Infos | Cloutier avoue et demande pardon
Le Devoir
18 novembre 2004
Une deuxième victime se manifeste. Le producteur a versé un million en dix ans à la première plaignante. La Couronne réclame cinq ans de prison
Guy Cloutier n´a pas fait une jeune victime d´agression sexuelle mais bien deux. Et, selon les interprétations, il aura passé les dix dernières années de sa vie à réparer l´erreur ou à acheter le silence, au coût de un million de dollars.
En l´espace d´une journée, le producteur adulé des masses est passé au triste rang de pédophile en reconnaissant sa culpabilité à des accusations d´attentat à la pudeur, de grossière indécence et d´agressions sexuelles sur une fillette, âgée de 11 à 17 ans au moment des faits, et d´attentat à la pudeur sur une autre personne, elle aussi mineure au moment des faits. Le ministère public a réclamé une peine de cinq ans de pénitencier pour Cloutier tandis que son avocate, Sophie Bourque, a suggéré une peine de deux ans moins un jour à purger dans la communauté.
La preuve cumulée contre Guy Cloutier était d´une rare solidité. Sa victime (appelons-la Julie) l´a confronté le 17 mars 2004, chez elle, pendant que les policiers enregistraient le tout. Cloutier avoue ses torts sur ces bandes vidéo dont des extraits ont été lus hier en cour. «Je te dois une vie», lui dit-il en promettant de subvenir à ses besoins financiers aussi longtemps qu´il vivra. Cloutier avait perdu le contact avec Julie à cette époque, ce qui l´effrayait. «Penses-tu que je ne suis pas malheureux ? J´ai peur que la police vienne cogner à ma porte le matin», lance-t-il.
Un million en dix ans
Considéré comme l´inventeur du métier de gérant d´artistes au Québec, le producteur a versé un million de dollars en dix ans à sa victime. Il payait son auto, son logement, et il lui a même acheté une maison de 450 000 $. Pour le procureur de la Couronne, Josée Grandchamp, cela constitue une preuve que Cloutier voulait acheter le silence. Mais pour Me Bourque, il s´agit au contraire de l´expression d´un immense remords de l´accusé, qui a d´ailleurs tenu à présenter ses excuses.
«Je regrette profondément tout le mal que j´ai fait», a-t-il déclaré, la voix fragile, au terme des audiences. «Je reconnais mes torts. J´ai plaidé coupable, mon sort est maintenant entre les mains du juge. Je regrette de tout mon coeur.»
L´ultime conversation de Cloutier avec Julie indique qu´il ne voyait aucune autre façon de se repentir qu´en lui versant de l´argent sur une base régulière. «J´essaie au moins de te sécuriser un petit peu», dit-il lors du face-à-face du 17 mars. Il va même jusqu´à offrir 300 000 $ de plus à sa victime, qui aurait exigé deux millions lors d´une rencontre précédente. Cloutier a reconnu sa culpabilité à une accusation d´avoir tenté de cacher un acte criminel en relation avec cet incident. «Je sais que ton coeur est assez brisé de même. [...] Je te demande une chose, je sais que ce n´est pas facile pour toi, mais fais-moi pas arrêter.»
Âgé de 64 ans, Guy Cloutier ne s´imagine pas «couché sur un sofa» en traitement psychiatrique, et encore moins en prison. «Je vais me suicider», dit-il. Cloutier demande pardon à Dieu tous les jours pour son erreur et implore Julie de «le laisser vivre».
- «Guy, rien ne pourra pardonner ça», lui répond-elle.
Dès l´âge de 11 ans
Guy Cloutier a bâti un petit empire au Québec en se faisant connaître comme un agent de promotion de disques. Il a littéralement lancé la carrière de René Simard, dès l´âge de neuf ans. Avec les années, il a étendu ses activités de producteur au domaine de la télévision, où il générait près de 40 % d´un chiffre d´affaires annuel d´une vingtaine de millions de dollars.
Pendant que Cloutier prospérait, sa victime pâtissait des blessures du passé. Elle était âgée de 11 ans lorsque Cloutier a exhibé son pénis devant elle pour la première fois, lui demandant de le caresser. Elle subira les premières agressions sexuelles avec pénétration avant l´âge de 14 ans, et les sévices perdureront jusqu´à ce qu´elle atteigne l´âge de 17 ans.
