Finances publiques
Une approche différente de la dette
Mise à jour : 04/03/2010 19h56
Est-ce que le gouvernement du Québec fait fausse route en utilisant les données de la dette brute comme le fait un document du ministère des Finances publié dans les dernières semaines?
Plusieurs pensent que oui et certains accusent même Québec de noircir le portrait volontairement afin de justifier son austérité budgétaire.
Un document du ministère des Finances publié sur le site fait une analyse de la dette des Québécois. On y compare notamment la dette brute et la dette nette. Le gouvernement a décidé d’utiliser la méthode de calcul de l’OCDE en utilisant la dette brute qui correspond à 94 % du produit intérieur brut (PIB).
Ce pourcentage place le Québec en fond de grille alors qu’il est dans le même peloton que la Grèce (102,6%) qui vit des moments difficiles à l’heure actuelle alors qu’une dette astronomique a plombé l’économie du pays. La province est plus endettée que la France (75,2%) et le Portugal (75,2%). Dans le document, le classement en fonction de la dette nette qui prend en considération les actifs de l’État n’est pas pris en compte.
Ce calcul ne fait pas l’affaire d’un collectif d’économistes qui s’appelle Économie Autrement dont Louis Gill, ex-professeur à l’UQAM.
«La dette brute ne donne pas du tout le portrait des finances du Québec. On ne peut absolument pas se limiter à ces données», a-t-il estimé en entrevue.
Selon ses calculs, cette dette nette du Québec avoisinerait les 41 %. Ce calcul prend en compte les différents actifs financiers québécois dont ceux de la Régie des rentes ou sa part d’actifs au fédéral (environ 20%).
Avec ce calcul, la dette du Québec se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE et non dans la catégorie des cancres. Un tout autre portrait qui reflète «beaucoup mieux la réalité».
«Notre dette n’est pas aussi dramatique que l’on veut bien nous le dire surtout lorsqu’elle est compensée par des actifs. À l’époque de Duplessis, il n’y avait pas de dette, mais il n’y avait rien dans la société. Aussi, on ne doit pas oublier que notre endettement a servi à instruire des gens et nous a permis d’avoir des services de qualité. Et ce n’est pas quantifiable», soutient M. Gill.
Les économistes croient également sur le pourcentage de la «bonne dette» (celle qui permet d’avoir des infrastructures) est de 60 % alors que la «mauvaise dette» est de 40 %, une vision différente du gouvernement, soutiennent-ils.
Dans une lettre ouverte publiée dans un quotidien montréalais hier, un ancien membre du cabinet du Bloc québécois Stéphane Gobeil affirme que Québec utilise «des chiffres tordus». Il donne l’exemple de la Norvège qui avait une dette brute à 56 % de son PIB en 2008. Mais en considérant les centaines de milliards de dollars acquis dans une cagnotte, la Norvège a une dette nette de moins de 125 % de son PIB.
Le comité des sages a une vue à court terme
Un autre signataire du collectif, Bernard Élie partage son avis. Il constate que les chiffres utilisés dans les dernières semaines autant que les propositions du «comité des sages» engagé par le ministre des Finances Raymond Bachand en vue d’un effort pour redresser les finances publiques dressent un portrait «alarmiste».
«Je crois qu’on exagère énormément le problème de la dette. Il faut s’y attarder, mais des problèmes comme la diminution des services publics et le décrochage scolaire sont beaucoup plus criants à mes yeux», affirme-t-il.
Le collectif affirme également que les spécialistes économistes ont une vision à très court terme. «Le comité qui a été engagé par le ministre doit revenir à l’équilibre budgétaire en 2013-2014. Ils doivent trouver des solutions rapides et cela se ressent dans les propositions», conclut M. Élie.
D’autres, comme l’Institut de recherche de l’économie contemporaine (IREC), affirment que l’exercice du gouvernement est flou, car il repose «précisément sur l’absence de paramètres clairs».
«On a noirci le trait pour rendre plus acceptables des propositions qui sont appuyées sur des convictions idéologiques plus que sur des faits», a souligné jeudi le président de l’IREC, Robert Laplante.
(Agence QMI)
http://lcn.canoe.ca/lcn/infos/national/ ... 95604.html" onclick="window.open(this.href);return false;