais le député Pierre Curzi, responsable du dossier linguistique, était alors à l'extérieur de la salle pour commenter sa victoire sur la loi 101 au cégep survenue quelques minutes auparavant. Il n'avait pu exercer d'influence sur le vote.
Militant dans Beauharnois, l'ex-chef syndical Marc Laviolette, du SPQ Libre, disait à La Presse samedi que l'état-major du parti avait laissé passer la proposition en atelier pour ne pas froisser des militants au moment où se déroulait le vote de confiance.
En plus de Pierre Curzi, un autre député, Yves-François Blanchet, était présent à l'atelier. Et il avait voté en faveur. Vingt-quatre heures plus tard, à l'assemblée plénière, il s'était présenté au micro «contre», disant avoir changé d'avis après «réflexion».
Les députés ne veulent pas de «guerre linguistique»
Plusieurs députés étaient alors derrière lui, afin de signifier à l'assemblée la position du caucus. Mais une courte majorité avait malgré tout voté pour la proposition.
Les députés Pierre Curzi et Louise Beaudoin s'étaient empressés de convoquer les journalistes pour dire que la mesure ne figurerait pas dans une plateforme électorale. Pas question de «s'ouvrir les veines là-dessus». «Personne n'a vraiment envie qu'on refasse une guerre linguistique sur ça. On ne veut pas rouvrir un débat sanglant», a lancé Pierre Curzi. Quelques heures plus tard, l'intervention de la chef permettrait d'envoyer la proposition à la poubelle.
«Je fais mon mea culpa», a dit M. Curzi à la fin du congrès, reconnaissant que la proposition émanait de sa propre région et qu'il aurait dû être plus vigilant. «Je n'étais pas là au vote. Je regrette. On n'aurait pas été obligé de faire cette procédure-là.»
Pierre Dubuc a accepté la défaite. «Ça s'est fait dans les règles», a-t-il affirmé. Dominique Beaulieu s'est dit «déçu que le Parti québécois revire sa chemise de bord».
En conférence de presse, Pauline Marois a minimisé la controverse. «C'est probablement parce que vous n'avez pas assisté aux autres congrès du Parti québécois pour penser qu'il y a eu un psychodrame dans celui-ci», a-t-elle répondu à un journaliste.
Elle a précisé que l'application de la loi 101 aux cégeps, dans les écoles de formation professionnelle et d'éducation aux adultes figurera dans la prochaine plateforme électorale. Peu de militants s'y sont opposés. «C'est un bazooka», avait tonné Mathieu Bélanger, professeur de cégep, lors d'un atelier samedi. Cette mesure risque selon lui de nuire au PQ lors des prochaines élections.
Pour Pauline Marois, ce congrès est «historique». Les troupes sont unies, et le programme adopté est «audacieux».
Raymond Archambault a été élu à la présidence du PQ. Il a battu l'ancien député de Mercier, Daniel Turp.
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