Lorsqu’elle a été rencontrée par les policiers à la suite de la mort de Jérémy Bastien-Perron, la fille aînée de Stéphanie Meunier a assuré que sa mère n’a jamais été violente avec elle, la victime ou n’importe quel autre de ses enfants.
Le jury chargé de juger la femme de 32 ans, accusée du meurtre prémédité du garçonnet, a pu visionner jeudi les dépositions de la fillette de dix ans et de sa sœur cadette, âgée de sept ans. Elles ont été interrogées par la sergente-détective Lori Anne Lefebvre le 9 décembre 2008, trois jours après le décès de Jérémy.
« Sais-tu pourquoi tu es ici ? », lui a d’abord demandé la policière. « Parce qu’il paraît que ma mère aurait fait des marques sur celui qui est mort », a rétorqué la fillette.
Au cours de cet entretien d’environ une heure, la petite a répété que non seulement l’accusée n’avait jamais frappé Jérémy lorsque celui-ci « piquait des crises », ce qui était apparemment assez fréquent, mais elle préférait plutôt appeler le père du bambin, Francis Bastien, pour qu’il dispute son fils au téléphone.
Lorsque Meunier devait sévir elle-même à l’endroit d’un des cinq enfants qui vivaient sous son toit, elle les envoyait plutôt dans leur chambre ou dans un coin. « Mais ça ne dure pas longtemps. Elle n’est pas sévère, ma mère », a-t-elle dit.
« Ma mère ne nous tape pas. Pour elle, taper, c’est très mal. Elle n’aime pas ça. Elle en a eu quand elle était jeune et elle ne veut pas que ça nous arrive », a-t-elle poursuivi, pendant que sa mère sanglotait dans le box des accusés.
Paresseux et solitaire
La jeune fille a par ailleurs raconté que Jérémy faisait souvent preuve d’un comportement particulier durant le mois où il a cohabité avec Meunier et ses enfants. Elle l’a entre autres décrit comme quelqu’un de « plutôt paresseux » et qui avait « la tête dure ».
Selon elle, il n’était pas non plus très porté à jouer avec les autres enfants, notamment au parc où il refusait toujours de courir avec eux. Le matin, il avait tendance à rester couché beaucoup plus longtemps que les autres enfants. Enfin, il lui arrivait souvent de se réfugier dans sa chambre en verrouillant la porte derrière lui.
Les dernières heures
À l’instar de sa mère, la fillette a soutenu que Jérémy avait été victime d’une vilaine chute au parc quelques jours avant de mourir. Elle dit avoir vu des ecchymoses sur son ventre et son dos le lendemain, mais prétend que ces marques étaient disparues le lendemain.
Puis, elle a raconté comment s’était déroulée cette fameuse journée du 6 décembre 2008, la dernière dans la vie de Jérémy. Stéphanie Meunier et les cinq enfants avaient planifié d’écouter un film et d’aller jouer au parc. Mais d’abord, ils se sont affairés à cuisiner des petits gâteaux.
À un moment donné, Jérémy s’est sali les mains avec du crémage au chocolat. « Ma mère lui a dit d’aller se laver les mains dans la salle de bain. C’est là qu’il est tombé, a-t-elle relaté. D’après moi, il a glissé sur de l’eau. Il était très cochon et ne se lavait pas très bien les mains. »
Toujours selon son récit, Meunier aurait tenté de lui faire le bouche-à-bouche, mais le bambin avait continuait à avoir de la difficulté à respirer. La suite est connue : l’enfant est décédé quelques minutes plus tard, à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.
« On devait avoir une très belle journée et on n’a pas pu l’avoir », a conclu la jeune fille. Sa sœur cadette a essentiellement corroboré sa version par la suite.
Morsures incriminantes
Plus tôt dans la journée, le chirurgien-dentiste Robert Dorion, spécialiste en odontologie judiciaire, est venu expliquer en détails comment il s’y est pris pour analyser des morsures relevées sur le corps de Jérémy et de quelle façon il a pu déterminer que deux d’entre elles avaient été causées par Stéphanie Meunier.
Sur l’avant-bras et le mollet gauches de la victime, il a remarqué « deux contusions semi-circulaires continues » compatibles avec des dents humaines. Les dimensions des morsures lui ont permis de conclure qu’elles avaient été causées par un adulte.
L’expert a donc tout de suite éliminé les trois plus jeunes enfants de Stéphanie Meunier. Ne restait alors que l’accusée et sa fille aînée, puisqu’une personne commence à avoir ses dents d’adulte vers l’âge de six ans, a-t-il indiqué.
Le Dr Dorion a par la suite fait réaliser des moulages de leurs dents. Chez la jeune fille, il a observé des dents très droites. Il en était cependant tout autre concernant Meunier, qui pour sa part avait notamment une dentition « non-alignée ou croche » présentant « un alignement horizontal raboteux ».
Comme la dentition de la fille aînée de l’accusée n’était « pas compatible » avec les morsures sur le corps de Jérémy, le Dr Dorion a ainsi pu identifier Meunier comme étant « responsable » de ces blessures. « Il y a une relation directe entre la dentition et les plaies », a-t-il précisé.
Le procès se poursuit demain, au Palais de justice de Montréal.
jeanphilippe.arcand@24-heures.ca