Julie a fondé une famille et se considère comme une personne équilibrée en dépit de sa pénible enfance. Lorsque sa fille a atteint 10 ou 11 ans, soit l´âge qu´elle avait lorsque Cloutier s´en est pris à elle pour la première fois, elle s´est sentie envahie par la rage de tout dire. Elle s´est confiée à un proche qui, le lendemain, a confronté Cloutier. Il lui a enjoint de hausser de 2000 à 5000 $ par mois les sommes qu´il versait à Julie, de lui acheter la maison de ses rêves et d´inclure le nom de ses deux victimes sur son testament. Cloutier s´est exécuté.
Me Bourque a fait remarquer que son client n´a jamais amorcé ce jeu de négociations. C´est plutôt Julie qui le relançait pour obtenir un meilleur traitement. Sans minimiser la gravité des gestes commis par Guy Cloutier, Me Bourque estime qu´il a déjà souffert du battage médiatique suscité par ses déboires. «Il ne tombera jamais dans l´oubli», a-t-elle dit. Son image professionnelle est ternie à jamais. Cloutier s´est départi de son entreprise en la cédant à sa fille Véronique peu après le dépôt des accusations contre lui. Il ne renouera probablement jamais avec le métier qu´il a lui-même façonné.
Les remords de Guy Cloutier sont en outre réels. Il a consulté deux psychiatres pour comprendre comment il a pu commettre ces irréparables agressions. «Vous avez un homme qui a des remords, qui est conscient des torts qu´il a causés et qui essaie de les réparer», a-t-elle plaidé. Selon elle, le risque de récidive est nul. Autant de facteurs militant pour une peine à purger dans la collectivité, croit Me Bourque.
Préoccupé par le «je, me, moi»
La Couronne ne partage pas du tout cet avis. Selon Josée Grandchamp, les rapports de l´expertise psychiatrique menée sur Guy Cloutier n´écartent pas le risque de récidive. «On patauge dans quelque chose de sombre et de très imprécis qui ne présage rien de bon pour l´avenir, a-t-elle plaidé. La principale préoccupation de Guy Cloutier, c´est "je, me, moi".»
Me Grandchamp a demandé une peine de cinq ans de pénitencier compte tenu du fait que Guy Cloutier n´a jamais manifesté de véritable considération pour la victime. Lorsqu´elle s´est adressée à lui pour obtenir de l´aide financière, en 2001, il n´a pas trouvé mieux à faire que se masturber devant elle. Plutôt que d´essayer de l´aider, «il fait tout pour qu´elle se taise». Cloutier croyait participer à un jeu avec Julie et la deuxième victime lorsqu´il les agressait, ce qui semble inquiétant pour Me Grandchamp. Celle-ci a enfin rappelé que Julie avait 11 ans lorsque son calvaire a commencé. «C´est une enfant, pas une jeune adolescente. Une enfant.»
Le juge Robert Sansfaçon fera connaître sa décision le 20 décembre. Cette cause revêtait pour lui un caractère d´exception puisqu´il a consenti à une demande de la Couronne pour imposer le huis clos complet sur la preuve entourant la deuxième victime, qui a subi attouchements et masturbations par Guy Cloutier entre 12 et 17 ans. Les autres détails, jugés délicats, doivent être cachés au public.
http://www.bouclier.org/article/3955.html
Le pire, son ex-chum policier lui payait des choses pour la dépanner. Où a t'-elle mis tout cet argent?
Le geste de Guy est immonde et impardonnable, tandis que Nathalie a fermé les yeux pour de l'argent.
Actuellement, elle continue de faire de l'argent. Il y en a qui ont le sens des affaires. Probablement, j'aurais fait la même chose. C'est très tentant.
Elle n'a pas digéré que René fasse un disque avec Guy, alors elle a dénoncé son agresseur. Si ce n'était pas une question de disque ou de carrière de chanteuse, est-ce qu'elle l'aurait dénoncé? On ne saura jamais véritablement la réponse. --Message edité par noiraud le 2005-12-19 10:34:06--