Le tapis rouge pour Cheb Mami
Taïeb Moalla
03-08-2011 | 10h20
À peine sorti d’une prison française où il purgeait une peine de cinq ans pour avoir organisé une tentative d’avortement forcé sur son ex-compagne, le chanteur algérien de raï, Cheb Mami, sera une des têtes d’affiche du Festival du monde arabe (FMA) de Montréal, le 26 novembre.
En 2009, l’artiste a été condamné par la justice française pour «violence volontaire, séquestration et menace». Il avait donné son accord, en 2005, pour que ses proches tentent de faire avorter son ancienne conjointe, une photographe de presse. Vraisemblablement droguée puis cruellement violentée dans une maison d’Algérie, elle a néanmoins pu garder son enfant, aujourd’hui âgé de cinq ans.
Cheb Mami a purgé une peine de trois mois de prison, en 2006, en France. Omettant de se présenter de nouveau devant la justice, il a fui en Algérie pendant deux ans. En 2009, il a fini par retourner dans l’Hexagone et a été de nouveau incarcéré. Condamné à cinq ans de pénitencier, il a bénéficié d’une libération conditionnelle au bout de 21 mois, le 23 mars 2011.
Depuis un mois, le « prince du raï » est d’ailleurs en tournée dans les pays du Maghreb pour retrouver un public qui lui a «manqué», a-t-il lancé lors de son premier concert post-prison, ce 5 juillet, en Algérie.
Le Festival du monde arabe de Montréal, qui en est à sa 12e présentation annuelle, reçoit des subventions du gouvernement du Québec, de la Ville de Montréal et du Conseil des arts du Canada. Hier, Henda Ben Salah, responsable de la programmation, n’était cependant pas en mesure de détailler les montants versés à l’événement.
Critères artistiques
Interrogée sur le choix singulier de l’artiste algérien, Mme Ben Salah a soutenu que «prison ou pas, ça ne nous concerne pas. Ce ne sont pas des critères éthiques qui nous guident. Nos critères sont purement artistiques. Cheb Mami a une belle voix et un beau répertoire». Souffrant depuis longtemps d’une image quelque peu «élitiste», le FMA cherche à s’ouvrir à un répertoire davantage «populaire». «On veut rajeunir notre public et rendre les spectacles accessibles au maximum», a fait savoir Henda Ben Salah.
En décidant d’inviter la «légende vivante du raï» (dixit un prospectus du FMA), les responsables du Festival se sont assurés que le chanteur pourra bien débarquer au Canada, malgré son casier judiciaire. «Son gérant nous a dit qu’il n’y aura pas de problèmes et que Cheb Mami peut voyager», a précisé Mme Ben Salah, tout en admettant ne pas avoir effectué les mêmes vérifications auprès des autorités canadiennes d’immigration.
Controverse
Reconnaissant que la présence de Cheb Mami pourrait susciter une certaine controverse, Henda Ben Salah a laissé entendre qu’elle ne craignait pas une polémique semblable à celle suscitée par la programmation de Bertrand Cantat, à Montréal, le printemps dernier.
«Nous sommes prêts à justifier et à défendre notre choix, a-t-elle avancé. Nous faisons confiance à notre public qui sait faire la part des choses. Nous ne croyons pas que la présence de Cheb Mami va faire du tort ou qu’elle sera mal reçue.»
Mohamed Khelifati, alias Cheb Mami, est notamment connu pour le single Desert Rose, interprété en duo avec le Britannique Sting, en 1999.
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